Quatre jours perdus entre terre et ciel…
C’est avec une grande joie que je reprends aujourd’hui ma plume pour me lancer dans le récit de nos aventures sur Half Dome. Il y a quelques mois, dans un blog précédent, je racontais nos aventures lors d’une semaine passée à la découverte du Big Wall dans la vallée du Yosémite. J’avais terminé en racontant que j’avais quitté la vallée à l’issu de cette semaine en restant submergé par ces deux géants que sont Half Dome et El Capitan. J’avais également laissé entendre que un jour… un jour peut-être nous aurions la chance de nous frotter à ces parois.
D’un point de vue strictement personnel (et cela n’engage que moi), j’étais particulièrement attiré par la face Nord de Half Dome… The North Face ! Vue depuis la vallée, cette face est tout simplement magnifique, elle domine toute la vallée et offre une verticalité tout simplement magique. J’aurais tendance à comparer celà à une jolie fille avec suffisamment peu de vêtements de telle sorte qu’une fois observée, on soit complètement attiré et on ne puisse plus l’oublier mais suffisamment distante que pour inspirer une certaine forme de retenue… peut-être que cette face est trop innaccessible pour nous! Et telle une jolie fille, l’envie et l’attraction d’aller voir de plus près et de se frotter à cette face est vivace :-).
Nous savions que la période idéale pour nous attaquer à cette face était durant l’été. A ce moment, la chaleur est trop accablante pour tenter la moindre ascension dans la vallée à l’exception de cette face qui reste constamment dans l’ombre d’elle-même. C’est ainsi que après quelques semaines de “fantasmes”, j’ai fini par prendre mon téléphone pour appeler Bernou à San Francisco et lui expliquer que je ne tenais plus: il faut qu’on bloque un long WE et qu’on y aille! Il faut qu’on tente notre chance! Le rendez-vous est pris pour un WE de 4 jours fin du mois d’août! A partir de ce moment-là, nos deux connections internet ont commencé à chauffer: trip report, vidéo, topo guide, photos, … nous avons tout écumé pour nous faire une idée plus précise de ce qui nous attend.
La voie abordée est relativement différente des Big Walls attaqués en mai: elle est beaucoup plus longue (on parle de 700/800 mètres pour 23 longueurs), se passe essentiellement en grimpe libre et très peu d’artif, doit être grimpée dans un style rapide car il n’y a essentiellement qu’un seul bivouac possible après la longueur 17. A partir d’un certain point, il est difficile de retraiter… L’approche est aussi relativement difficile et longue. Bref, cela en fait une voie d’un niveau technique, physique et d’engagement déjà fort intéressant!
Le WE est bloqué et le rendez-vous est pris un mercredi soir fort tard sur une aire d’autoroute à 10 minutes de l’entrée de la vallée. Pour moi, les 5h30 de route sont l’occasion de laisser monter l’excitation: musique à fond, fenêtre ouverte, en chantant à tue-tête (je n’ai pas peur de faire pleuvoir ici en Californie) et je suis excité comme un gosse dans un magasin de jouets! Je suis sur la route pour un WE de 4 jours dont je sais qu’il sera mémorable! Je suis en route vers un WE de rêve tout simplement dans la joie et l’allégresse (amen!). J’arrive le premier à notre traditionnelle aire de repos, la tente est montée rapidement et j’attaque mon repas, je sirote un thé en lisant un livre et en attendant Bernou. Quand il arrive, après les effusions d’usage, je me rends compte qu’il est au moins tout aussi motivé que moi! Nous parlons encore quelque temps du matériel que nous allons prendre, de la stratégie adoptée, des longueurs de la voie, des difficultées qui nous attendent…
Le lendemain matin, nous paquons nos sacs: on prévoit pour 4 jours de nourriture et d’eau, du matériel d’escalade à volonté… peu voire pas d’habits de rechange mais au final… cela n’importe que peu vue où nous allons dormir! Ensuite nous prenons la route pour parcourir les derniers kilomètres qui nous séparent de la vallée et de Curry Village dans un mélange d’excitation mais aussi avec un ptit noeud au ventre! On ne peut plus reculer, va falloir l’attaquer!
