Rendez-vous sur l’onglet “récit” pour une histoire d’un genre inédit, qui vous plonge dans l’aventure à travers de nouveaux yeux…

L’aventure secrète

Acte I

Rempli

 

Ca y est ! On me prends par le col et on me jette par terre. J’avise le lit et y voit à quelle sauce je vais être mangé. Arthur a sélectionné ses affaires comme on prépare les ingrédients pour une recette. Tout est disposé sur le lit. Il déclipse mon capuchon, ouvre ma poche principale et y gave ses affaires par fréquence d’utilisation. En plat de résistance, le matelas et le sac de couchage habituels. Ensuite quelques t-shirts, un maillot, un Kway. Miracle olfactif, il a des nouvelles birkenstock ! Je vois du coin de l’œil qu’il met la tente dans un autre sac que je ne connais pas, tant mieux. Je n’avais plus faim.

Je n’ai pas pu voir ce qu’il y avait dans cet autre sac, ça suscite ma curiosité. J’imagine que je découvrirai bien assez tôt ce qu’il y a dedans. Sa toile cirée noire frotte contre mon flanc quand Arthur nous porte tous les deux, alors qu’il marche avec Laurie vers le bus qui doit les amener à l’aéroport. J’ai horreur des aéroports, on me serre les sangles comme un saucisson, je suis jeté sur un tapis roulant comme un vulgaire ballot de foin, on me passe aux rayons X comme le dernier des vauriens, et finalement on saisit ma bretelle sans ménagement pour m’entasser entre d’autres valises. Dans la soute, je prie Dieu pour que le vol ne dure pas trop longtemps. La roulette de la valise rose d’à côté me fait super mal à l’omoplate. Enfin, on perd de l’altitude, ça veut dire que c’est bientôt fini. Hoplà ! un trou d’air ! J’adore cette sensation.

Il fait déjà noir quand j’atterris, et je me demande bien ce qui m’attends. Sans trop me demander mon avis, on me bazarde dans le coffre d’une berline. Une conduite musclée nous emmène sur des nationales. Ca papote vivement à l’avant, je suis surpris d’entendre du français. Après 3 heures de route, Arthur me récupère sur ses épaules et je discerne des champs au-delà des lumières de la route. On s’enfonce tout droit dans l’obscurité. C’est excitant. Un endroit est désigné, on me dépose, on me vide, on s’endort.

Le soleil est haut et il fait déjà torride quand je me réveille. La journée sera une succession de bords de routes poussiéreux, de transpirations dorsales et de trajets dans divers coffres. Mon dieu qu’il fait chaud ! Mais ça me va. Je suis plutôt du genre easy going. Dans le fond je suis ravi de me laisser porter, qu’on prenne les décisions pour moi. Je fais ma part et on me laisse méditer au sens de la vie dans mon coin. J’aime bien ces voyages, je vois du pays, je teste différents coffres, j’écoute des nouvelles musiques, j’entends Arthur et Laurie rigoler. Après un dernier et joyeux trajet dans des lacets de montagnes, nous arrivons au bord d’une rivière. Doux Jésus qu’il fait bon ici ! rien à voir avec le cagnard du reste de la journée. Nous sommes maintenant dans une petite oasis de fraicheur paradisiaque au milieu des montagnes.

Attendez ! Ils ouvrent enfin le gros sac noir. Ils en sortent chacun une sorte de grand sac poubelle. Ils me vident et mettent tout dedans. J’ai du mal à comprendre ce qu’ils font ?!? Ca fait 10 minutes qu’ils sont affairés… Maintenant, ils m’y attachent. Laissez-moi libre ! non mais ?!? C’est outrageux !

 

Acte 2

Une interview exclusive

 

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Bien sûr ! Ca fait maintenant plus d’une dizaine d’année que je suis packraft d’aventure chez cap epxé. J’ai découvert la discipline sur des rivières belges, puis je suis rapidement parti à l’étranger pour me perfectionner en autonomie totale, notamment en Suède et au Canada. J’avais déjà rencontré Arthur alors qu’il donnait ses premiers coups de pagaye sur l’Allier en France et je dois dire que le courant passe plutôt bien entre nous. C’est vraiment un super packrafteur.

Racontez-nous à quoi sert cette grande tirette ?

C’est une tirette étanche à l’air. Elle permet de glisser du matériel dans mes boudins avant de les gonfler. Ingénieux non ? De la sorte, on je peux porter des dizaines de kg de vivres et d’équipement pour naviguer des semaines entières en autonomie.

