Deux amis de longue date décident de se lancer dans une toute première expédition en Suède sur le Kungsleden. Pour ce faire, ils voyageront de refuge en refuge à l’aide de télémark en reliant les villes de Saltoluokta et Kvikkjokk.

Trajet aller

Lorsque nous avons planifié ce voyage et que la question du moyen de transport le plus adéquat s’est posée, notre dévolu s’est jeté sur le train. Ce choix s’expliquait par un aspect financier, ce dernier étant le plus rentable grâce à l’interrail, mais aussi par le fait que nous désirions déjà débuter une sorte d’expédition dans l’expédition. Malgré les nombreux changements de train et quelques imprévus, le trajet à l’aller se déroula globalement sans encombre, et au bout de 3 jours et 2 nuits nous arrivèrent à Murjek.

À partir de là, il nous fallait désormais emprunter une navette afin de rejoindre Jokkmokk. Nous étions en fait peu informés sur l’horaire ou la direction de ces dernières. Fort heureusement, dans le train de nuit reliant Stockholm à Murjek nous avons fait la connaissance d’un très sympathique jeune allemand qui réalisait une expédition dans le Parc national de Sarek. Ainsi, nous firent le trajet avec lui jusqu’à Kvikkjokk et il put, de cette manière, nous faire partager son expérience ainsi que ses conseils quant à ce genre d’expédition. Par rapport à la météo, il semble que le consensus chez les gens sur place, avec qui nous avions discuté, était qu’il fasse assez froid pour la saison, ce qu’il nous rassura quelque peu de sentir nos visages piquer assez fortement. En effet, nous jouissions d’un grand ciel bleu, mais les températures fleuretaient en journée avec les – 15°C.

Jour 1

La nuit que nous avons passée à Kvikkjokk dans un lit confortable fut réparatrice et plus que bienvenue. En effet, les deux dernières s’étaient respectivement déroulées sur un banc dans la gare de Neumünster et sur les couchettes à la confortabilité relative du train de nuit. Après avoir joui une dernière fois du confort luxueux que nous offraient l’électricité et l’eau courante, nous débutèrent l’assaut de la Kungsleden le samedi 10 mars au matin.

Ainsi, notre premier trajet consistait à atteindre le refuge de Parte, situé à 16km de Kvikkjokk. Il nous fallait tout d’abord, à la sortie de Kvikkjokk, traverser une forêt de conifères qui présentait une pente montante assez douce. Inexpérimentés en matière de skis de randonnée et par conséquent, assez incapables d’estimer notre rythme, un certain optimisme fit que notre allure fut finalement assez lente, et au bout de 2 heures nous parcoururent à peine 4 km. Nous rendant compte de notre retard, nous durent presser l’allure après avoir avalé notre repas de midi si nous voulions rejoindre le refuge avant que l’obscurité soit trop importante. Une fois la forêt franchie, nous traversèrent le lac Stuor Tata et purent admirer, de cette façon, nos premières montagnes sous un soleil radieux. À partir de là, les premiers signes de fatigue se firent ressentir alors que le ciel commençait à se couvrir, ce qui nous refroidit quelque peu. Heureusement, le vent resta clément et il n’y eut aucune précipitation. Finalement, après avoir rencontré une nouvelle forêt moins importante, nous purent apercevoir le lac Sjabtjakjaure dont les baraquements se trouvaient sur la rive opposée. La traversée fut plus que pénible et nous ne pouvions plus attendre d’atteindre le refuge tant nous étions exténués par notre première journée.

Là-bas, nous purent enfin nous reposer au chaud et prendre le repas du soir, après avoir alimenté le feu de bois. Ne sachant absolument pas ce qui nous attendait dans ces refuges, nous furent assez surpris de constater qu’il n’y avait ni eau courante, ni électricité, bien que cela ne nous empêcha pas d’être charmé par ce mode de vie authentique. La deuxième surprise fut la découverte de la distance séparant les différents refuges. En effet, lors de nos lectures de la carte, nous avions pensé que les abris d’urgence étaient identiques aux refuges. Cependant, nous demandèrent conseil à la jeune femme qui nous avons accueillis, et il s’avéra que les distances étaient finalement plus conséquentes que ce que nous avions imaginé. Notre planning fut, par conséquent, légèrement bouleversé étant donné que nous avions compté 8 à 10 jours pour relier Kvikkjokk à Saltoluokta. Or, seuls 3 refuges séparaient ces deux villages. Par ailleurs, le prochain, nommé « Aktse », était situé à 24 kilomètres de notre position. Sachant qu’un trajet encore plus long nous attendait, nous nous mirent rapidement au lit.

