Nous sommes 6, meilleurs ami(e)s, ami(e)s ou encore simple connaissances avec un objectif commun, l’Islande. Nous partons pour un trekking de 8 jours de bivouac en autonomie avec comme objectif la traversée du parc Landmannalaugar et le passage entre les deux glaciers Eyjallajökull et Myrdalsjökull.
Quelques kilomètres sur le Laugavegur
112 kilomètres. 6 jours de marches. 20 kilos sur le dos. Des paysages à couper le souffle, changeant aussi vite de nature que le vent disparait et revient alors que nous passions, vaillants chamois imitant vainement les moutons locaux, de crête en crête et de rive en rive.
Voilà, en quelques mots qui peinent à décrire la complexité des sentiments par lesquels nous sommes passés, résumée la petite semaine que nous avons passée sur le renommé trail du Laugavegur, dans le parc naturel du Landmannalaugar au sud de l’Islande.
Arrivés un jeudi sur l’île battue par les vents et qui compte plus de moutons que d’habitants, notre voyage commença bien mal lorsque nous avons appris qu’aucun bus ne partait à cette heure vers le début du chemin de randonnée. Après avoir passé la nuit dans le jardin d’un habitant de Rejkjavik, le bus nous a déposé à Rupjlanevir (?), lieu perdu que même le chauffeur ne connaissait pas… De là nous avons démarré trois jours de marche, seuls au monde et sans croiser âme qui vive, mis à part les quelques ovins qui paissaient tranquillement et que nous dérangions apparemment. De crête en plaine, de rivière en rocher, de prairies herbeuses en étendues mousseuses, de terres arides et desséchées en deltas et écrins aquatiques, nous avons marché trois jours et planté nos tentes jusqu’à arriver, au matin du 4ème jour, à Landmannalaugar.
Quelle surprise de retourner à un semblant de civilisation, de revoir le touriste « moyen » ! Quelle déception aussi de comprendre que ces trois jours de solitude entre nous étaient arrivés à leur terme ; que nous devrions dès à présent compter avec les nombreux autres marcheurs que nous croiserions certainement dans les jours à venir.
Après une première ascension d’un sommet à 943 mètres, battus par les vents alors que nous zigzaguions sur ses flancs pour économiser nos forces, la beauté du paysage qui s’ouvrait sous nos yeux dans toutes les directions suffit à nous faire oublier les difficultés de la montée… Qui se rappelèrent bien vite à nos genoux malmenés par la descente abrupte et rocailleuse. La journée se déroula sans encombre mais avec d’heureuses surprises : de la neige, suffisamment solide pour nous porter, des sources d’eau chaude, bouillonnante comme si le Diable y résidait, des fumeroles de souffre asphyxiant nos poumons et empoisonnant nos narines. Mais la plus grosse surprise se révéla être la situation à notre arrivée au refuge où nous avions prévu de dormir : un vent glacial, aucune possibilité d’abri, des prévisions de neige durant la nuit… Nous avons donc décidé de continuer notre chemin jusqu’à l’étape suivante, marchant avec le soleil couchant en sautant de multiples petites ravines creusées par un cours d’eau, heureusement peu puissant car la fonte des neiges était déjà finie.
A la nuit tombée, nous avions le bout de nos difficultés à portée de main, mais il restait un obstacle à franchir : une vertigineuse descente de 500 mètres de dénivelé négatif. Si, sur une journée, un tel gradient morcelé se serait déjà fait sentir ; à la fin de 25 longs kilomètres et dans la pénombre, il fut un vrai chemin de croix. Nous n’en fûmes que plus fiers d’y être venu à bout, montant nos tentes dans une sorte d’extase à la lumière des lampes de poches, essayant tant bien que mal de garder notre équilibre sur des jambes tremblantes et exténuées. Une fois blottis dans nos sacs de couchage, le sommeil tomba prestement sur nos corps, bercés par un torrent avoisinant.
La fin de notre périple fut plus simple, plus reposée : comme nous avions parcouru deux étapes en un jour, nous disposions de tout le temps nécessaire pour les derniers kilomètres. Nous nous sommes donc permis de belles grasses matinées, admirant (et traversant) rivières, plaines et montagnes, profitant du soleil que l’île daignait nous donner. De plus, les jours précédant nous avaient occasionné une entorse, une tendinite débutante, et des craintes pour nos genoux… Tout nous poussait à parcourir les dernières étapes avec une philosophique et fort agréable lenteur.
Une fois arrivés au dénouement de notre randonnée, un bus qu’un malvoyant aurait cru monté sur échasses nous a ramené à Rejkjavik, franchissant les nombreux gués sur la piste qui sillonne la région de Thorsmork au nord du fameux Eyjafjallajökull.
Notre dernière journée fut consacrée à la visite de la capitale, petite ville non dénuée de charme mais tristement envahie par les vacanciers, au point de masquer les autochtones et de lui retirer l’âme qu’elle devait avoir autrefois, avant que l’Islande ne découvre et exploite son potentielle touristique. La nuit à l’aéroport restera un des points noirs de notre expédition, tant il fut difficile de trouver le sommeil dans le terminal froid et bruyant. Seule échappatoire à l’insomnie, le parking vide sur lequel soufflait un vent violent qui offrait à ceux qui savent l’apprécier un refuge de solitude permettant une ultime introspection. Quel plaisir que de se vider l’esprit et de remplir ses poumons d’un air, transperçant certes, mais indéniablement pur et libérateur des turpitudes qui nous attendaient de retour en Belgique.
Dans un registre moins romancé, il nous faut préciser quelques points. L’Islande est un pays cher, nous vous conseillons donc si vous décidez y partir de très bien préparer votre voyage. Les 4 bus que nous avons dû prendre nous ont causés de gros faux-frais (200€ par personne), et le total aurait été majoré de 25€ par personne et par nuit si nous avions décidés de dormir dans les refuges placés sur la piste. Nous avions à l’inverse prévus de nous arrêter 3-4 kilomètres avant ceux-ci, à proximité des nombreux cours d’eau fraiche afin de disposer d’eau pour la cuisine (nous n’avons dû utiliser aucun des Micropures emportés, mais nous faisions tout de même systématiquement bouillir l’eau par soucis de sécurité). L’eau pour boire, elle, provenait des refuges où nous nous arrêtions innocemment en début / milieu de journée, le temps de remplir les bouteilles en plastique qui nous servaient de gourdes.
Nous disposions de 3 bombonnes d’essence pour le réchaud : 2 de 1L, et 1 de 1,5L. En pratique, pour 7 personnes l’utilisant 2 fois par jour (matin pour boisson chaude et / ou porridge, soir pour soupe et repas principal) 2L sont largement suffisant si on les utilise rationnellement. Le litre et demi de rab ne nous a pas servi et pesait donc lourd sur le dos, mais servait de sécurité.
Enfin, nous ne recommandons pas de passer la dernière nuit à l’aéroport. Bien que cher, le service de navette entre la ville de Rejkjavik et l’aéroport de Keflavik fonctionne bien (compter 45 minutes de trajet) : les départs de bus sont coordonnés avec les départs des avions, les bus circulants entre 4h et 23h grosso modo. En planifiant bien on peut passer une dernière nuit en ville (les habitants sont peu habitués à voir des gens leur demander s’ils peuvent prêter leur jardin le temps d’une nuit, mais en précisant que nous devions pas du tout rentrer dans la maison et que le lendemain à 8h nous serions parti nous n’avons eu aucun souci – l’anglais est évidemment de mise).