Je profite d’une très courte session d’examen (environ 2h) pour faire une première expé seule sur la grande traversée du Jura en raquettes.

Avoir une toute petite session d’examen ça à des avantages non négligeables, comme avoir 3 semaines de vacances en janvier. Ça risque de ne plus arrivé avant un petit temps, je devais en profiter.

Depuis le week-end cap expe l’idée de faire une expé seule me trottait dans la tête. J’avais du mal avec mes études et je n’avais qu’une envie, être à la montagne, loin de tout. Partir seule était pour moi un moyen d’apprendre à me faire confiance, de rencontrer des gens, de me débrouiller. N’ayant pas beaucoup d’expérience en montagne l’hiver, le choix de l’endroit n’a pas été simple. En passant par les Vosges et le Vercors, c’est finalement le jura en raquettes qui m’a semblé être le plus accessible à mon niveau et qui à l’avantage d’avoir un itinéraire raquette balisée, La Grande Traversée du Jura ! Le plan de base était de partir cinq jours et de dormir en cabane ou en refuge.

Après avoir rassuré une dernière fois ma maman, je suis partie. J’étais stressée, je me suis plusieurs fois demandée ce qui m’était passé par la tête. J’étais sur place avec mon papa durant le weekend et ça m’a permis de me mettre un peu dans le bain.

Jour 1 :

Je me suis réveillée malade, j’avais vomi toute la nuit. Je ne savais pas quoi faire, démarrer et prendre sur moi ou abandonner. Démarrer un jour plus tard était compliqué car je n’avais aucun moyen de m’avancer d’une étape autre qu’en faisant du stop (seule en tant que fille ne me rassurait pas) et j’avais déjà mon billet de train pour le retour. J’ai fini par me décider, je savais que ça ne durerait qu’une journée, je suis donc partie avec quelques heures de retard.

J’ai quitté Métabief vers 11h en commençant par une belle petite montée. Le début, proche de la station était tracé mais plus je m’en éloignais plus je devais faire ma propre trace et plus le vent se levait et la neige tombait. Ce n’était pas simple pour commencer. Je n’avais plus rien dans l’estomac, j’avais faim mais ce n’était pas possible de s’arrêter. J’ai longé une falaise sur environ 2Km, les 2 plus long km de ma vie (j’ai d’ailleurs su que j’etais au bord d’une falaise uniquement grâce à la carte et au panneau « précipice », ça en disait long sur ma visibilité, pour la vue sur les alpes on reviendra). Je ne voyais rien et malgré la raquette je m’enfonçais fort. Le vent soufflait tellement que ma trace se faisait recouvrir casi instantanément et je me faisais déportée. J’avançais à l’aveugle de balise en balise sans vraiment savoir ou j’allais en vérifiant de temps en temps ma localisation sur fatmap, j’étais passée en mode automatique. J’ai été tellement soulagée de quitter cette crète et de retrouver un semblant de trace. Quelques km après avoir quitté cette crète, je suis arrivée devant une auberge, je me suis arrêtée et après un chocolat chaud je suis repartie.

Je suis arrivée vers 17h à la cabane de la route à Cyrille. J’ai pris le temps de me poser, d’allumer du feu, de faire fondre de la neige, … il faut savoir que j’ai pendant très longtemps eu peur du feu. Je dois avoir gratter ma première allumette à 14ans, et j’avais gardé l’habitude de laisser faire les autres quand il fallait allumer du feu ou cuisiner avec un réchaud. C’était donc déjà un sacré défi d’allumer ce feu. J’ai aussi pris le temps d’écrire et je me suis rendue compte que le fait d’être seule rendait beaucoup de choses plus compliquées, au moindre petit coup de mou, il n’y avait que moi pour me remotiver. Je devais me porter toute seule, et j’avais réussi cette première journée (qui étais un peu violente pour commencer).

Je n’étais pas très à l’aise dans cette cabane de chasseur seule, mais j’ai finalement su passer une bonne nuit. Mon estomac allait mieux mais j’avais besoin de repos.

Jour 2 :

Le lendemain il faisait meilleur, j’étais heureuse d’être là. Le vent de la veille avait bien recouvert la trace hors des bois, j’avançais lentement. Une journée de plus où je n’ai croisé personne en dehors du village de Mouthe dans lequel je suis passée. C’était une journée calme, il n’y avait plus de vent et de brouillard, j’ai pu voir un peu plus de paysage. Depuis mon arrivée je n’avais pas vu grand-chose d’autre que ce qu’il y avait à 10m de moi.

