Bienvenue sur notre expé Alpinisme – avril 2003 !

Ecrins, Printemps 2003 (28 Avril – 4 Mai)
Bruno, Thomas & Goéric

Voilà plus d’une semaine que nous sommes revenus de notre petite expé dans les Ecrins. Les dias sont développées, il est temps de vous raconter notre périple…

Disons-le tout de suite : le programme relativement ambitieux que nous nous étions fixés n’a pas pu être complété… Mais ça n’a pas beaucoup d’importance. Ce qui compte, c’est d’avoir pu passer une belle semaine en montagne. Et puis surtout, d’avoir maintenant l’envie de retourner dans ce massif pour terminer les courses que n’ont pas pu aboutir cette fois et pour en découvrir d’autres.

Ce qui est sûr c’est qu’à cette période-ci de l’année, il faut avoir beaucoup de chance pour avoir de bonnes conditions pour faire de l’alpinisme. D’abord, parce que comme en été il faut tout simplement que la météo soit correcte le jour de l’ascension. Il faut en plus qu’il n’y ait pas trop de neige fraîche et que le regel nocturne soit suffisant pour que la portance de la neige soit correcte (au moins en début de journée).

Bref…

Dimanche 28 avril : Bruxelles – Le Casset

Nous sommes arrivés le dimanche en fin d’après midi au Col du Lautaret, après 9 heures de route sans encombres. Du col, nous apercevons la face Nord de la montagne des Agneaux (3664m). Le temps est magnifique. Le couloir Piaget, haut de 800m et d’une inclinaison moyenne de 45° descend du sommet dans la face Nord-Ouest de la montagne des Agneaux… C’est notre premier objectif.

Petit parking bien sympatique au Pont du Clôt du Gué, situé à 1540m un peu au-dessus du village du Casset.

Petit parking bien sympatique au Pont du Clôt du Gué, situé à 1540m un peu au-dessus du village du Casset.

Nous continuons la route jusqu’au petit village du Casset. Nous garons la voiture au Pont du Clôt du Gué: un endroit idéal pour préparer le matériel et passer la nuit. Voici une petite idée du matériel que nous emportons :

. tente + matériel de bivouac
. nourriture pour 3 soirs/matins + 4 “midis”
. un set Arva + pelle + sonde par personne
. crampons + deux piolets par personne
. corde + broches + quelques coinceurs
. raquettes

Selon le programme, nous avions prévu: marche d’approche lundi, couloir Piaget mardi, goulotte de Cret mercredi, retour le même jour ou éventuellement jeudi matin.

Montée en direction du Col d'Arsine. En longeant un petit ruisseau, nous évitons de chausser les raquettes.

Montée en direction du Col d'Arsine. En longeant un petit ruisseau, nous évitons de chausser les raquettes.

Lundi 29 avril : Marche d’approche

Après une bonne nuit et un solide petit déjeuner, nous nous mettons en route. L’altitude de départ est 1540m. La neige apparaît rapidement mais en remontant le long d’un petit ruisseaux, il nous est possible de garder les raquettes fixées sur le sac jusqu’au Lac de la Douche à 1900m environ. Le temps est magnifique et chaud… Remarquons au passage que dans l’empressement nous n’avons pas pris le temps de mettre de la crème, erreur. Nous montons la tente à une altitude 2450m au bout du lac du Glacier d’Arsine. L’endroit est magnifique.

Sur les moraines du Glacier d'Arsine...

Sur les moraines du Glacier d'Arsine...

Seul problème : la météo. Depuis la fin de l’après-midi des nuages sont venus voiler le ciel en altitude. A la nuit tombée, la ciel est couvert et il ne fait vraiment pas froid. Pas l’idéal.

Tente au bout du lac du Glacier d'Arsine. Dans le fond: la montagne des Agneaux.

Tente au bout du lac du Glacier d'Arsine. Dans le fond: la montagne des Agneaux.

Thomas et Bruno en train de savourer une bonne petite soupe (entrecoupée par la corvée de la fonte pour l'eau).

Thomas et Bruno en train de savourer une bonne petite soupe (entrecoupée par la corvée de la fonte pour l'eau).

