Bienvenue sur notre expé Autre – juin 2008 !
Après le vélo-ski voici le vélo-grimpe.
Un mardi. Une fin de juin. Je me réveille comme tout qui va bosser et gagner sa journée. A la même heure – celle de pointe – je quitte la maison à vélo. Deux sacoches légèrement chargées, je jette un regard à la voiture qui traîne devant la maison et m’en vais traverser Bruxelles jusqu’à mon train. Ça bagarre dans les rues, ruelles et boulevards. Mais aujourd’hui tout ce stress me fait plutôt pouffer de rire, cette journée ne sera pas agressive pour moi, juste quelques heures pour faire ce qui me plait dans les règles de l’art.
Gare Centrale, ticket cher, descente via les escaliers sur le quai, changement de quai, montée – descente, montée – descente. On en vient même à m’apprendre que cette gare-ci est normalement interdite aux vélos, que j’aurais dû en choisir une autre à Bruxelles. Heureusement, le contrôleur, en grand seigneur, me sert de passe-droit. Les joies du train avec la bicyclette. Comme d’habitude. Retard. Train bondé. Des enfants font brailler leur téléphone pour écouter de la musique. La femme à côté de moi lit un roman-photo. Je tente sans grand succès de me plonger dans Les Sept piliers de la Sagesse – en anglais – je passe pour un étudiant qui essaie de travailler… Je dois surtout passer pour un très sombre intello en guenilles de cycliste – t-shirt moulant et short sur chaussures Shimano… Bonjour le tableau ! Grande élégance… Gare de Namur : il y a des escalators, un premier ascenseur puis un second, assez grand pour un fauteuil roulant mais pas assez pour mon engin. Las…
Vite je rejoins le chemin de halage qui longe la Meuse. Je roule un certain temps avec un gentil garçon. Lui est à vélo sans en avoir le choix. Il n’a pas d’argent, vient de trouver un travail qui ne paie pas. Il travaille surtout parce qu’il veut pouvoir revoir son petit garçon. Moi je suis là pour grimper. Substantielle différence. Et j’ai fait le choix du vélo. Je repense à la voiture qui traîne devant la maison à quelques kilomètres d’ici, la belle voiture confortable avec musique et air conditionné. Quel luxe : choisir le vélo par loisir !
Il est temps de tourner à droite et de remonter sur quelques kilomètres la vallée du Samson ; objectif : les rochers de Mozet. Arrêt chez « Géraldine », l’épicerie et l’épicière qui vont fournir le déjeuner. Quelques coups de pédale encore et je retrouve l’ami au parking.
Puis c’est l’épisode le plus difficile de la journée : une idée nous prend de monter les vélos jusqu’au pied des rochers. Nous poussons donc les machines sur les 300m de chemin boueux, glissant, en dévers et parsemé de racines : physiquement demandant et totalement inutile…
Allez, si : ça chauffe les muscles, plus besoin de se chauffer dans une 3. Roulez utile, qu’ils disaient !
Enfin les rochers, il est 11h. Il a plu ce matin donc c’est gras à souhait. Mais le moral n’est pas entamé. Se lever si tôt puis suffisamment d’efforts (je pense au fait d’avoir dû prendre le train plutôt qu’à la bonne heure et demi de vélo…) pour ne pas se laisser décourager par un peu d’humidité. La dernière fois que j’ai grimpé, c’était avec de jeunes afghans et afghanes au milieu du monde, c’était il y a 11 mois maintenant. Mais je me souviens encore du nœud en huit et de comment mettre mon baudrier. Seuls les chaussons ne se souviennent plus de la forme de mes pieds et m’arrachent des cris de douleur. Ils s’ajustent, mais de très très près…
Un premier 5 qui passe bien. Un peu patiné toujours gras mais en voie de séchage. Un petit pique-nique tranquillou en attendant le soleil qui voudrait, qui voudrait mais ne perce pas franchement. Ensuite et d’emblée, quelques essais dans une jolie 6b dalle. On retrouve les sensations mais les doigts morflent, les adhérences sont hésitantes, les invers ne sont pas prises comme il se devrait, on essaie de mettre deux doigts dans des monos, quand il s’agit de prendre « en épaule », ça ne passe pas vraiment ; les épaules tiennent mais le corps au milieu subit trop la pesanteur… Pas grave. C’est bon et on n’en a pas fini avec elle, foi de cyclo.
Arrive un groupe de jeunes. Ils doivent être une quinzaine. Le parascolaire de mon école secondaire, mon vieux prof de gym en tête. Lorsqu’ils ont bâti un mur d’escalade au collège, j’ai ouvert quelques voies. C’était en 1996, il y a 12 ans, il y a une paie ! Retour aux sources.
Mais le pire, c’est qu’ils font un barbecue, les salauds. Nous ça nous fout la pèche. Alors on met de l’ambiance, on rigole, on blague, on enthousiasme, on éructe, on se bidonne. Parce que le fumet de saucisse, ça nous ferait mettre à genoux et prier Saint Michel… Vous ne devinerez pas ? Rien, niks, nada, nothing. On a senti, humé, on s’est léché les babines et on n’a rien eu…
Un bout de snickers, la torture des chaussons et c’est reparti pour un petit 5c. Bagarreur mais qui passe bien.
Las de l’odeur (le bbq, pas les pieds – quoique…), on s’en va se lâcher dans la 6b. Ça passe mieux mais quelques pas ne sortent pas. Pas d’enchaînement pour cette fois. Plus de bras, plus de chocolat. Vraiment marre des saucisses qui cuisent encore. Il est temps d’aller boire un truc en terrasse. Il est 16h, à chaque jour suffit sa peine. Les sinus monopolisent toute l’énergie disponible de toute façon.
Café des grottes de Goyet, sous un parasol.
Lâche parmi les lâches, je me contente d’un jus de pomme (naturel, « fait maison » et succulent) en lieu et place d’une bonne trappiste. Ça va, ça va, ferai plus. Je regrette amèrement… Même si la crème brûlée est délicieuse. J’ai juste eu peur de ne plus avoir de jambes pour le retour. Je me suis sous-estimé, pardon, encore pardon.
18h et la course pour le retour commence. Je vole – vent catabatique de face – après un train que je rate à deux petites minutes (celui-ci n’est pas en retard…), j’attends le suivant qui est en retard puis annulé, je monte dans un Bâle-Bruxelles qui me dépose dans le Quartier européen, je roule, je roule, je roule. Un petit dîner de famille m’attends, il est 20h10.
Plus que le sentiment d’avoir fait une sortie « éthique », une journée « zéro carbone », c’est le sentiment d’une journée bien faite, bien remplie qui m’assaille – euh… j’avoue, la fatigue aussi attaque bien. Puis surtout la preuve que, oui, il est possible d’éviter la voiture, les pleins d’essence trop cher, les embouteillages, le stress. Oui, c’est sans air conditionné, mais le déplacement d’air du vélo qui roule rafraîchi suffisamment. Oui, c’est sans autoradio, mais vous pouvez toujours prendre votre iPod. Oui, le train est cher et il faut payer un supplément pour le vélo mais passez à la pompe pour voir. Oui, c’est moins confortable que les sièges en cuir, mais ça permet de rencontrer des gens, ça peut être intéressant, non ?
A vos vélos, à vos baudards ou à vos balades. La Belgique est petite et les possibilités se comptent par milliers. Puis c’est un vrai goût de vacances, même à la journée.