Bienvenue sur notre expé Vélo – octobre 2003 !

“Bruxelles? Y en aurait-il deux? Mais il faut d’urgence finaliser des accords de jumelage entre les deux villes! Histoire que les petits bruxellois bolivien (ou Paraguyaens? Mais il est ou??) puissent d’urgence visiter la place la plus belle du monde!”

Maiiiiis non! La realite est bien plus prosaique que cela. Un evenement famillial malheureux m’a oblige a rentrer, pour une semaine, dans notre beau pays. Bref, je retourne a Santiago samedi, mais sans mon velo, pour continuer le programme prevu. Donc, ne vous en faites pas, vous aurez encore au moins un sixieme episode apres celui-ci. Et maintenant, reprenons les choses ou nous les avions laissees…aux tableaux Excell de CBBA!

A Cochabamba, j’ai pu faire le connaissance des Crespin, un couple de belge actifs dans l’aide au developpement. Francoise, la maman, collabore a une ONG qui s’occupe de la formation des femmes boliviennes, et de la prise en charge des femmes battues. Une stagiaire juriste, qui travaille avec Francoise, disposait de donnees sur une soixantaine de femmes, du style niveau d’education, age, nombre d’enfants, implication dans la communaute,… Il aurait ete interessant de visualiser sur quelques figures la correlation de ces parametres. Mais bon, vous savez comme moi, sauf si vous l’etes vous-meme, qu’un juriste, serait-elle femme et bolivienne de surcroit, et Excell, ca fait quatre (Excell, femme, bolivienne et juriste). Bref, c’est l’ingenieur qui s’y est colle…Avec des resultats peu surprenants (genre: le niveau d’education et l’investissement dans la communaute diminue avec le nombre d’enfants) mais etonnamment clairs vu le faible echantillon.

Apres cette parenthese tres familliale (jeux de societe et diners en famille, baby-sitting,…), j’ai repris le bus (ouhhh!) jusque Sucre. J’ai eu la bonne idee d’acheter un ticket de bus de confort le plus mediocre. Comme j’etais le seul assez fou pour accepter de faire le trajet dans un bus pareil, ils ont bien ete oblige d’annuler ce bus-la et de me laisser monter le bus-couchettes-integrales-incroyablement-confortables pour le meme prix. A six dans ce bus-la, on etait encore plutot a l’aise!

A Sucre, premiere bonne surprise: mon velo n’a pas trop souffert, physiquement et psychologiquement, d’avoir ete ballotte dans les soutes des bus pendant cinq jours. Deuxieme bonne surprise: la specialite de la ville, c’est le chocolat. Et troisieme Tres bonne surprise: il y a un cafe  specialise dans les bieres belges: Leffe, Chimay, Hoegaerden,…C’est un peu cher, et ils sont en rupture de stock de tout, sauf de Gauloise (?!), mais ca fait tout de meme chaud au coeur. Meme si le patron est hollandais. Je visite quelques tres belles eglises coloniales, et je recois l’autorisation de sonner les cinq coups de 17h a Saint Ignacio.

Et le lendemain, enfin, je reprends ma becane, direction Potosi. C’est la plus haute ville du monde (4060m, mais c’est quoi une ville?), et il y a 400 ans, elle aurait aussi pu pretendre au titre de ville la plus riche du monde. Imaginez-vous: sous domination espagnole, on a extrait assez d’argent du Cerro Rico (La montagne riche) pour recouvrir de lingots d’argent une autoroute de Potosi jusqu’a Madrid. L’autoroute de cadavres d’indiens et d’africains jusqu’en Afrique occidentale est certainement une autre possibilite. La montagne, un veritable gruyere ou les veines les plus riches ont depuis longtemps ete exploitees, est toujours le lieu de travail de quelques milliers de mineurs. Les marches aux alentours vendent la dynamite (je comprends maintenant pourquoi les greves des mineurs, ca fait mal!), les feuilles de coca, et les paquets de cigarettes, l’attirail inidispensable au travail de mineur.  Avec ca, on extrait huit tonnes de minerai par mois a raison de 10 heures par jour, sortis des tunnels a la brouette. Gain: 28 dollars par mois. Perte: la vie apres quinze ans en moyenne. La visite est un petit peu choquante…

Sinon, la ville elle-meme est insolite: une cinquantaine milliers de personnes au milieu de montagnes pelees, un centre historique superbe, et des gens qui ne s’essoufflent pas a quatre mille metres. La Bolivie perd 3-0 en Argentine pour les eliminatoires de la coupe du monde 2006. Dans le cafe, sur les conseils d’un bolivien, je lance un tonitruant “Bomba, bomba…” Toute la foule etait *censee* repondre “BOLIVIA”, mais vous savez ce que c’est, une foule, ca ne suit pas toujours…

