En juillet 2017, nous sommes partis, Thom et moi, juste à deux, pour une semaine d’alpi dans le massif du Mont Blanc. Je n’ai pas pour habitude de planifier des sorties aussi longues en si petit comité. Le résultat s’est avéré sacrément concluant. Grosse complicité, forme physique équivalente et mental d’acier, une cordée qui marche en somme! A la fin de notre virée, nous avions déjà compris que ce serait loin d’être la dernière.
Nous avons l’ambitieux projet de tenter une descente de rivière et l’ascension d’un volcan de 4600 au Kamchatka pour l’été 2019 avec une équipe de bons copains. Entre temps, toute une série de virées alpines sont à l’agenda. L’une d’entre elles est orientée cascade de glace. Nous comptons donc vadrouiller fin février 2018 avec la camio de Thom à la recherche des plus belles lignes en conditions de notre terrain de jeu favori.
Carnet d’expé
Jeudi 22 février.
Ca y est notre choix de destination est figé! Après d’innombrables consultations de la météo, il semblerait que les meilleures condis sur les 4 jours de notre escapade soient à Kandersteg en Suisse Bernoise. Cela tombe à pic! Selon l’internet mondial, c’est paraît-il La Mecque européenne de la cascade de glace et qui plus est, le lieu est relativement proche du plat pays (+-700km de Bxl). Nous avons peu de retours sur le spot de la part de copains actifs dans le milieu, mais Yallah, on décolle!
Durant le trajet, je dois admettre que j’étais un peu inquiet et cela doit se ressentir sur l’ambiance dans la camio. Jusqu’à quelques kilomètres de l’arrivée, il n’y a absolument aucune de trace de neige. Les cascades sont-elles en conditions?! Si c’est le cas, aurais-je la bonne attitude pour leader correctement la cordée autant au niveau technique que sécuritaire? C’est tout de même la première fois que je vais pratiquer la discipline sans guide et nos projets sont audacieux, voir présomptueux. En revanche, je n’ai aucune inquiétude concernant Thom. Il fera le taf. Je n’ai aucun doute sur ce point.
Vendredi 23 février.
L’après-midi de notre arrivée ne me rassure pas, mais pas du tout. Il était consacré à l’écolage, destiné à prendre nos marques. Malgré le peu de neige dans le village, les cascades sont en excellentes conditions, certes, mais les manip’s techniques et le timing n’y sont pas. Un certain nombre de broches ne veulent pas pénétrer la glace par manque d’affûtage, nous peinons à faire coïncider les axes de brochage pour les Abalakov, les crampons de Thom sont mal réglés et pour couronner le tout, je brise le seul crochet à lunule que l’on a en stock et ce, dés le premier usage. On rentre au village avec la sensation de ne pas avoir fait le quart de ce qu’on avait prévu. Damn, c’est pas gagné!
Samedi 24 février.
On se réveille après une longue nuit à la belle étoile au milieu des bois avec une sacrée patate! Après un bon café et des litres de thé, on lève le camp direction notre projet du jour “Der Geheime” au bord du lac d’Oeschinen. Arrivé au bord du lac, on constate qu’il n’est pas si simple de trouver la ligne recherchée. Après quelques hésitations, nous en choisissons une qui pourrait être la bonne. On a la caisse, la glace est top, les longueurs et le paysage sont magnifiques, le tout sous un soleil radieux. Quel contraste avec la journée de la veille! Outre le manque d’efficacité au brochage et les runouts où il faut avoir le coeur bien accroché, tout se passe pour le mieux et on vie une journée en or. Que du plaisir! On arrive au bout de la dernière longueur et commençons les rappels sur arbres ravi de l’expérience, mais exténués. Quand soudain : “Thom, vieux, mon 2ème piolet?!”. Enfer! Il va bientôt faire nuit et il est resté au relais sommital, celui de la longueur la plus délicate. Je me décide à aller le chercher en empruntant un accès moins technique. On arrivera au lac à la tombée de la nuit après une journée bien remplie.
Dimanche 25 février.
Programme de la journée : tâter l’ambiance du coté de “Metro”, l’une des lignes mythiques de la région. C’est précisément celle qui avait attiré mon attention sur Kandersteg. La voie est majeure. 180m d’évolution verticale dans un tube plongeant à travers une falaise abrupte, le tout à la frontale et balayé par des courants d’air glacials. La ligne est d’une rare esthétique.
On entame l’approche qui me semblait être de 2-300m de dénivelé. Elle est en faite de plus de 1000m. On croise des autrichiens et italiens qui on déjà fait leurs croix. Après un court échange, on leurs dit qu’on est débutants en cascade. L’un deux laisse échapper un petit rire. Metro est coté 6+ sur une échelle de 3 à 7. On en est bien conscient, mais il faut aller y jeter un oeil. Arrivé à l’entrée de la grottte, je suis déjà cassé. Grosses semaines de travail, route de nuit, ascension de la veille et approche plus corsée que prévue m’ont quelque peu usé. Thom est chaud leader la 1ère longueur. Venga! Il avance bien. C’est bon signe. Problème : la glace restée dans les broches la veille a gelé. A la 7 ème tentative de brochage, il redescend. Je pars à mon tour dans la longueur, mais décide de redescendre en déséquipant. Je ne me sens pas au sommet de ma forme et dieu sait qu’il faut l’être pour un tel projet.
On décide alors de rentrer au pays. Aucun regret, uniquement l’envie de revenir pour en découdre avec cet incroyable tube qui est à la hauteur de mes attentes!
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