La taille de nos sacs de rando est impressionante et le poids est… démesurément lourd ! Je n’arrive pas à mettre mon sac sur mon dos seul tellement il est lourd! Nous prenons la navette qui nous dépose au départ de notre marche d’approche! Le dome nous surplombe complètement… nous sommes en dessous de cette face impressionante!
Ensuite, c’est parti pour la rando d’approche: 2-3 heures selon le guide pour une approche par “Death Slab”.
Le premier miles sur un sentier de rando convenable se passe bien. Ensuite, on quitte le monde des touristes pour prendre à droite droit dans la pente qui mène à la base du mur. Et là… ca rigole moins! On commence par remonter un pierrier droit dans la pente et puis on doit mettre les baudriers: une première corde fixe nous permet de remonter une section très raide… une seconde corde fixe permet de remonter une dalle d’une trentaine de mètres… avec les sacs à dos, ce n’est pas évident. Le soleil tape dans cette partie de la rando et nous commencons déjà souffrir! Ensuite s’en suit une longue section de Classe 3, c’est-à-dire de rando très proche de la grimpe… il faut mettre les mains… et nous comprenons mieux le surnom de l’approche: Death Slab: ya de fait déjà moyen de se faire très mal si on se rate… ou si on se laisse emporter par le sac à dos! Mais on s’en sort, ca monte, ca monte… et la face ne se rapproche pas! On sue et on sue!
Ensuite arrive une troisième corde fixe qui permet de remonter un mur sur une vingtaine de mètres. Avec mon sac à dos de taré je me lance dans ce mur… me pend à la corde qui fait partir un gros bloc… qui vient littéralement fracasser Bernou derrière moi! Vue la taille du bloc, je vois déjà l’accident et imagine déjà qu’il va falloir battre retraite en espérant que ce ne soit pas trop grave pour la jambe de Bernou! Mais là… tel un Jean Claude Van Damme dans un film d’action, au moment où on se dit: là avec tout ce qu’il vient de ramasser, il est fini, Bernou se relève tel un héros des temps grecs (un Hercule ou un Apollon, à vous de choisir), me regarde et me dit: on ne va pas s’arrêter pour une égratinure qd mm ? Ouf… c’est moins grave que ce que j’ai pu imaginer! On va pouvoir continuer! Deux cordes fixes plus loin, on réattaque une partie raide dans un pierrier suivie d’une section de classe 3. Nous sommes maintenant exténués et la base du mur se rapproche tellement lentement. Nous finissons par l’atteindre! Nous balancons nos sacs au sol: nous y sommes! Pas fâchés! Quelle dépense énorme d’énergie déjà! Nous avons mis près du double du temps annoncé dans le guide… no comment!
Au pied de la voie, on se sent tout petit! C’est vraiment vraiment haut! Nous réalisons que deux cordées d’Allemands sont déjà là en train de fixer les 3 premieres longueurs pour le lendemain! Histoire d’éviter la grosse foule, nous décidons de patienter un jour! Cela nous permettra aussi de récupérer un tant soit peu de notre effort de la journée! Peu de temps après une dernière cordée nous rejoint. Ils ont fait la montée un poil plus rapidement que nous… le leader à peine arrivé s’encorde pour démarrer et fixer une longueur le soir-même: une machine! Le second arrive dans un état plus proche du nôtre (complètement détruit…), il vomira mm au pied de la voie tellement l’effort de la montée l’aura atteint! Comme quoi! Nous l’avons surnommé vomito!
Après un rapide apéritif (on ne se refuse rien), nous préparons le repas du soir: spaghet bolo! Délicieux! On peut admirer la vue sur l’ensemble de la vallée (la base du dôme étant déjà fort élevée en altitude) et on se prépare à passer une première nuit à la belle étoile au pied de ce géant de granit.
