Nous partons 7 jours sur l’Hardangervidda en ski de rando nordique de Odda à Finse. C’est une première expé nordique pour nous toutes et un rêve depuis longtemps. Tout a commencé par une publication de Ariadne sur ”Louvain-la-meuf”, un petit groupe faceboof de 30milles nanas qui s’entraident pour tout (vrmt tout), c’est comme ça que Chloé et moi, Maëlle nous nous retrouvons à planifier cette expé avec Ariadne. Nous ne nous connaissons pas beaucoup mais nos envie de cette expé ensemble nous rapproche

Je crois que la meilleure façon de commencer le récit de cette expé est comment nous nous sommes retrouvés au milieu de ce plateau entre trois presqu’inconnues. En décembre Ariadne à poster une publication facebook sur le célèbre groupe de Louvain la meuf, un petit groupe d’environ 30 000 meufs néo- louvaniste ou juste belge, étudiantes mais pas que. Ariadne a toujours eu une attirance pour le nord et le ski de fond et les treks, la traversée de l’hardangervidda était une expé qui combinait les deux, elle cherchait des chouettes meufs avec qui partir. Les chouettes meufs c’est Chloé et moi, Maëlle. Chloé a toujours rêvé de découvrir la Norvège et avait envie de se chalenger. Et moi, j’ai toujours été attirée par les grands espaces et la montagne, voir toutes les expés Cap Expé sur la Kungsleden me faisait rêver, je voulais découvrir les expés nordiques. Et surtout, nous partagions l’envie de faire cette expé entre meufs. C’est donc comme ça que nous nous sommes retrouvée toutes les trois pour la première fois pour planifier cette expé.

Nous avons planifié 7 jours d’expé avec des nuits en refuge gardé ou non.

Jours -1 : Oslo — Tyssedal en bus

Arrivée à Tyssedal (lieu de départ), nous nous sommes rendu compte que notre première journée était énorme, environ 26 km et 1800m de D+, et que nous commencions par 8 km de route sans neige. C’était la plus grosse journée de l’expé car nous devions monter sur le plateau. Le début de notre itinéraire était le même que celui de la célèbre rando pour aller à Trolltunga, il y avait donc des bus mais uniquement en haute saison. Après de longues discussions, on a finalement décidé de prendre un taxi, le stop n’était pas possible car la route n’était quasiment pas empruntée. On ne connaissait pas notre rythme et c’était un peu trop risqué de ce lancer directement dans une si grosse étape.

Jour 1 :

Départ à 7h30, nous sommes arrivés au parking de départ sous la pluie, nous commençons par marcher sur une route en lacets sur 4 Km et 400m de dénivelé, sans neige au début. C’était long mais on a finalement pu chausser les skis à la moitié. Pour Chloé qui n’avait jamais fais ni de ski de rando ni de ski de fond, ce n’était pas la journée la plus facile mais elle a géré.

Durant la préparation de cette expé nous avons parfois eu du mal à nous mettre d’accord sur certains points pratiques mais une fois que nous nous sommes retrouvés sur nos ski, on est devenu une team de choc, nos encouragements l’une envers l’autre nous ont porté durant toute l’expé.

Une fois arrivé sur le plateau, il nous restait encore une quinzaine de km mais le brouillard a fini par se lever pour laisser place à un ciel bleu et à un paysage plus beau que ce que nous attendions. Un désert vallonné blanc, un silence comme nous n’avions jamais entendu. Juste nous, encore inconnue il y à 2 mois et nos skis.

Nous sommes finalement arrivés au refuge de tyssevasbu à 19h, nous étions avec un Polonais qui nous à un peu effrayer en parlant de la tempête dans laquelle il s’etait retrouvé quelques jours au paravant et pendant laquelle sa tente c’était envolée. On a aussi eu droit à un petit cours sur comment allumer du feu avec des allumes feu par le polonais. ‘’You really have to know how to make fire, i’m going to show you ‘’. Probablement qu’il c’est imaginé que comme nous étions trois femmes nous allions mourir de froid dans les prochains refuge s’il n’y avait pas d’homme pour nous faire du feu… (spoiler alert, on sait faire du feu et même sans mettre 3 allumes feu)

Nous avons dû apprendre à nous organiser pour la gestion de l’eau, aller chercher de la neige, la faire fondre, la faire bouillir, la faire refroidir. Tout prend beaucoup plus de temps, mais nous avons le temps, pas de réseau, et une vue incroyable. Après un coucher de soleil digne d’un film et un pipi sou les étoiles, comme je n’avais jamais vu auparavant, on est allé dormir.