Jour 2 

Notre trajet débuta plus tôt que le jour précédent, afin d’éviter la précipitation inutile et fatigante de la veille. Une nouvelle forêt de pins nous attendait en début de parcours, et le côté ludique de cette traversée, faite de courtes montées et descentes, nous fit rapidement oublier la fatigue. Ensuite, de nouveaux lacs se présentèrent à nous, alors que nous longions les flancs de magnifiques montagnes tout le long de notre traversée. Mieux préparés, nous nous fatiguèrent moins vite, et, peu après midi, nous avions parcouru la plus grosse moitié du parcours. À partir de là, c’était la largeur du lac que nous devions franchir, avant de rejoindre une autre forêt de conifères. Un barrage était situé en aval, si bien que l’eau du lac située en dessous de la glace avait pratiquement disparu, donnant au paysage une allure de grand désert blanc constitué de différentes bosses. Du fait de cette singularité, cette partie de notre voyage fut particulièrement amusante à parcourir.

Alors que le soleil descendait à l’horizon nous atteignit la forêt située sur la rive opposée du lac. C’est lors de cette traversée que la fatigue nous rattrapa alors que la luminosité continuait de baisser. Enfin, à la sortie des bois, le lac Laitaure se déroula sous nos yeux. Alors qu’il nous restait toujours 4km à parcourir, nous prirent la décision de passer la nuit dans l’abri d’urgence situé aux bords du lac. En effet, la fatigue était importante et nous ne voulions pas prendre le risque de continuer notre chemin dans la pénombre dans cet état.

L’abri d’urgence se résumait en une simple cabane en bois dont des bancs étaient installés à l’intérieur. Nous pûmes enfin souffler et nous faire à manger, mais le froid était particulièrement intense, la température étant descendue en deçà des – 20°C durant la nuit. Elle fut par conséquent très difficile et peu reposante, bien que nous tentèrent de revêtir le plus de couches possibles.

Jour 3

Incapables de dormir davantage, nous nous mirent en route très tôt le lendemain afin d’atteindre le refuge d’Aktse. Bien que la distance fût courte, la nuit inconfortable et nos muscles endoloris rendirent la traversée du lac pénible. Après avoir franchi une forêt de bouleaux, nous atteignirent finalement les baraquements du refuge, situés sur les flancs de la falaise. À partir d’ici, nous pouvions admirer la magnifique vue que nous offrait cette prise de hauteur sur le lac Laitaure que nous venions de franchir, et les montagnes environnantes.

A notre arrivée dans le baraquement, nous furent chaleureusement accueillis par notre hôte nommé Ake et prirent connaissance de notre logement. Un couple d’Allemands ainsi qu’un jeune couple d’Anglais y résidaient déjà, et rapidement, nous échangèrent nos anecdotes de voyage. Plus tard, dans la soirée, nous eurent la chance d’expérimenter le sauna, ce qui nous fit un bien immense et nous permit de soulager quelque peu notre fatigue.

Jour 4

Afin de prolonger notre voyage et d’explorer les environs, nous prirent la décision de séjourner un jour de plus à Aktse. Après avoir écouté quelques recommandations auprès de notre hôte, nous nous fixèrent l’objectif d’atteindre le sommet du versant sur lequel se trouvait notre refuge. Nous nous mîmes en route peu avant midi et profitèrent de l’occasion pour nous délester de nos sacs laissés sur place. Le début du parcours fut particulièrement difficile de par la force de la pente et nous obligea à revêtir les peaux de phoques. De cette façon, nous connaissions également un avant-goût du chemin qui nous attendait le lendemain pour atteindre le refuge de Sitojaure.