Le lendemain, c’est sous un magnifique soleil que nous nous réveillons, nous déjeunons sans nous presser! Il est ensuite temps d’aller inspecter le départ de la voie et de voir où en sont les cordées qui ont démarré au petit matin. Nous repérons directement les 2 cordées d’Allemands qui sont à peine au sommet de leur troisième longueur à 10h du matin… A ce rythme-là, il ne fait aucun doute qu’ils ne parviendront jamais au bout des 17 longueurs qui les mèneront au bivouac! Les 2 cordées s’en rendent d’ailleurs comptent et abandonnent très rapidement! La troisième cordée est bien plus haut! Il s’agit des deux jeunes qui veulent faire l’ascension dans la journée (ils n’y parviendront pas et devront improviser un bivouac)!
Ensuite c’est à notre tour d’entrer dans la grimpe! L’objectif de la journée: fixer les trois premières longueurs! La première longueur est magnifique, remonte une fissure à doigts… pas évident! Le lead de cette première longueur sera pour Bernou (ce genre de choses se joue toujours à pierre papier ciseau… :-))! J’enchaine par la seconde longueur: une remontée sur fissure, un ptit toit à franchir, et puis une remontée mi cheminée mi fissure: no problem! Bernou enchainera la dernière longueur, nous fixerons 2 cordes et redescendons sur la terre ferme. La suite de la journée, nous l’avons passé à lire, à prendre le soleil, à discuter… Farniente au soleil loin de la civilisation et des touristes!
En début de soirée, deux autre cordées rejoignent la base du mur: elles ont toutes les 2 pour objectif de faire la voie dans la journée le lendemain… une des cordées est avec un guide! Ils fixeront une longueur et puis vient le difficile moment de négocier l’heure du départ: la cordée avec le guide veut démarer la grimpe à 4h du mat’, nous les laissons passer devant nous! Nous serons les seconds sur le mur avec un départ vers 4h30… la troisième cordée démarrera plus tard.
Après un court sommeil, c’est en pleine nuit que le réveil sonne (3h55… un record)… le ptit dej est englouti… le sac est paqué: de la nourriture et de l’eau pour deux jours, deux sacs de couchage et 2 vestes! Ca fait déjà fort lourd à porter sur le dos (car pas question de hauler le sac dans cette voie). C’est moi qui attaque les remontées sur corde avec ce (bcp trop) lourd sac! Pour ceux qui ont lu mon compte rendu de mai, vous devez vous demander: et alors, cette technique de remontée sur corde ca se passe mieux que la dernière fois ? Et bien ca va mieux, beaucoup mieux ! Et quelle ambiance de se retrouver sur cette face au milieu de la nuit avec juste nos lampes frontales pour nous éclairer! Ambiance… je rafole positivement :-)! Les trois longueurs sont remontées… c’est exténuant avec le sac à dos! J’attaque ensuite la longueur 4: quelques mouvements d’artif suivi par une longue fissure… je dois (déjà) tirer sur les points… mais j’ai une bonne excuse: il est vraiment trop tôt pour faire du sport, mon réveil musculaire n’est pas encore fait (ca, c’est l’excuse typique du grimpeur qui est juste sur le niveau… ;-))! Bernou me rejoint: à son tour de remonter sur corde avec le sac… et il a autant de difficultés que moi! On va le sentir ce sac durant cette longue journée!
Les deux longueurs suivantes sont pour Bernou! Rien de spécial à noter si ce n’est qu’on se fera dépasser par la cordée qui nous suivait ; beaucoup plus légers que nous, plus rapides et surtout pressés par le temps car ils doivent sortir de la voie le soir-même! On a l’occasion de discuter un peu avec eu et de se rendre compte que les ptits Belges du CAB-RCT (entre autre Sean…) sont bien connus par ici. Sean est passé il n’y a pas longtemps, il avait une épaule démise mais il faisait qd mm 5.11D… la réputation n’est plus à faire ;-).