Mardi 30 avril : Couloir Piaget

Mardi matin. Réveil à 4h30. Départ 5h45… Le ciel est couvert, aucun regel nocturne. Nous partons raquettes aux pieds pour ne pas s’enfoncer. On se dit qu’on va toujours aller voir au pied du couloir. Il y a 400m de dénivelé jusqu’à l’attaque, 1200m jusqu’au sommet. Vers 7h, nous arrivons au cône de neige issu du couloir à 2850m. Le temps et la neige ne se sont pas améliorés depuis le départ du camp. Mais comme ça ne s’est pas empiré non plus, nous décidons de continuer !

Après une courte approche en raquettes(400m de dénivelé), nous attaquons les 800m du couloir Piaget dans des conditions loin de l'optimum..

Après une courte approche en raquettes(400m de dénivelé), nous attaquons les 800m du couloir Piaget dans des conditions loin de l'optimum..

 Petite pause... Le temps a fini par s'ameliorer..

Petite pause... Le temps a fini par s'ameliorer..

Lorsque nous nous engageons dans le couloir, nous chargeons les raquettes dans le sac, la pente devenant trop raide pour pouvoir les utiliser. A certains endroits la neige porte vaguement, mais la plupart du temps il faut se battre pour ne pas redescendre d’un pas alors qu’on essaye de monter. Des jurons partent régulièrement. Mais lorsqu’on se retourne, qu’on voit la pente qui se creuse et la perspective qui change à mesure que l’on monte, on est quand même content d’être là. En plus, le temps a fini par s’améliorer…

Sur la fin nous nous engageons dans un couloir plus raide: entre 50° et 60° probablement.

Sur la fin nous nous engageons dans un couloir plus raide: entre 50° et 60° probablement.

La pente du couloir est relativement régulière, autour de 45°. Consciemment, nous tirons trop à droite par rapport au couloir Piaget pour être sûr de ne pas arriver trop bas sur l’arrête terminale. Ceci nous amène dans un couloir secondaire plus étroit et plus raide: entre 50° et 60° probablement. Nous débouchons finalement sur l’arrête à 3750m, exténués. Nous envisageons même de ne pas aller jusqu’au sommet et de traverser directement en direction de la face Nord-Est… Heureusement, nous trouvons le courage de pousser jusqu’en haut ! Un peu avant 13h00 nous y sommes… Notons que le topo mentionne 3 à 5h pour le couloir, nous avons mis 7h00 !

 Ceci est une section ou la neige porte très bien comparé au reste de l'ascension!

Ceci est une section ou la neige porte très bien comparé au reste de l'ascension!

La course est loin d’être terminée : la descente se fait par la voie “normale” du versant Nord… Techniquement facile mais nettement plus longue que la montée ! Et la qualité de la neige ne s’est bien sûr pas améliorée depuis ce matin… La descente se passe malgré tout sans trop d’encombres… Seule une descente raide moitié en neige pourrie, moitié en glace ainsi qu’une remontée d’un couloir très raide dans une neige ultra-pourrie (la progression s’apparente alors plus à de la natation qu’a de l’alpinisme) nous posent quelques problèmes.

Nous arrivons enfin sur la moraine (enneigée) qu’il faut encore traverser partiellement pour rejoindre la tente. Nous sommes de retour au camp à 19h45, soit 14h après notre départ ! La journée fut longue…

Mercredi 30 avril : 24 heures de pluie …

Vers 21h, alors que nous avalons une soupe, il commence à pleuvoir… La pluie ne s’arrêtera que dans la nuit du mercredi au jeudi, plus de 24 heures plus tard ! Par moments le vent écrase les parois de la tente alors que le tendeurs sont fixés à l’aide des 6 piolets et les toiles à pourrir bien chargées en neige… La journée du mercredi est donc passée à l’intérieur de la tente. On récupère de la course de la veille.

 Le jeudi matin après une période de plus de 24 heures de pluie.

Le jeudi matin après une période de plus de 24 heures de pluie.

En fin de nuit le temps s'est un peu refroidi et la pluie s'est transformée en neige à l'altitude du camp.

En fin de nuit le temps s'est un peu refroidi et la pluie s'est transformée en neige à l'altitude du camp.

