Raid Passeport ASBL 2019 – Tour du Cervin
Dénivelé positif
La Suisse. Ce pays que je connais depuis tout petit. J’y suis allé tellement de fois que je n’ai pas assez de mains pour les compter. Et il y a cette montagne noire, carrée, terrifiante et imposante au fond de la vallée. Le Cervin. Il m’est presque familier car il a toujours fait partie du paysage lors de mes vacances d’hiver ou d’été.
A l’heure actuelle, je n’ai pas encore les connaissances et aptitudes nécessaires pour entreprendre l’ascension de ce sommet mythique. En revanche, le tour du Cervin à travers la Suisse et l’Italie est plus dans mes cordes. C’est parti.
Je me suis lancé dans cette aventure dans le cadre d’un raid Passeport. Ce raid a recueilli 11 jeunes et était encadré par 4 staffs. Nous avons ensuite fait deux groupes comme Passeport a l’habitude de faire.
Mon groupe était constitué de 5 jeunes et de 2 staffs. J’avais à mes côtés un lieutenant de qualité connu sous le nom de Noé.
Avant de partir, je le connaissais mais sans vraiment le connaître. En effet, c’est à l’origine un ami de mon frère, et c’est par lui que je le connais. Bien que Noé et moi avions fréquenté le même établissement scolaire en secondaire, nous ne nous sommes jamais retrouvés dans la même classe. Je le croisais tantôt lors des récréations, tantôt en soirée, mais j’ignore pourquoi, j’avais l’impression d’avoir un lien avec lui. Sans doute parce que nous partageons un peu la même mentalité, d’aimer la discipline et le respect des règles, d’être casse-cou sur les bords et d’avoir le goût de l’aventure.
Jour 1
Un premier jour costaud avec 8 heures de marche, 1300 de D+ et 1500 mètres de D- sur une longueur de 21 kilomètres avec des sacs chargés à bloc nous attend.
Nous sommes partis en autonomie pour 7 jours. En d’autres termes, ton sac devient ta maison. On y trouve tes habits, ta tente, ton matériel de couchage, le nécessaire pour ne pas manquer d’hygiène, ton matériel de cuisine, ta nourriture et les indispensables (cartes, téléphones, batterie, etc.). Tout ce dont on a besoin y est.
Pour être honnête, lors de ce premier jour, j’en ai bavé. On a attaqué beaucoup trop fort. Mais bon, même si j’étais en galère, que j’avais mal aux pieds, aux jambes, au dos et que j’avais trop chaud, j’ai pris sur moi et j’ai fermé ma gueule, comme on dit vulgairement.
Après que l’obscurité se soit abattue sur nous, je me suis endormi en ignorant la nuit mouvementée que j’allais subir.
Vers 2h30, trois jeunes se réveillent un peu affolés parce qu’il y aurait un animal « dans leur tente ». C’est sous une pluie fine que je sors à moitié endormis. J’allume ma frontale et soudain, deux points jaunes ressortent de l’obscurité. Ils réfléchissent ma lumière comme un panneau de signalisation routière. Ce sont les yeux d’un renard qui transpercent la nuit noire.
Je décide d’avancer vers lui mais il n’a pas l’air effrayé. J’avance encore mais il ne réagit pas. J’arrive à hauteur d’un petit tas de bûche qui me sépare de lui. Je lui en balance une mais encore rien. Ensuite, Noé lui balance une autre bûche et le renard finit par s’éloigner et disparaître dans la forêt. Les jeunes retournent dans leurs tentes et Noé et moi dans la nôtre.
Un quart d’heure plus tard, je ressens au niveau de mes pieds une tension sur le tendeur du fond. Le renard est de retour. Il s’est sans doute pris la patte dans celui-ci. Mais ça ne m’inquiète pas. De toute façon, le renard est chez lui. Il constitue la faune de ces montagnes.
Brusquement, la tente s’effondre sur nous et je comprends directement que c’est le renard. Alors, je commence à donner des coups avec mon sac de couchage comme un forcené en criant « CASSE TOI ESPÈCE DE CONNARD !!! » et Noé se réveille en sursaut et commence à faire de même sans comprendre ce qu’il se passe. Résultat des courses : c’est le bordel dans la tente et je ne trouve plus ma frontale dans ce capharnaüm.
Après avoir mis la main dessus, je tire la tirette de la porte avec prudence et courage car je craignais que le renard ne me saute dessus. À ce moment, Noé et moi en avons tellement marre de ce renard à la con qu’on est sorti en chaussette, sous la pluie, avec nos bottines en main entrain de poursuivre cette sale bête. Honnêtement, si j’avais eu une machette à la place de ma bottine, j’aurais pu lui faire du mal tellement j’étais exacerbé. On a ainsi pris la décision de décamper. Il faut bouger de cet endroit maudit.
Cependant, en plein milieu de la nuit (3h du mat), on n’était pas très motivé à tout remballer dans les sacs. Donc, on a juste retiré les sardines des tentes et on les a portés avec toutes les affaires à l’intérieur. Ce n’était pas très pro mais bon…
Heureusement, nous étions à proximité de Zinal. Il nous aura fallu un quart d’heure de marche pour arriver dans le centre et s’installer sous le porche du supermarché.
Une fois entré dans mon duvet, je n’arrivais pas à dormir car je ne pouvais m’empêcher de scruter nos alentours pour anticiper un éventuel retour du renard avant que le marchand de sable fasse son apparition vers 4 heures et demie.