Je suis arrivée tout juste avant la nuit au refuge « chez Liadet ». Un refuge de luxe, il y avait des douches, de l’eau chaude et il n’y avait personne dans le dortoir. C’était un refuge qui faisait auberge ne même temps, le souper était donc plus ambiance hôtel que refuge. Ça faisait bizarre de manger seule à une table. N’avoir parler à personne d’autre que la serveuse et la gérante m’a fait me sentir bien seule. De retour dans le dortoir j’ai eu un coup de mou, je me sentais seule, j’avais besoin de parler, de raconter ma journée mais j’étais seule dans ce grand dortoir, sans réseau. J’ai écrit un peu et je suis vite allée dormir. C’est aussi pour ça que je me suis lancée là-dedans.

Jour 3 :

La journée suivante m’a paru bien longue, un gros bleu était apparu sur ma cheville et ma chaussure appuyait constamment dessus. J’étais fatiguée, j’avais mal, j’avais les pieds trempé et je n’avais pas le moral. Cette douleur m’a démotivé, je n’arrivais pas à penser à autre chose, j’avais peur de ne pas y arrivé, je me sentais nul d’avoir juste envie d’arrêter là. J’ai attendu d’arriver dans une zone avec du réseau et j’ai appelé mon copain. J’avais besoin d’un coup de pouce et que quelqu’un me rappelle que j’en étais capable. On a regardé la suite de mon itinéraire ensemble et j’ai décidé d’écourter le dernier jour pour être sûr de ne pas rater mon train et ne pas forcer trop sur ma cheville, j’en avais encore besoin pour le ski ! Je suis repartie et j’ai profité du reste de ma journée.

Un peu avant d’arriver, je me suis un peu perdue dans les bois, vous voyez dans les dessins animés quand quelqu’un tourne en rond et repasse au même endroit sans s’en rendre compte ? c’est un peu ce que j’ai fait, je ne savais pas que ça arrivait dans la vraie vie… Je suis finalement arrivée au refuge du pré d’haut, un peu plus rustique que celui de la vielle, pas d’eau potable, des grosses couvertures bien lourdes (j’étais bien contente d’avoir un bon sac de couchage) et la chaleur d’un feu. Mais je n’étais pas seule ! J’ai mangé avec un groupe d’ardéchois et ils m’ont appris à joué au tarot (j’ai rien compris). Ça faisait du bien de rencontré des gens, c’était les premières personnes que je rencontrais depuis trois jours.

Jour 4 :

La rencontre de la veille m’avait redonnée de l’énergie et il faisait beau, la journée s’annonçait bien. Ma cheville allait mieux et il y avait une trace, j’avançais vite. Vers 14h je n’étais plus qu’à quelques km du refuge, j’ai alors fait un petit détour vers un point de vue où j’ai joué la photographe pour un groupe de retraité en vacances. L’un d’eux m’a demandé pourquoi j’étais seule, je n’ai pas su répondre. Pourquoi j’étais partie seule déjà ? je ne savais pas exactement, et je crois que je ne sais toujours pas vraiment. J’en avais besoin et envie, je voulais me dépasser et prendre du temps pour moi, déconnecter. Il m’a dit qu’on ne laissait pas une jeune fille partir seule, je lui ai expliqué que ça ne changeait rien et que je gérais très bien. Sa femme est venue me soutenir en lui disant que j’étais courageuse et que c’était un vieux macho…

Je suis arrivée vers 16h (un peu trop tôt aux yeux du gardien apparemment) au chalet gaillard. Il y avait plus de monde ce soir-là. J’ai mangé avec deux couples de Bretons retraités avec qui on a parlé trek et expé. Ils m’ont parlé de tous les voyages qu’ils ont pu faire, ceux qu’ils planifiaient et ont adorer le concept de Cap expe. Ils viennent d’ailleurs de créer un itinéraire de rando reliant la bretagne à la frontière belge, en Ardenne, en passant par les Pyrénées et la diagonale du vide : le chemin sauvage (Chemin Sauvage – Trek & Bivouac en France (lecheminsauvage.com) ).

Je pense que c’était une des meilleures rencontres de mon expé, les discussions que j’ai eu avec eu m’ont beaucoup appris, j’espère qu’à leur âge j’aurais la même forme physique qu’eux. C’était vraiment chouette de rencontrer des gens et de partager un repas, un président ou un uno avec eux.  Avant de partir j’avais peur que ma timidité soit un frein aux rencontres et finalement c’est le meilleur souvenir que je garde de cette première expé seule.

Jour 5 :

C’était déjà mon dernier jour, j’ai marché mes derniers km dans le brouillard (encore) et je suis arrivée à Bois-d’Amont où j’ai pris une navette jusqu’à la gare frontalière de La Cure. C’était la fin de mon expé et le début d’une autre puisque je rejoignait Félix chez Florian à Thône pour une semaine de ski de folie.

Il y a un an je ne me serais jamais imaginée me lancer là-dedans seule. L’idée me serais probablement rapidement passée par la tête mais je n’aurais jamais commencé à me renseigner et à planifier quelque chose. La découverte de Cap expé m’a permis de voir que c’était possible et d’oser.

Merci Cap expé