Ascension de la “Devies- Gervasutti”
Texte de Sebastien Megnin originellement publié sur son site
Cette semaine conclue par l’ascension de la “Devies- Gervasutti” en face nord d’Ailefroide , c’est un peu l’aboutissement d’une série de rencontres avec des amis, et un guide, un ami, Bruno.
L’expression “grande course” je l’ai découverte dans les livres de montagne que j’achetais chez les bouquinistes des bords de Seine. Pendant longtemps je n’ai même pas imaginé pouvoir un jour toucher des doigts le rocher de ces parois historiques. Mon intérêt était plutôt celui d’un lecteur de “livres d’aventures”, initié à l’escalade, découvrant des récits mettant en scène des exploits et des premières.
Comme me l’a fait récemment observé Bruno, ces récits offrent souvent une vision assez “guerrière” de la pratique de la montage … et l’amitié ?
Le rocher je l’ai touché pour la première fois il y a un peu plus de 30 ans sur les blocs à coté de la maison. Immédiatement j’ai ressenti le plaisir du geste et de l’outdoor.
Et puis la corde, la découverte de petits itinéraires dans les aiguilles rouges lors de mon premier stage ucpa à 17 ans. Fierté et émerveillement.
Ensuite le tunnel des études, et en bout de tunnel la rencontre avec Dom, l’expérience marquante au Yosemite, l’achat de la première Goretex avec mon premier salaire …
Après un peu d’apprentissage chaotique, quelques projets réalisés avec des amis puis une pause de plusieurs années, je rencontre par hasard Bruno lors d’une course collective aux Rouies en été 2006.
J’avais déjà grimpé quelques fois avec un guide à Chamonix, mais lors de notre première sortie ensemble à l’Olan, pour la première fois je sens passer un truc à travers la corde.
C’est forcément difficile à décrire, mais c’est comme si on me guidait avec confiance pour ouvrir une porte et regarder l’activité avec de nouveau yeux. La montagne cesse alors d’être un obstacle à franchir pour devenir un monde à comprendre, et j’ai rencontré un pédagogue qui me fait confiance.
Appendre est un processus long, d’autant plus que ma pratique est limitée à quelques jours dans l’année, mais l’expérience s’enrichit des projets variés que me propose Bruno.
J’y découvre mes possibilités, mes limites. Au relais, en assurant, je suis le spectateur attentif de l’escalade de Bruno, … impressionné, me disant parfois que dans quelques minutes c’est à mon tour …
Certains topos me font dresser les cheveux sur la tête, comme La balade d’un bienheureux et d’un sauvage, encore une fois la confiance partagée permet de franchir de nombreuses barrières psychologiques !
Et petit à petit, des projets d’ampleur, mi rêvés – mi envisagés, peuvent se réaliser, la Pierre Alain à la Meije, la directe de gauche à L’Olan. J’apprends l’investissement physique lié à ces longues courses, la préparation nécessaire.
Et puis, de manière assez naturelle nous venons à parler de cette face d’Ailefroide comme un projet possible. Je sens que je dois me préparer plus sérieusement pour rendre cela réalisable sereinement.
Après quelques jours d’attente les conditions sont réunies début Août pour partir dans la face.
C’était la première fois que j’expérimentais l’attente pour une ascension. C’est une période de tension intérieure, passée à surveiller les conditions de la face et les bulletins météo, ce n’est pas le moment ou je me suis senti le plus serein !
L’horaire impose de grimper corde tendue, en confiance, dans des passages ou il ne faudra pas tomber. Nous nous entraînons à grimper ensemble corde tendue sur une partie des 14 longueurs d’une grande voie à l’Encoula .
Ensuite l’ascension en elle même, j’essaye d’en dire quelques mots ci dessous, mais la concentration et l’action font que je me suis senti un peu comme dans une bulle, concentré sur ce que je devais faire.
Tout n’a pas été parfait dans cette ascension de l’Ailefroide, en particulier lors des rappels de descente ou j’aurais pu faire preuve de plus d’initiative et d’anticipation. C’est d’ailleurs parfois une difficulté : écouter les conseils tout en restant actif et concentré sur ses choix. Physiquement, la fin de la journée à été un peu longue mais c’est normal, la prochaine fois je saurai mieux me préparer.
Merci à Bruno pour sa confiance !!
Quelques moments de l’ascension :
Difficile de partager, même avec des photos . La paroi est vraiment très austère, 1000 mètres de rocher souvent délicat. des chutes de pierres , l’impression d’être très loin du monde des hommes.
Ce projet aura pris la semaine, entre entrainement , attente des conditions, approche et retour.
Nous montons au refuge temple écrins le Jeudi. Nous enchaînons sur une reconnaissance de l’approche en ajoutant quelques cairns qui seront fort utiles de nuit !
Lever vendredi vers 2h20. départ à 2h50.
Pied de la face un peu avant 5h.
Sommet 17h.
Refuge du Selé 23h.
Lever Samedi à 5h et retour en milieu d’après midi à la Bérarde via le col du Sélé.
Une partie de l’ascension se déroule avec des passages de corde tendue, plutôt sous forme de très grandes longueurs. les difficultés ne sont pas extrêmes, cependant le contexte demande de grimper en second bien concentré . Le franchissement du pilier central est le passage le plus raide mais à l’abri des chutes de pierre il me laisse plutôt une bonne impression.
Ce n’est en revanche pas le cas des dalles grises : 3 longueurs environs, très exposées ce jour là ( ?? ) aux chutes de pierre qui viennent de beaucoup plus haut et passent avec un vrombissement autour de nous.
Pas de quoi travailler la sérénité, le rocher est criblé d’impacts blancs …
Pour ajouter à l’ambiance, pas mal de mouillé et beaucoup de zones sableuses sur ces dalles en 5+. Vraiment pas évidentes ces longueurs sableuses et mouillées.
J’ai essayé de faire le plus vite possible dans ces conditions , une drôle d’expérience avec pas mal de soulagement en prenant pied sur l’immonde vire en arc de cercle.
Quand je dis immonde, c’est un jugement personnel mais … cette vire déversée dans un rocher pourri me laisse un sacré . j’ai essayé de me souvenir des conseils de Bruno, surtout une poussée des pieds verticale ( ne pas se pencher en avant .. ), ne rien attraper avec les mains ….
Ensuite les longueurs s’enchaînent assez vite , avec une belle impression dans la cheminée terminale qui même mouillée offre de beaux passages d’escalade les pieds en écart avec un sacré gaz en dessous.
Un morceau de saucisson avalé sur l’arête et il faut attaquer la descente. C’est à ce moment que je me rend compte que j’ai les deux genoux très douloureux. Cela rendra la descente bien pénible. Déshydratation et fatigue musculaire ?? . Rien de grave, même si sur le moment cela m’a bien ennuyé dans la descente en m’obligeant à des mouvements pas naturels et en ralentissant le rythme.
Seb Megnin