Les deux longueurs suivantes sont pour moi! Rien à déclarer pour la première… pour la seconde, il s’agit d’une traversée pour laquelle j’enchaine deux longueurs en une! Pour éviter le tirage je ne mets “qu’un nombre relativement substanciel de protections”. Autrement dit, cela tient parfois plus du solo qu’autre chose! Mais c’est facile! On se retrouve maintenant plein gaz au milieu de la face! On y est ! On le vit notre rêve! Bernou me rejoint en grimpe (et pas en remontant sur corde… vue la traversée). Il attaque ensuite la longueur suivante: une remontée sur spits en A0 suivie d’un gros pendule puis d’un second petit pendule pour finir par quelques mètres de traversée sur une minuscule vire (il a en fait enchainé deux longueurs aussi)! J’attaque la remontée sur corde, je gère admirablement bien le déséquipement du pendule (merci Chris Macnamarra pour tes vidéos sur youtube)… J’arrive à la petite traversée… le meilleur moyen est de la passer en mode “grimpe” mais comme me le fait remarquer gentiment Bernou: ce serait pas mal si tu pouvais éviter de tomber là. Bref, petit stress car ce n’est pas évident de traverser avec ce sac à dos sur le dos… mais ca passe! Ouf!
On profitera de la vire très convenable pour casser la croute! Au menu ce midi: pain, saucisson, fromage, avocat, oeuf dur, carottes et tomates!! Un luxe ! Et une petite barre énergétique en guise de dessert. Que demander de plus? Nous sommes au sommet de la longueur 11, nous tenons le rythme des 2 cordées de devant qui sont parties pour sortir dans la journée! Pour le moment, on n’est pas mauvais! On prendra notre temps pour manger et profiter un peu de la vie sur cette petite vire! On remarquera aussi qu’après ces quelques longueurs de traversée, la retraite n’est plus vraiment “aisée”. Bref: pression maintenant: il faut sortir!
Ensuite, c’est Bernou qui attaque la longueur suivante: une traversée dans une cheminée complètement bizarre! Un mouvement un peu engagé pour rejoindre une fissure qui se grimpe en artif! Le rythme ralentit un peu vue le passage en artif mais on continue à bien avancer! Quand il atteint son relais, je profite de ce moment de solitude pour m’accomplir d’une tâche indispensable aussi répugnante que spectaculaire: faire un gros besoin pressant! Je ne rentrerai pas dans les détails, je laisse celà à votre imagination débordante (mais tout doit être ramené au sol…). Je dois ensuite remonter sur corde la longueur: la traversée en cheminée me pose quelques soucis: vu que c’est en traversée, je ne peux pas me pendre dans la corde, je dois donc escalader… je me retrouve complètement coincé dans la cheminée! Quel bordel ce sac!
La longueur suivante est pour moi: une cheminée avec deux fissures à doigts dans le fond… ca passe mais ce n’est vraiment vraiment pas notre style, vraiment pas propre comme grimpe! Et puis là… je ne sais pas trop pourquoi, dans un élan de motivation sans précédent, je décide de jouer les héros et d’enchainer sur la longueur suivante! Je le dis tout de suite: je l’ai regretté! La longueur suivante est une pure cheminée! En gros deux parois lisses comme la peau de mon c** séparées par une distance d’un mètre environ! L’idée est donc de se coincer entièrement entre les deux parois! L’idée qui m’est venue à ce moment-là c’est la fable de La Fontaine: la grenouille qui voulait se faire aussi gros qu’un boeuf! Ca décrit assez bien ma situation j’essaie de me faire le plus gros, le plus large possible pour me coincer au mieux! Les premiers mètres se passent bien… (enfin, pas trop mal serait plus correct). Le topo annoncait une “airy chimney” et de fait… pour être airy, c’est airy: globalement, il faut se tourner pour être coincé au mieux dans la cheminée ce qui fait que je me retrouve avec la tête qui regarde vers la vallée, plein vide!