Jeudi 1er Mai: Retour du beau temps et retour à la voiture

Jeudi matin. Au travers du hublot de la tente, nous voyons qu’il fait grand beau ! Il est pourtant exclu de faire une course aujourd’hui… D’abord parce que les conditions sont extrêment douteuses avec la quantité de pluie tombée qui a fortement chargée la neige en eau. En plus, la pluie était accompagnée de sable (en dessous de la fine couche de neige tombée en fin de nuit, la neige est littéralement brune) ce qui va entraîner un dégradation encore plus rapide du manteau neigeux… Finalement, nous n’avons plus assez de nourriture. Donc, retour à la voiture.

Retour à la voiture... Dans le fond: la Montagne des Agneaux avec l'itinéraire de montée (orange) et de descente (vert).

Retour à la voiture... Dans le fond: la Montagne des Agneaux avec l'itinéraire de montée (orange) et de descente (vert).

La descente vers le Casset se fait rapidement. Après avoir trié le matériel, nous nous rendons à Briançon pour essayer de s’informer de manière précise sur la météo des jours à venir… Vendredi : forte dégradation du temps dans le courant de la matinée, avec des orages dans l’après-midi. Samedi et dimanche beau…

Nous décidons de tenter tout de même la montée au refuge de l’Aigle vendredi. Le refuge de l’Aigle est situé à 3400m au pied de la face Nord de la Meije. Nous préparons donc nos sacs (pas de matériel de bivouac cette fois), sur le parking à côté du pont des Brebis (près du village du Pied du Col). Nous bivouaquons sur le parking…

Vendredi 2 Mai: neige sur la Meije – beau temps sur le Vercors

Vendredi matin. Réveil à 4h45. Petit déjeuner dans la tente, démontage du camp… Une heure après notre réveil, nous sommes en route. Sur le conseil du gardien du refuge de l’Aigle , nous empruntons le chemin d’été : du pont des Brebis (1660m) il monte en lacets serrés jusqu’au Glacier du Bec, il faut ensuite passer le col du Bec de l’homme (3065m) et s’engager sur une arête rocheuse pour rejoindre le Glacier du Tabuchet par la vire Amieux (équipée de cables), de là il reste 400m de dénivelé faciles jusqu’au refuge… En tout, 1800m de dénivelé.

Nous progressons bien. Après une heure et demie de montée, nous chaussons les raquettes (vers 2250m). Le problème est que le plafond de nuages descend encore plus vite que nous ne montons… Vers 8h il se met déjà à neiger. Faut-il renoncer? Comme la neige porte bien, nous avançons sans trop de peine: pour le moment on continue! Mais la neige s’intensifie… A partir de 2700m, nous atteignons la limite pluie-neige des précipations tombées durant l’épisode de mauvais temps de mercredi. Il faut commencer à faire la trace. Le col du Bec de l’Homme n’est pourtant plus très loin. Mais qu’en sera-t-il des cables de la vire Amieux? Le gardien nous a fortement déconseillé de tenter le passage si les cables ne sont pas visibles. A 2900m, au pied d’un petit ressaut rocheux, nous nous enfonçons jusqu’au genoux dans la poudreuse fraîche… Après une courte discussion, la décision de faire demi-tour est prise. Les conditions sont vraiment trop aléatoires: des petites coulées commencent à dévaler des pentes rocheuses, si nous allons voir jusqu’à la vire Amieux (qui est presque certainement couvertes d’un épais paquet de neige), le retour pourrait devenir problématique car il neige vraiment fort. Nous nous en rendons d’autant mieux compte à la descente en voyant que nos traces (pourtant profondes) ont déjà disparu sous la neige.

La descente se fait dans la purée de pois… un bon exercice d’orientation. Par contre, lorsque nous débouchons en dessous de la couche nuages, la neige se transforme en pluie. La fin de la descente s’effectue très rapidement. Nous sommes de retour à la voiture à 11h15. Dommage que nous n’ayons pas pu continuer: en effet 5h30 pour 1300m de dénivelé en aller-retour indiquait une bonne forme physique. Mais, quoi qu’il en soit, même si nous avions pu atteindre le refuge, il était assez bien exclu de réaliser une course dans la face Nord de la Meije le samedi, vu la quantité de neige fraiche. Pas vraiment de regret donc.