Jour 2
Au réveil, tous les clients nous regardent comme des sans-abris. On est l’attraction de la matinée et l’histoire de la nuit fait le tour du village. Après avoir bricolé une réparation de fortune sur deux des tentes, on est reparti. Il a été difficile de se remettre en route car le moral était au plus bas.
Aujourd’hui, nous devons nous rendre au Barrage de Moiry. L’ascension de la montagne – très raide par ce versant – me plonge dans mes pensées, notamment à mon intérêt pour les treks. Je me disais « Pourquoi est-ce que j’aime bien ces trucs-là moi ? Pourquoi est-ce que j’ai choisi de me mettre dans la merde pour mes vacances ? J’aurais pu choisir la tranquillité au soleil de la méditerranée mais non, j’ai décidé de me casser le cul à gravir des montagnes… ».
D’ailleurs, lors de mes treks, j’ai toujours le même truc en tête. J’ai hâte de rentrer chez moi. Oui, en effet, je décompte les jours et les nuits. Et une fois rentré, je n’ai qu’une envie, c’est de repartir. J’ai trouvé un nom à cela : Le paradoxe de l’aventure.
La journée s’est terminée par une descente cassante et une petite montée qui nous a mené à une cabane de chasseur. À mon avis, il était interdit d’y loger, mais au moins aucun animal ne pourra nous nuire.
Jour 3
Les rayons du soleil qui pénétraient dans la cabane étaient prometteurs d’une belle journée ensoleillée. L’objectif du jour était de rejoindre Arolla dans le val d’Hérens.
On a commencé à attaquer la montée sous un ciel bleu azur. 500 mètres de D+ nous séparait du col de Torrent. Ensuite, il a fallu entamer une interminable descente de 1500m de D- pour arriver à Les Haudères. Une fois la pause midi achevée, un dernier effort pour rallier Arolla était nécessaire. Nous sommes arrivés au pied du Mont Collon – dont la cime, ennuagée, s’élève à 3637m – pour installer le campement.
Jour 4
La journée a de nouveau commencé avec le soleil. Il y avait au programme une ascension de 1100m de D+ avec comme point d’arrivé le col Collon perché à 3074m. Ce col est le point de passage obligatoire pour rejoindre l’Italie. Nous sommes censés y retrouvé l’autre groupe afin d’échanger les clés des voitures.
Toutefois, en marchant sur la moraine précédent le glacier, Noé et moi n’étions pas vraiment rassuré. C’était la première fois que l’on se rendait sur un glacier sans guide, sans crampons et sans corde. Je distinguais avec appréhension les pièges que la haute montagne propose.
Noé, ayant plus d’expérience en alpinisme que moi, se déclare leader pour mener le groupe sur le droit chemin. Heureusement, tout s’est bien passé. Noé a fait ça comme un pro.
Arrivé au col, on croise comme prévu l’autre groupe. Cependant, ils nous ont fait part de leur impression sur notre étape du lendemain qu’ils ont réalisé hier. Ils l’ont trouvé trop dangereuse et nous conseille vivement d’y renoncer…
Une fois le repas terminé, on se questionne avec Noé. Que faire pour demain ? Noé est assez motivé. Quant à moi, je suis plus mitigé. Je comprends son avis parce que d’un côté, sauter une étape c’est tricher, mais d’un autre côté, je n’ai pas envie de nous remettre dans une situation délicate comme aujourd’hui. C’est en pensant à l’expression de mon père « Safety First » que nous avons tranché. Demain, on skip.
Jour 5
Après une heure de descente, on est arrivé au parking du barrage près de Prarayer et on a commencé à faire du stop car aucune autre alternative n’était possible dans ce coin perdu. C’est un couple valaisan très attentionné qui nous a chargé et conduit à la gare d’Aoste. Il a fallu encore un trajet en train et en bus avant d’arriver à Breuil Cervinia sous le coup de 16 heure.
On était au pied de la face sud du Cervin. Il avait une allure terrifiante dûe à sa noirceur et à sa prestance. Un hall d’arrivée de télésiège, en liaison avec un hôtel désert, nous a servi de logement. Par curiosité, Noé et moi sommes entrés dans l’hôtel pour voir s’il y avait quelqu’un mais c’était absolument mort. En revanche, à la réception, une Playstation 4 trônait devant un grand écran, mais en bon citoyen du monde, on n’y a pas touché.
Jour 6
Réveillé à 7h00 par le lancement des remontées mécaniques qui faisaient un bruit épouvantable. La grasse mat’ sera pour un autre jour. Il restait encore le col Théodule à franchir. Haut de 3295m, il constitue le point culminant du trek. Il ne restait plus qu’à descendre sur Zermatt via les pistes de ski, une forêt et un village.
Bien que je sois allé en Suisse à de multiples reprises, je n’avais jamais mis les pieds à Zermatt. Connu pour son domaine skiable et son cadre époustouflant avec les plus hauts sommets des Alpes, Zermatt attire des foules de touristes du monde entier, avec néanmoins une prédominance des asiatiques. Ils sont là à faire la file partout, à parler à tue-tête, à prendre toute la place et à faire les beaux devant le Cervin. On se croirait dans un aéroport où les boutiques de luxes (Swarovski, Chanel, …), les hôtels 5 étoiles, les spas et les restos chic se partagent les bâtiments. Bref, insupportable…
On finit par quitter cette atmosphère oppressante en suivant la route qui relie au prochain village dans lequel est garée la voiture.
À présent, il ne reste plus qu’un objectif avant de rentrer au pays : réaliser l’ascension de la Pyramide Vincent à 4215m logée au cœur du massif du Mont Rose dans les Alpes Pennines.