Ensuite arrive le drame: le moment où je n’ai plus assez de protections pour en mettre… et où de toute facon les parois sont tellement lisses qu’il n’est plus possible de mettre une protection… J’essaie d’avancer tant bien que mal mais je me sens plus mal que bien… et un sentiment m’atteint: la peur! Je n’ai pas trop envie de voler dans une cheminée comme cella-là, cela doit être “relativement désagréable” (et c’est un euphémisme)! Je monte un peu… je redescends, je doute, je remonte, je redescends… je bouge 10 cm à droite, je remonte… mm topo… je redescends… je tremble, je commence à fatiguer aussi… quelle idée d’avoir enchainer ces deux longueurs-là! Je prends un repos… je repars… mm cirque! Je me dis qu’il faudrait filmer pour montrer dans toutes les bonnes écoles d’escalade ce qu’il ne faut surtout pas faire ! Bref, j’ai un peu honte! Je commence un peu à paniquer et à m’énerver! Mon second qui me connait calme en toutes circonstances commence à m’entendre gueuler, maudire, raler! Et puis ya un moment où ca passe! Je m’aide d’un ptit friends qui tient misérablement sur 2 de ses cams seulement je finis en rampant les pieds dans le vide: technique du molusque! Ca ne ressemble à rien! C’est la honte! J’arrive au relais exténué! Je n’en peux plus! Je fixe la corde pr Bernou et je me colle à la paroi! Car je ne l’ai pas mentionné mais cette cheminée a un tirage du tonnerre de dieu! Ca souffle ici dedans et dit un peu crument: je me gèle les couilles! C’est décidé: je laisserai passer Bernou pour la longueur suivante même si normalement c’est à moi de le faire! Je n’en peux plus, je suis exténué physiquement et mentalement!
Bernard prendra un temps relativement considérable pour nettoyer. C’est que c’est à son tour de se retrouver coincé dans la cheminée avec le sac à dos! De devoir lutter pour aller chercher les protections qui se trouvent à l’intérieur… de plus la cheminée était légèrement déversante ce qui n’a rien arrangé à sa tâche! Cela me permet de me calmer, de retrouver un peu de force mentale et physique!
Bernard me rejoint maudissant lui aussi cette longueur (sans doute pas autant que moi). Et je me reprends et prends sur moi pour me lancer dans la suivante contrairement à ce que je m’étais dit quelques instants plus tôt! La longueur suivante est plus courte, plus “dans mon style”, ca passe bien! On sort de cette cheminée, on se retrouve au soleil, … la température grimpe! C’est bon! Je sais qu’on a passé un gros morceau de la voie!
Les 2 longueurs suivantes sont pr Bernou: des fissures verticales, plein gaz… magnifique… pour nous amener au bout de la longueur 17 et à Big Sandy Ledge, notre hôtel pour la nuit! Il fait encore jour! Dans la plupart des trip reports que nous avons lu les gens arrivent dans le noir… on est satisfait! Pres de 14 heures d’effort pour arriver à cette 17e longueur! Mission accomplie ! On peut profiter de la vue! Du coucher de soleil qui va bientôt s’annoncer! On sort la salade de pâtes, repas du soir! On boit et on boit encore… puis tout d’un coup sans crier gare, un bruit inquiétant se fait entendre au-dessus de nos têtes: nous pensons tous les 2 à une chute d’un gros caillou (le risque le plus important dans ce genre d’ascensions) mais c’est en fait un être humain qui passe devant nous… un base-jumper avec des ptites ailes comme on ne les voit que sur youtube! Il fait presque nuit et … il descend bien vite! J’espère qu’il nous fera le plaisir de ne pas se rater juste devant nous… mais ca va, il a continué son vol plus loin dans la vallée! Très impressionant!
Le soleil est maintenant complètement couché… les étoiles sont magnifiques! Et là… Bernard me gratifie d’un: “Aurel, c’est génial, on a le 4G! T’imagines la prouesse technologique ? On est au milieu de nulle part et on a internet haut débit!” Et oui, quelle technologie :-)! Ensuite il est temps de se coucher! Bernard prend une place assez stratégiquement bien choisie: assez irrégulière et donc très inconfortable mais relativement loin du vide! Moi je m’installe sur une vire très confortable mais seulement de 70 cm de large et qui penche vers le vide… (je précise que nous restons tous les 2 attachés dans le sac de couchage). Je m’endors directement vue la fatigue! Mais je suis réveillé par une série de petits spasmes 2heures plus tard… me retrouvant aussi proche du vide, j’ai failli basculer! Je décide donc de bouger et de prendre une place bcp plus petite mais moins “penchée” vers le vide! Je dors donc en position foetale avec des rochers qui me rentrent un peu partout mais j’arrive à somnoler! J’ai mm des crampes pendant la nuit: pas top la nuit! Au final, aucun de nous 2 n’aura vraiment dormi convenablement!