Après plusieurs centaines de mètres d’ascension, nous avions quitté le sentier afin de bifurquer dans les bois. La neige n’étant pas tassée et la pente toujours forte, cette section très délicate nous força à progresser en oblique tout en essayant de ne pas nous enfoncer dans la poudreuse, nous furent par conséquent considérablement ralentis. Après un peu plus d’une heure d’effort, la forêt commença à s’éclaircir et nous offrit une vue magnifique sur la vallée et les montagnes de Sarek qui nous entouraient. Le temps clair nous permettait même de voir jusqu’au lac que nous avions traversé le jour précédent et dont l’eau avait disparu à cause du barrage. Cette partie de la pente étant à nue, le vent était fort et piquant, ce qui nous fit presser le pas afin d’atteindre un groupe de rochers où nous purent nous abriter pour prendre rapidement notre repas de midi. La descente fut encore plus compliquée que la montée. Les arbres nous empêchaient de prendre de la vitesse et les chutes furent nombreuses. Au bout de pratiquement deux heures, et après nous être légèrement égarés dans les bois, nous furent finalement capables de rejoindre des traces de motoneige nous conduisant également au refuge.

Là-bas nous rencontrèrent deux groupes d’Allemands voyageant avec un guide qui venaient justement d’arriver. Après avoir fait brièvement connaissance avec eux et appris qu’ils étaient également partis de Kvikkjokk pour rejoindre Saltoluokta, nous nous sommes offert le luxe d’acheter quelques bières dans la petite épicerie qui se trouvait au refuge. Bières que nous partageâmes avec Ake autour d’un jeu de cartes. Nous en apprîmes de cette manière un peu plus sur la Suède et la Scandinavie de manière générale et sur le fonctionnement ce genre de refuge.

Jour 5

Le lendemain matin, nous firent nos aurevoirs à Ake et nous mirent en route pour rejoindre le refuge de Sitojaure. Nous installâmes directement nos peaux de phoque afin de remonter le versant sur lequel nous nous trouvions.

L’ascension était rude, et au bout de presque une heure d’effort, nous commençâmes à quitter la forêt de bouleaux pour déboucher sur de vastes étendues blanches sous un ciel lumineux, bien qu’il fasse toujours très froid. Sans la protection des arbres, nous furent contraints de revêtir nos cache-cou tant le vent était piquant.

Alors que nous avions pratiquement remonté l’entièreté du versant, nous aperçûmes déjà le groupe d’Allemands partis une heure avant nous. Ces derniers nous distancèrent cependant dans la descente que nous avions du mal à négocier, nous rencontrions en effet des difficultés à diriger nos skis de fond lorsque la pente était trop forte.

Notre progression était bien plus rapide et efficace que les jours précédents, nous commencions effectivement à trouver notre rythme et notre journée de repos nous avait fait le plus grand bien. De plus, nos sacs s’étaient considérablement allégés. Seulement 16 km séparaient les deux refuges, si bien qu’après avoir descendu le versant et avalé notre repas de midi un peu tardif, il ne nous restait plus qu’à traverser le lac Sitojaure.

Ce refuge était bien plus conséquent que les deux précédents, la pièce commune était importante et disposait de deux poêles, et nous avions une chambre rien que pour nous deux. Nous étions assez heureux de ces aménagements étaient donnés le nombre d’Allemands qui voyageaient avec nous, bien que nous aimions nous trouver au sein de cette petite communauté et échanger des informations sur le voyage. Ce fut également cette nuit que nous eurent la chance de voir nos premières aurores boréales, qui furent particulièrement intenses et splendides, un spectacle grandiose qui restera a jamais dans nos mémoires.

Jour 6 

Une nouvelle fois, nous décidions de prolonger notre périple d’un jour. Pour cela, nous comptions passer la nuit dans un abri situé à 4 km de Saltoluokta plutôt que de rejoindre directement notre destination finale. La dernière nuit passée dans ce genre d’habitation nous avait quelque peu refroidis, cependant, après avoir discuté avec un des guides allemands, nous apprîmes que cet abri disposait d’un poêle, au cas où la nuit serait particulièrement rude.

