Ascension du petit Combin (3672m) – Août 2005
Petit Combin (3672m) – Août 2005
par Yann Reynders
Ce matin-là Verbier était paisiblement bercé dans un étrange silence. Les premiers rayons de soleil brillaient prudemment au dessus des arbres. C’était comme si la vallée était enveloppée d’un filet protecteur protégeant le val de Bagnes du vent et du bruit. La route vers Fionnay, notre point de départ, nous même à travers de petits villages, loin des somptueuses villas et luxueux appartements, loin de partout. Certains hameaux ont l’air de dater du début du 20ième siècle. Soudain se dresse un magnifique filet d’eau à notre gauche. Un petit arc en ciel se dessine devant la paroi rocheuse au dessus de Fionnay.
Notre sentier suit l’autre côté de la vallée, et c’est déjà vite que nous nous plongeons dans un univers tout à fait différent, presque une petite forêt amazonienne. L’air y est humide et le sentier recouvert de boue. De partout jaillissent des petits torrents et des milliers d’insectes recouvrent le ciel au dessus de nos têtes. Quatre longues heures nous attendent. La montée vers la cabane de Panossière se fera sentir !
Le paysage devient vite de plus en plus sauvage et après avoir contourné une crête le paysage se déchire. Nous pouvons dès lors contempler les magnifiques sommets qui nous entourrent. Derrière la moraine latérale du glacier de Corbassière se dessine l’esthétique sommet du Combin de Corbassière, tout blanc (il a neigé 80cm au dessus de 3300m fin août). A sa droite on peut voir le Petit Combin et au loin au milieu se dresse le majestueux Grand Combin. A l’extrême gauche se dresse le Tournelon Blanc, dont la face Nord m’impressionne !
Après 3h30 de marche, nous voilà arrivés à la Cabane de Panossière. Bonne surprise : c’est la plus belle et confortable cabane de vous pouvez vous imaginer. Rien à voir avec les refuges français, même pas celui des Cosmiques ou des Conscrits. L’accueil y est chaleureux, le gardien vient nous souhaiter la bienvenue quand on arrive sur la terrasse. Le service y est super (deux étudiants belges y font leur job de vacances). Les dortoirs sont super et nous avons une vue imprenable sur le val de Bagnes. Et alors, les sanitaires … partout y’a du carrelage blanc et ça ne sent même pas mauvais. Les toilettes fonctionnent par un système de compostage à sec (avec de la sciure de bois. J’y songe à intégrer ce système chez moi à la maison J).
Après avoir visité les lieux, nous voilà en route pour une petite session de cramponnage sur le glacier de Corbassière. Je ne sais plus attendre, ça fait des mois que j’attend d’enfiler les crabes. On aura été servi, ça prend déjà 45 min pour traverser le glacier. La journée de demain promet d’être ‘top glacier’ !
Le soir c’est le suspens. Les 10 personnes présentes ce soir-là à la Cabane se préparent à entamer le souper. Quel repas servira-t-on ? Nous commençons par une délicieuse soupe avec du pain (à volonté). Après ça une salade de carottes et de soja suivra. Beaucoup se préparent déjà pour le dessert, mais ce n’est qu’alors que le festin commence : beefsteak sauce champignon, accompagné de spaghettis. Original mais plus que copieux ! Après suivra une délicieuse macédoine avec des biscuits … et afin de terminer en beauté, le gardien nous offre un vert de Génépi à tous. Bon, au dodo, car je suis fatigué !
Le lendemain matin, 04 :00. Le bruit typique de matériel métallique réveille la cabane de son lourd sommeil. En bas tout le monde déjeune en silence, la fatigue se lit dans les mouvements des montagnards. J’ai de la chance, je joui de mes tartines à la gelée de poire. Vite récupérer les gourdes de thé que les gardiens nous ont préparés et nous voilà partis. Il faut chaud dehors, vraiment chaud, incroyable. Au loin, sur le glacier, on peut déjà voir progresser les premières cordées. Les frontales éclairent de grand cercles sur le glacier, comme des yeux.
La première partie de la journée suit la morène latérale jusqu’au glacier. Une fois sur le glacier de Corbassière, il nous faut le traverser. Ca prend déjà pas mal de temps et quand nous arrivons à l’autre côté du glacier il fait déjà clair. Les premiers rayons des soleil éclaireront bientôt les sommet du Grand Combin. Après avoir traversé le glacier suit une zone de séracs de et de crevasses cachées. Nous contournons les zones ou la glace est brune et presque transparente et surtout là ou elle résonne. Nous continuons notre chemin sur le glacier et nous nous trouvons bientôt au pied de la gigantesque face nord-ouest du Grand Combin. Nous ne sommes que des minus.
Le topo nous dis de passer le point 3156, un pointe rocheuse au bord du glacier, et nous indique de suivre la large combe en dessous du col de Corbassière. Mais la trace tourne vers une autre direction. Celle qu’on suit à l’air de conduire au Plateau du Déjeuner sous le Corridor en pleine face nord-ouest du Grand Combin. C’est un endroit où il ne faut pas s’aventurer, car la zone est trop exposée aux chutes de séracs. Nous prenons à droite dans la grande combe. Le soleil commence à chauffer … et pas un peu. En plus il n’y a pas un pet de vent. Nous traversons la combe jusqu’au pied du Combin de Corbassière afin de ne pas trop s’exposer au crevasses qui sont moyennement bouchés à cause des chutes de neige importantes de fin août. La chaleur devient insupportable. Je ne sais pas ôter plus de vêtements, car il faut garder un minimum afin de se protéger des éléments. Le col de Corbassière à l’air tout près, mais une pente de 80m nous sépare encore de lui … et quoi comme 80m. Ce qui suit est une barre rocheuse archi-pourrie ! C’est du jamais vu. On progresse dans un mélange de terre, de cailloux de rochers et de neige. Chaque pierre, même les gros rochers ne tiennent pas. Nous sommes heureusement les seules dans la voie. La chaleur devient encore plus insupportable et j’ai regretté ne pas avoir installé les essuies-glaces sur les lunettes, car la transpiration coule à flots ! Ca pique dans les yeux !
Enfin, le col de Corbassière ! De là notre chemin continue vers le nord, vers le sommet du Petit Combin. Une demie heure plus tard, ça y est. Nous sommes seuls sur le sommet du Petit Combin. La vue y est imprenable et elle s’étend du Mont-Rose au Mont-Blanc en passant par le Grand Combin, le Grand Paradis et même le Pelvoux. De l’autre côté s’étend la Vallée du Rhône entre les Dents du Midi et l’Oberland Bernois. Après une petite séance photo (les températures commencent à faire ‘club med’ parce que je n’arrive pas à ‘refroidir’) la descente nous attend. Il nous faut à nouveau passer par les 80m pourris, bien plus qu’à la montée en plus. Nous retrouvons la trace que nous avions ratée le matin tôt, elle passait à droite du point 3156 (donc pas comme mentionné dans le topo) et à travers les cailloux … infernal, nous nous y sommes encore perdus pendant une dizaine de minutes. Après ça il nous faut encore traverser le magnifique glacier de Corbassière. Il est superbe, tout brillant et les torrents sont gonflés d’eau de fonte.
Le soir à 19h on est raide comme de planches mais ravis d’avoir pu faire une des plus belles voies du Valais, accompagnés du meilleur temps que j’ai eu en montagnes jusqu’à présent et ayant dormi dans la plus belle Cabane que je connaisse. Je reviendrai, c’est sûr, même si je préfère le bivouac !