Le lendemain c’est vers 6h30 que nous attaquons le ptit dej! Puis les trois premières longueurs sont pr moi! J’attaque donc ces trois longueurs que je passerai en “French free”: c’est-à dire à moitié en libre et au 3/4 en tirant sur les points que je mets! Ca avance pas mal et ca réveille!
Ensuite, on arrive au moment mythique de la trversée sur Thank God Ledge! Une petite vire de 15 cm de large sur laquelle il faut marcher pdt une vingtaine de mètres environ! La technique la mieux adaptée consiste à se retourner et à mettre son cul le long de la paroi! Je ne vous raconte pas l’ambiance! On est maintenant proche du sommet, la vue est… autant époustouflante que terrifiante! C’est génial! A mon grand regret (mais c’est le pierre papier ciseau qui décide), c’est Bernard qui lead cette longueur d’anthologie! Il ne parviendra pas à rester sur la vire tout le long (au milieu elle se réduit à sa plus simple expression…)! Après cette vire suit quelques mètres de cheminée… très serrée! Pour cela, on a monté un “gros” cam avec nous! Vous pouvez donc chanter avec moi: Ladies and gentlement, this is the cam number 5 (pam pam, pampapapam pam…. one two, three four five… je chante assez mal, je vais arreter là). Il s’en sort assez brillament! Mais on est contents de s’être trimballés cette pièce (une belle pièce mon général) relativement encombrante! Ensuite, c’est à moi de suivre… en mode grimpe et pas remontée sur corde à cause de la traversée! Et avec le sac à dos j’opte pr le “doggy style” sur la vire… je finis par me faire aussi expulser de la vire sur le milieu… puis il faut remonter dessus: pas évident avec ce poids sur le dos! Mais ouf ca le fait!
Les deux dernières longueurs sont pr Bernard aussi: une remontée sur spits avec des pendules et une longueur de libre dans une belle dalle (je le suis en libre avec le sac). Nous finissons donc par nous retrouver au sommet!! The North Face est vaincue!! On est parmi les touristes qui ouvrent des yeux grands comme … comme je ne sais pas quoi en fait (l’imagination me manque ici…)! Les touristes nous sautent dessus, il faut repousser les femmes qui s’arrachent nos t-shirts, les gens nous demandent des photos, des femmes crient dans tous les sens, il faut signer les autographes… (enfin, en me relisant j’ai un ptit doute sur ce passage…je ne suis plus certain que ca s’est passé exactement comme ca). Puis, petit moment intense au sommet! De l’émotion! On y est, on l’a fait !! On se congratule! On prend des photos! On ne réalise pas vraiment! Puis on lunche: les restes de la veille!
Puis c’est parti pour la descente! Tout d’abord les cables avec tous les touristes! Ca n’avance pas! Puis on quitte le sentier “touriste” pour “plonger” dans la face Nord dans un ptit sentier assez abrupt! 1h15 à un rythme d’enfer pr rejoindre la base de la face où on retrouve le reste de nos affaires! On en profite pour boire convenablement, repaquer les “gros” sacs! Ils seront moins lourds qu’à la montée mais pèsent encore leur pesant de cacaouhètes (sachant que nous avions vraiment des cacaouhètes pr l’apéro, cette phrase me fait rire… mais je suis bon public, j’avoue). Après un peu de repos on est reparti chargé comme des baudets! On attaque la descente, on le sent de suite, ca va faire mal aux jambes! Très mal! On parvient à louper le sentier et à descendre beaucoup beaucoup trop bas dans un sentier parallèle! Fais chier, faut remonter! La poubelle m’explose dans les bras… super cool! Bref, on n’est pas encore au bout!
On finit par retrouver le droit chemin! Qui descend abruptement… le nom “detah slab” est définitivement approprié! Chaque pas fait sériseusement mal aux genous et aux muscles! On se retrouve sous le cruel soleil du mois d’août! Ca fait mal!