Le trajet se déroula sans encombre, et consistait principalement à traverser de larges plaines, contrairement au début de notre voyage où nous progressions surtout dans des bois de bouleaux et de conifères avec de nombreuses différences de dénivelés. Le Sarek se situant à notre gauche, nous pouvions admirer ses magnifiques montagnes tentées d’un gris bleuté tout le long de notre avancée. En fin d’après-midi, nous aperçûmes au loin la petite construction qui serait notre abri pour la nuit, se dressant au milieu de ce désert blanc, juste en face des imposants sommets. Rapidement nous consacrâmes notre temps à tenter de démarrer un feu, l’abri disposant de nombreuses bûches. Nous usâmes de celles-ci avec parcimonie, mais nous furent capables d’alimenter un petit feu et de l’entretenir pour la nuit, ce qui nous permit de résister aux températures extrêmes. Nous eûmes à nouveau la chance d’apercevoir les fameuses lueurs vertes dans le ciel étoilé cette nuit-là.

Jour 7

Nous nous mîmes en route dès le levé du soleil, et après avoir principalement progressé en monter, nous surplombions finalement le lac Langas aux rives duquel se trouvait le refuge de Saltoluokta. Après un peu plus d’une heure de descente, nous pénétrâmes dans le petit bois qui entourait les baraquements.

Nous prîmes possession de notre chambre qui était assez douillette et, après avoir mangé le repas du midi, allâmes nous ressourcer dans le sauna. Là, nous purent échanger de nombreuses conversations avec des Suédois très sympathiques. Au soir, nos profitèrent du restaurant présent sur place et de sa délicieuse cuisine, après plusieurs jours d’avoine, fruits secs et de plats réhydratés. La nuit fut tout aussi agréable.

Jour 8

Sous les recommandations de quelques Allemands avec qui nous avions sympathisé, nous profitèrent de notre journée supplémentaire à Saltoluokta pour aller explorer les environs. En effet, à quelques kilomètres du refuge, se trouvait un canyon dans lequel se déversait une cascade gelée. Après avoir plus ou moins assimilés leurs instructions en anglais, nous nous mirent en route, délestés de nos sacs à dos. La météo s’était considérablement dégradée, et alors que nous avions jusque-là joui d’un magnifique ciel bleu, il était désormais chargé de nuages et quelques flocons tombaient à l’occasion.

Nous nous aventurâmes dans les sous-bois, et après nous êtres égarés pendant plusieurs heures, finirent, alors que nous rebroussions chemin, à tomber par hasard sur le fameux canyon. La progression à l’intérieur de celui-ci était loin d’être aisée, et, il nous fallait éviter les nombreux rochers, tout en escaladant et en redescendant de petites pentes.

La luminosité baissait alors que l’après-midi touchait à sa fin, mais nous finirent par pouvoir admirer les rebords complètement gelés du canyon. Le retour fut aussi légèrement compliqué étant donné que nous n’étions pas sur d’où nous avions débouchés, mais nous finirent par rejoindre le refuge, sains et saufs.

Jour 9

Le jour de notre départ, la météo s’était davantage détériorée. Le vent soufflait violemment et il était presque impossible de voir devant soi à cause de la neige qui était balayée. Alors que nous devions en principe rejoindre la navette située de l’autre côté du lac à ski nous prîmes la décision plus raisonnable, étant donné les circonstances, de faire le chemin dans la remorque d’une motoneige. Le refuge mettait, en effet, à disposition ce genre de service. La traversée fut très amusante, les bourrasques de vent et le peu de visibilité rendant l’expérience encore plus excitante.

Trajet retour

Par chance, notre trajet retour contenait moins de changements de trains qu’à l’aller. Il fut par conséquent plus calme et nous étions davantage sereins. Nous réalisâmes une escale à Stockholm pour deux nuits, que nous passèrent dans une charmante auberge de jeunesse.

Nous y fîmes de nombreuses et belles rencontres, et nous purent ainsi partager les magnifiques jours que nous venions de vivre avec d’autres personnes elles aussi en voyage. Nous quittâmes finalement Stockholm, et une journée plus tard, nous retrouvâmes notre cher plat pays, la tête remplie de souvenirs impérissables.