C’est bien au chaud dans un café de La Grave que nous discutons des possibilités pour terminer ce séjour sur une note un peu plus positive. Après avoir consulté la météo sur le massif du Vercors, c’est décidé, en route pour Presles : samedi, nous ferons une grande voie d’escalade.

Nous roulons donc en direction du beau temps : lorsque nous arrivons à Grenoble le soleil a fait place au nuages et à la pluie… Nous montons sur le plateau du Vercors direction Villars-de-Lans. La route entre Villars-de-Lans et Pont-en-Royans est magnifique : littéralement creusé dans la roche à flanc d’un canyon. Puis soudain le paysage s’ouvre et des falaise hautes de près de 300m apparaissent.

A Pont-en-Royans, nous achetons un topo puis prenons la petite route qui monte vers le village de Presles. Nous y arrivons vers 16h. Nous profitons du soleil pour faire un grand tri/sèchage de matériel. Avant le coucher du soleil nous avons encore juste le temps de faire deux voies d’échaufement pour se mettre en forme pour le lendememain (une 5 et une 6a, dans le secteur école “Tina dalle”)…

Nous trouvons un endroit de bivouac de rêve… un endroit à l’écart de la route, à l’abri des regards ou il est possible de planter la tente à côté de la voiture, pratique ! Pendant la préparation du souper, il se met tout de même à pleuvoir… C’était prévu par la météo, nous restons confiants.

Falaises de Presles dans le massif du Vercors. Un nombre incroyable de voies de près de 300m équipées de manière moderne. Le tout dans un cadre de rêve (ici on ne voit pas les plus hautes paroies).

Falaises de Presles dans le massif du Vercors. Un nombre incroyable de voies de près de 300m équipées de manière moderne. Le tout dans un cadre de rêve (ici on ne voit pas les plus hautes paroies).

Samedi 3 Mai: 280m de Gaz

Samedi matin. Réveil tardif, petit déjeuner sur l’herbe en plein soleil : le beau temps est bien là. Le départ est finalement assez tardif. Vers 12h30, nous attaquons la première longueur. Il y a une bonne demi-heure de marche d’approche, puis encore un peu de temps pour dénicher le départ de la voie. La voie que nous avons choisie fait 280m de haut en 10 longueurs (entre 5 et 6c)… Comme nous grimpons à trois, la progression n’est pas très rapide. Mais au fil des relais, les automatismes s’installent. Une petite erreur de navigation nous amène finalement à combiner 3 voies, mais sans plus de complications finalement. Nous avons juste eu un peu froid : en effet croyant passer la journée à cuire au soleil nous n’avions pris qu’un T-shirt, mais après la 3eme longueur, le soleil a disparu derrière la falaise. Nous avons alors pu nous rendre compte qu’à cette période de l’année le fond de l’air est encore frais !

Secteur Fahra Kiri. La (combinaison de) voie(s) que nous avons faite se trouve autour des voies 121, 122.

Secteur Fahra Kiri. La (combinaison de) voie(s) que nous avons faite se trouve autour des voies 121, 122.

Nous sortons de la voie vers 18h30… frigorifiés et fatigués, mais heureux d’avoir pu grimper dans ce cadre magnifique. Le retour à la voiture sera un rien épique: nous avons en effet eu la “bonne idée” de laisser deux paires de chaussures au pied de la voie. Nous pensions redescendre en rappel mais les autres grimpeurs nous déconseillent un peu cette solution… la fatigue nous pousse à prendre le chemin de retour classique. C’est Bruno qui se “dévoue” pour retourner chercher les chaussures au pied de la voie (avec la seule paire de chaussure que nous avons emportée), Thomas et moi ne feront “que” le retour à la voiture… mais pieds nus !

Dimanche 4 Mai: Presles – Dijon – Bruxelles

Dès le retour à la voiture, nous mettons le cap sur Bruxelles. Vers minuit, 100km avant Dijon, nous quittons l’autoroute pour trouver un endroit pour dormir. Dimanche vers 14h, nous sommes de retour.