Jour 2 :

Départ un peu tardif, on n’était pas au point au niveau de la gestion de l’eau. Le départ n’était pas facile, la neige était gelée et le vent soufflait comme jamais mais le soleil était toujours là. On avançait lentement, s’arrêter pour enlever la doudoune, la remettre 1km plus loin, enlever sa polaire, mettre le masque de ski, boire, … prend du temps mais a son importance. A midi, Ariadne avait une douleur au tibia, un gros coup bleu à cause de sa chaussure. On en a profité pour s’arrêter et manger dans une vallée à l’abris du vent. La neige absorbait tous les bruits, ce qui donnait l’impression de faire un bouquant de l’enfers rien qu’en mangeant nos crackers…

On ne voyait pas la fin, monter, descendre, remonter, redescendre, je sentais qu’Ariadne avait mal, habituellement devant, elle avançait plus lentement. Mais nous avons finalement vu le refuge au bout d’un lac, et quel refuge… A notre arrivée, un groupe de 8 slovènes nous a accueillit en nous proposant de café et faisant de la place dans la chambre. Ils étaient impressionné par ce que l’on faisait et ça nous a fait plaisir. L’ambiance était là, entre les pancakes ‘’like brussels waffels‘’ et l’alarme incendie inarrêtable pendant 15min, on a bien ri. Si vous vous retrouver dans un refuge DNT avec une alarme qui ne s’arrête pas, il faut mettre la cléf dans un trou sur le tableau électrique et tourner des boutons. Évidement les instructions son en norvégien et les slovènes ne parlent pas norvégien (nous encore moins). L’ambiance de ce refuge était agréable, nous nous sommes sentis accueillie malgré la barrière de la langue. On a terminé la soirée par un coucher de soleil de nouveau incroyable. Chloé est restée un petit temps dehors, dans le froid, à regarder le ciel changer de couleur. C’étaient des petits moments simples mais qui font partie de nos meilleurs souvenirs.

Jour 3 :

Initialement nous devions aller au refuge gardé de Litlos mais en discutant avec le guide du groupe de slovènes, nous avons appris que le refuge d’Hadlaskar était ouvert et que ça nous permettrait d’alléger 2 journées. Nous sommes donc parties pour une petite journée de 12km, ‘’une petite montée et puis c’est que de la descente‘’, tranquille nous nous sommes dit… Et bien pas vraiment, arrivée en haut, la vue était magnifique et le ciel se dégageait un peu après une petite pause photos un peu trop longue, nous avons attaqué. On ne voyait pas du tout les reliefs de la neige, Ariadne avait le doigts gelés, Chloé pas le moral et moi, les jambes lourdes. Je suis arrivée en bas de la première partie de la descente et me suis retournée pour voir où en était les autres, j’ai eu droit à deux magnifiques chutes synchronisée d’Ariadne et Chloé. Sur le moment ce n’était pas drôle, j’ai eu peur et je suis remontée jusqu’à elle. Tout allait bien mais Ariadne avait toujours les doigts gelés, elle a mis les gants de secours et on est repartie. Cette descente était interminable, on avançait lentement en dérapage. Pour journée ‘’courte et facile‘’ on a bien galéré. Mais nous sommes arrivées au refuge avec touts nos doigts, un grand refuge où nous étions seules et avions du temps. On a pu manger sur la terrasse au soleil, papoter au coin du feu et faire fondre de la neige en suffisance. Petit à petit on apprenait à se connaitre, ce qui est chouette c’est que comme nous sommes parties en ne nous connaissant que très peu, nous avons beaucoup appris en peu de temps.

Ariadne est partie prendre l’aire et à vu un troupeau d’élan, Chloé a regardé le coucher de soleil et moi je suis sortie et j’ai écrit un peu. Ces moments étaient précieux, on a réussi à trouver un chouette équilibre entre nous, tout se mettait bien, on avait des besoins similaires. C’était notre dernière journée de beau temps, et on en profiter comme il fallait.

Une fois la nuit tombée, nous étions toujours seules alors nous avons mis les matelas devant le feu pour être au chaud. Vers 1h du matin, je me réveille en sursaut, Ariadne venait de voir une souris sortir de son sac. En quelques secondes, nous étions toutes réveillée, on a mis nos sacs en hauteur et laisser des crackers dans la pièce d’à côté pour ne pas qu’elles se promènent sur nous pendant notre sommeil… On n’avait jamais autant ri au beau milieu de la nuit, je ne sais pas comment cette souris a fait pour survivre au froid car quand nous sommes arrivées, le refuge était glacé.