On n’arrête pas le progrès ! Est-ce que ça impacte votre maniabilité ?

Pas trop

Qu’est-ce que ça vous fait d’être gonflé à nouveau ?

Un bien fou ! j’avais des petites moisissures qui commençaient à se développer là où il y avait encore de l’humidité. Et puis, pour tout vous avouer, être compacté de la sorte, ça donne des crampes atroces. J’ai hâte d’être à l’eau ! D’autant plus que l’eau est cristaline et le cadre est idylique. Ca promet d’être magique.

Pas trop peur des rapides de la Vjosa?

Alors là pas du tout. Dans ses segments les plus sportifs, elle ne dépasse pas la classe 4. Ca passe sans problème même pour des pagayeurs novices. On m’a juste informé de plusieurs arbres qui entravent la navigation à hauteur de Kleidonia, il faudra être attentifs. Sinon, c’est de la navigation plaisir au programme ! je prévois 6 jours jusque Tepelenë à la cool. Bon quand est ce qu’on commence là ?!?

Un dernier mot avant la mise à l’eau ?

Permettez moi de citer Héraclite « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve »

 

 

Acte 3

L’odyssée de la jupe

 

Mal attachée, tu m’as laissé m’en aller

Jamais Laurie je ne te pardonnerai

Ta vile trahison sur les flots albanais

Me voilà destituée d’habit à déchet

 

L’onde me mène, suprême au pouvoir

Indifférente bien sûr à mon désespoir

Mes tristes larmes se mêlent à son eau,

Coulant droit vers le royaume des cabillauds

 

Je me console de la beauté des lieux

Sous les platanes, scintillant de mille feux

Cours le fleuve, splendide mais coupable

De mon arrachement aux canots gonflables

 

Soudain des mains inconnues me surprennent

Prolongeant mes espérances terriennes

Nul styx ici, en fait je ressors du Jourdain

Que je sois l’égérie de l’espoir pour demain

 

Acte 4

Le polar

 

Temps porté : 0 secondes

 

 

Acte 5

La pellicule victorieuse

Une vie d’aveugle aurait été trop douce. Dans ce néant absurde, J’attends. L’obscurité est totale. Imaginez un prisonnier emmuré à jamais dans un cachot sans fenêtres, et à qui on laisserait voir la lumière du jour seulement le temps d’une respiration. Comme ce prisonnier, ma vie n’est qu’une longue attende dans le noir où l’on ne m’accorde de voir l’extérieur que par clins d’œil. Comme si pour mieux me priver de ses merveilles, on m’accorde de les connaitre.

En révolte à cette condamnation, je garde en moi ces courtes expositions au monde de la lumière. De la sorte, je peuple ma nuit de toutes les couleurs aperçues et je les garde comme un rêve bien réel. Pour ne pas l’oublier, je m’empreins de la beauté qu’on me donne de voir. Et mon ultime victoire est de restituer les scènes entraperçues pour que leurs souvenirs survivent à la mémoire. Voici ma bataille :

 

Acte 6

Duo gagnant

 

A m’assoir sur un raft, quelques jours avec toi

Et regarder les chips tant qu’y en a

Te parler d’mon chapeau qu’est perdu ou qui r’viendra

En serrant dans ma main ton ptit bras

Quand tombais à l’eau

Pas toujours par ton choix

Et t’entendre me dire attends-moi Arthur,

Ca me fait bien rire ça c’est sûr

Te raconter un peu c’que je sais des Balkans,

Les rakkias fabuleuses bues avec l’habitant

Les bureks à 30 leks, on est un duo gagnant

 

A marcher sous l’cagnard quelques heures avec toi

Et regarder la vie tant qu’y en a

Te raconter des cracks en pagayant un peu

Te parler de tes couz’ un p’tit peu

Et sauter dans la vjosa pour avoir plus frais

Au millieu du pays des albanais

Et entendre les chèvres comme on entends la mer

S’arrêter, repartir en arrière

Te raconter enfin qu’il faut aimer le bon bad

Et l’aimer d’autant plus

Qu’il crée des bons souvenirs

Qui nous rendent plus grands, on est un duo gagnant.

 

 

 

Epilogue

Panta Rhei

Panta Rhei (du grec πάντα ῥεῖ, “tout coule”) est attribué à Héraclite dont la philosophie soutient que le monde est en mouvement perpétuel. C’est non seulement les éléments extérieurs qui évoluent, mais c’est également les personnes que nous sommes qui avancent sans cesse.