Apres ces deux jours bien sympathiques, mon velo et moi retrouvons de la terre et des cailloux pour 3 jours jusque Uyuni, en bordure du Salar du meme nom, le plus grand desert du sel du monde. Et sur le chemin, deux nouveautes. Premiere, le sable. Je m’approche d’un desert, c’est normal me direz-vous. Mwouais, ca a beau etre normal, ca ne m’arrange pas plus. Avec 30kgs de bagages, ca devient vite plus que sportif. Deuxieme, la tole ondulee. Un peu comme sous les tire-fesses au sports d’hiver a la fin d’une journee de la semaine de carnaval, mais sans les ratraques qui travaillent toutes les nuits. La, je regrette de ne pas avoir d’amortisseurs sur mon velo! Et pour couronner le tout, a partir de la et jusqu’a la fin, beaucoup de vent. De face. A 4000m. Resultat des courses, je fais une petite pause d’une journee dans une ville fantome bien sympathique, Puclacayo.

Il y a 70 ans, a Puclacayo, il y avait un bowling, un cinema, un terrain de golf, des terrains de tennis. Il y a eu la premiere ligne de chemin de fer bolivienne, et la premiere centrale electrique, et 3500 mineurs. Et maintenant, il n’y reste que 220 personnes, et 11 mineurs. Autant vous dire que ca a drole d’allure. A une dizaine de kilometres, dont trois et demie dans la mine, il y a un vrai village fantome, abandonne dans les annees trente, a cause de la contamination au mercure. Il y a encore des assiettes sur certaines tables…Une note d’optimisme: j’etais la en meme temps qu’une equipe de prospection miniere  qui envisage de redemarrer une activite miniere moderne. C’etait cool de pouvoir discuter avec des boliviens instruits et actifs dans leur propre pays. Et finalement, le coucher de soleil sur le salar d’Uyuni, a partir des derniers contreforts montagneux, valait vraiment le coup. On voyait jusqu’au Chili, a 300 kms.

Apres deux heures de descente a velo, c’est Uyuni, une petite ville au milieu de nulle part,  porte d’entree du desert de sel. J’y reste 24 heures, le temps de preparer la seconde partir veritablement sportive du voyage a velo: la traversee jusqu’a San Pedro de Atacama au Chili. Au programme: 440 kilometres dans un desert (dont 85 dans le desert de sel), seulement 3 villages sur les premiers 150 kilometres puis plus rien, les quatres derniers jours sans redescendre en-dessous de 4000 metres. Et une region volcanique, ce qui veut dire: lagunes, geysers et sources d’eau chaude…

La nuit sous tente au beau milieu du desert de sel fut memorable (j’avais pris une pierre avec moi, mais apres 2 minutes d’effort, je n’avais reussi a enfoncer un piquet de la tente que d’un millimetre). Le probleme principal, que je pensais etre l’eau, fut plutot le sable et le vent. J’ai certainement du pousser mon velo plus que cinquante fois, et sur plus de deux kilometres en tout. Avec dix litres d’eau sur le porte-bagage, c’est une joie! Et le pire: le vent de face, qui se leve tous les apres-midi. Le bruit dans les oreilles pendant des heures. Et tous les soirs, le vent qui tombe, au coucher du soleil, quand il fait froid, et qu’il n’y a plus rien a faire! Putain, fais chier!

Mais c’etait aussi: les flamands de James a la laguna Colorada et a la Laguna Verde. Les vicunas, une sorte de gazelle incroyablement belle. L’observation beate du lever de soleil a 4300 metres et 5h15 du matin et en compagnie des flamands susmentionnes, etale dans un bassin d’eau a 32 degres. Les geysers de Sol de la Manana et la terre qui bouillonne a mes pieds. Un col a 4920m, sur un chemin d’excellente qualite (merci mon dieu!). La descente  vers San Pedro de Atacama, ou 42 kilometres de route asphaltee, de 4600 a 2300 metres, quasiment sans virages, avales en moins de cinquante minutes. Le bon-heur! Et le retour a la civilisation…

Et la mauvaise nouvelle…La machine de guerre Europ Assistance me trouve des billets d’avions Calama-Santiago-Madrid-Bruxelles en une heure vingt chrono, je trouve une caisse en carton pour mon velo, un sac de pomme de terre en jute rose pour taper tous mes bagages, et 40 heures plus tard, j’arrive a Zaventem, il fait froid et gris, et la journee du lendemain risque d’etre emouvante. Mais je dois avouer que le rable de lievre que je mange ce soir-la me rappelle que la Belgique est un pays ou il fait bon vivre, finalement!

Kusjes,

Mathieu