Jour 4 :

Nous sommes de plus en plus efficace le matin, faire et défaire nos sacs est de plus en plus facile. On commence la journée par manger un peu de D+, dès le début j’ai mal au tendon d’Achille, je me dis d’abord que je ne suis juste pas encore échauffée mais ça ne s’améliore pas du tout. Le moral n’est pas là, je suis à la traine car je ne sais plus lever mon talon droit. Il fait froid, on ne voit rien, personne n’a le moral. Nous savions que nous terminions par un peu moins de 10km sur un lac, on avancera vite.

Ces 8km étaient interminables, une fois qu’on a enfin vu le refuge au loin, on s’est dit qu’on y était dans un ou deux km. Il y en a eu 4… Le refuge se rapprochait lentement, on devait juste avancer, ne pas trop s’arrêter pour ne pas avoir froid et ne pas regarder le refuge au loin. Chloé fixait mes skis, on gardait le rythme. Ça commençait à devenir dure pour toutes les trois, la météo n’aidait pas. Mais on est arrivé au refuge, notre premier refuge gardé, pas besoin de cuisiner ni d’aller chercher de la neige, le luxe.

Je suis inquiète pour mon pied et je vois que les filles le sont aussi, je n’ai pas envie de devoir arrêter et elles n’ont pas envie de terminer l’expé sans moi. En en parlant le soir, on est arrivé à la conclusion qu’on ne pouvait pas prendre un jour de repos car la météo se dégradait. Il restait un jour de ski avant d’arrivé à Dyranut où il était possible d’arrêté, avoir cette option me rassurait. Mais Chloé voulait qu’on termine cette expé à trois et Ariadne tenait à aller jusqu’au bout. C’était trop tôt pour prendre une décision, on allait aller jusqu’à Dyranut le lendemain, j’allais faire de mon mieux et on en reparlerait. En attendant on a rentabilisé comme il faut le repas du refuge et on a pris une douche.

Jour 5 :

Au réveil, la motivation n’était pas vraiment présente, la météo nous faisait peur. On annonçait beaucoup de vent, de la neige et -15°. Avant de partir, on s’est répétée qu’on pouvait faire demi-tour si ça n’allait pas pour une de nous et qu’on devait s’écouter. Et on a géré, on avait un bon rythme, on était toute entrée en mode automatique, chacune dans notre bulle, un pas après l’autre, on s’encourageait. Fin de journée, le soleil c’est un peu montré mais le vent nous refroidissait toujours autant. C’était magnifique, les reliefs de la neige chassée par le vent sous nos skis ressemblaient à du sable, nous étions dans un désert blanc.

Arrivée au refuge, Ariadne à tout de suite lancer le sujet de continuer où non, elle avait changé d’état d’esprit par rapport à la veille. Elle ne prenait plus de plaisir et les deux journées à venir s’annonçaient difficiles et la météo ne s’améliorait pas. Est-ce que ça vallait vraiment la peine ? S’il n’y a plus de plaisir, à quoi bon ? Chloé de son côté était déjà passée en mode défi sportif et plus vraiment plaisir depuis quelques jours. Elle aurait pu continuer mais n’aurrait pris aucun plaisir. Et moi, j’avais peur pour mon pied, j’aurais peut-être pu forcer un jour de plus mais pas deux et je ne voulais pas nous mettre en danger si je n’arrivais pas à avancer. On annonçait du vent et fort froid, je n’allais pas pouvoir m’arrêter souvent. On a donc décidé de s’arrêter là. Je suis heureuse qu’on ait su prendre cette décision ensemble. C’était le plus raisonnable.

Jusqu’ou faut il se pousser ? Est-il vraiment nécessaire d’aller jusqu’à notre limite mentale et physique au risque de la dépasser ? Je ne pense pas. Et même si je me demande parfois si on fait ‘’assez‘’, si on n’aurait pas pu faire plus, je pense qu’on a pris la bonne décision. Quels souvenirs aurions-nous garder si nous avions fini sur les rotules dans la tempête annoncée où si je n’avais plus su avancer ? Sûrement pas les mêmes que ceux que nous gardons aujourd’hui. Ceux d’une team complète et soudée. Ceux des paysages bancs et de ce ciel bleu. Ceux de ces chutes dans la poudreuse et de ces éclats de rire au milieu de la nuit ou avec les Slovènes. Ceux du bonheur qu’on a éprouvé lorsque Chloé a sorti de son sac un paquet de biscuit au chocolat ou lorsqu’on a trouvé des tubes de pâte à tartiner après 3 jours sans chocolat. Ceux de ces couchers de soleil et de ce lieu apaisant. Ceux de tout ces moments vécus ensemble au milieu de nulle part dans ce désert blanc.

Merci pour ça.