Un peu plus loin un petit rappel… puis c’est parti pr la désescalade des classes 3 que nous avons tant peiné à monter à l’aller! Eh beh… pas facile tout ca! On sent que les forces commencent à nous abandonner! La fatigue du WE commence à s’accumuler! On finit par rejoindre le sentier touristique dans le bas de la vallée! On aura à nouveau battu des records de lenteur mais nous sommes vivants… enfin, complètement morts mais vivants! Il nous reste un dernier miles pour rejoindre la navette… ce sera dur… Bernou titube complètement… avec des envies de vomir! moi-mm je me sens vraiment à bout de force! Chaque pas est une souffrance! Mais faut plus s’arrêter maintenant! On arrive à la navette dans laquelle on se retrouve avec des touristes qui étaient au sommet en mm temps que nous! Rigolo… on se fera encore féliciter! C’est impressionnant comme les gens sont impressionnés…
Arrivé à Curry Village, je me précipite sur un paquet de bonbons pr faire remonter mon taux de sucre dans le sang! On se prendra une bière… une Half Dome… (nous sommes tous 2 de grands sentimentaux ;-))! On est détruit, les gens nous regardent bizarrement dans le village… Mais on l’a fait! On peut contempler Half Dome depuis la vallée avec ce sentiment de satisfaction intense de réussite! Oh yeah, we made it to the top! Et encore une fois, ce qu’on ressent à ce moment-là est très difficile à expliciter… mais des émotions, il en passe un paquet!
Ensuite, il sera temps pour moi de reprendre la voiture! C’est que le boulot attend le lendemain matin! Au lieu des 5h30 de l’allée je mettrai 9h30 pr le retour… je me suis fait prendre dans des travaux interminables… retour à 4h du matin à la maison… quasiment un tour de l’horloge pour cette journée! Je me prendrai le luxe d’une douche plus que méritée (cela fait plus de 4 jours sans douche… no comment 🙂 ) et je sombrerai dans les bras de Morphée le sourire jusque derrière les oreilles et les yeus remplis d’étoiles! Un bonheur comme celui-là ne s’achête pas!
Le lendemain fut rude! Très rude! Déjà je n’ai plus su marcher pendant 3 jours… j’ai l’impression que mes quadriceps allaient exploser… je me suis rarement senti aussi épuisé physiquement, aussi détruit! Il me faudra une semaine pour récupérer complètement! Comme chaque fois le retrour à la réalité est rude… Bernou a exactement les mêmes symptômes! Il a déjà imprimé le topo de El Cap et commence à l’étudier! Le défi suivant est encore plus grand, plus long que Half Dome… La voie mythique du Nose nous semble maintenant à notre portée! Aura-t-on le temps de s’y atteler ? Aura-t-on l’occasion de mettre un essai ? Parviendrons-nous tout au bout du rêve ? La réponse sans doute dans un avenir moyennement proche! Celà dépendra de beaucoup de choses: de notre emploi du temps et surtout… de l’évolution de l’incendie qui malheureusement sévit actuellement dans le Nord du parc!
Voilà! Un WE de 4 jours qui nous a semblé durer plus longtemps! Un WE de rêve! Nous n’avons réalisé que quelques jours après que nous avions vraiment grimpé Half Dome! Mais quelle sensation de plénitude! Je rangerai cette aventure dans la catégorie des accomplissements que je suis vraiment fiers d’avoir réalisés durant ma vie! Et je pense que je ne suis pas prêt d’oublier les moments passés lors de ces 4 jours!
Et puis… pour terminer sur ma métaphore (un peu foireuse je l’admets) du début… nous avons osé approcher cette charmante demoiselle assez peu vêtue et attirante que représentait cette face, elle ne nous aura pas repoussés et… croyez-moi, cela en valait la peine :-)!
Je terminerai par remercier une fois de plus Bernard pour m’avoir accompagné dans cette aventure, pour partager mon entousiasme et mon “excitation” dans ce genre de projets et d’y amener les siens! Et je lui donne rendez-vous pour la suite… il ne nous reste plus que le classique des classiques maintenant!
Bernard et Aurélien, septembre 2013