Bivouac hivernal au sommet du Mont Toubkal, dans le Haut Atlas marocain
[singlepic id=221 w=150 h=240 float=right]Après un bon spaghetti bolo chez Pierre samedi 21 janvier, nous prenons la direction de l’aéroport de Charleroi, et pour la deuxième fois en huit mois, nous allons tenter de prendre notre envol vers le Maroc. Pas de crash de F16 sur l’unique piste de décollage cette fois-ci, tout se passe plutôt trop bien, et nous voilà donc partis vers Marrakech avec pour objectif : un trekking hivernal dans le parc national de Toubkal dans le Haut Atlas. Après avoir atterri et obtenu un cachet de plus sur notre passeport, nous ne devons pas traîner car le soleil vient de se coucher, offrant des fantastiques jeux de couleurs sur les sommets enneigés de l’Atlas à une cinquantaine de kilomètres à vol d’oiseau au sud. Nous trouvons assez rapidement un taxi, qui nous dépose à un supermarché dans la ville, et nous attend une grosse demi-heure, le temps de boucler le courses alimentaires de la semaine en autonomie à venir. Ensuite, nous repartons en direction d’Imlil, qui est le dernier village accessible par la route, d’où deux jours de marche sont nécessaires pour atteindre le sommet du Mont Toubkal, point culminant du Haut Atlas et de toute l’Afrique du Nord du haut de ses 4167m. Imlil est parfois considéré comme un véritable « Chamonix marocain ». Arrivés à Imlil (1740m) vers 20h, nous constatons immédiatement un net rafraîchissement de l’air. Nous répartissons brièvement les courses, et nous nous mettons immédiatement en route afin de trouver un endroit de bivouac. Dans le noir, on galère un peu à trouver le sentier qui mène au Toubkal depuis la route en asphalte, et nous voilà beaucoup trop loin. Un local nous aiguille par un canal d’irrigation qui va nous permettre de rejoindre le sentier quelques kilomètres plus loin. On est encore en pleine civilisation berbère, mais on finit par trouver un espace isolé pour les tentes au pied du village d’Aroumd. Après un classique repas saucisses-purée-compote dans le froid, nous rejoignons nos couchettes. Le thermomètre a indiqué un minimum de -1,9°C cette nuit.
[singlepic id=125 w=150 h=150 float=left]Dimanche matin, alors que nous avions initialement imaginé que la matinée allait servir aux courses et à la location d’équipement, ce ne sera finalement pas le cas car tout est en ordre. Nous avons nos provisions, nos crampons, et on nous a assuré que l’usage de piolets n’étais pas franchement nécessaire. Alors après une bonne gamelle de céréales, nous voilà partis. On traverse le grand village d’Aroumnd avant de s’éloigner progressivement de la population. En journée, le soleil aidant, il fait bon. La température doit tourner autour des quinze degrés. Le sentier est fort fréquenté, par quelques touristes mais surtout par des locaux et des mules qui relient le minuscule village de Sidi Chamharouch, situé à quasiment 2400m, haut lieu de pèlerinage inaccessible par la route. Nous nous arrêtons pour pique-niquer après avoir passé ce dernier. Nous avons maintenant les pieds dans la neige, et les mules ne dépassent pas ce point à cette saison. Il n’y a plus que des touristes et leurs guides, ainsi que tout de même quelques échoppes vendant du coca et des oranges aux randonneurs le long du chemin. On m’avait parlé de leur existence mais j’étais à mille lieues de me douter qu’elles seraient en activité en hiver. [singlepic id=135 w=150 h=150 float=right]C’est sur ce segment que nous tombons pour la première fois sur Adil, un indien de New Delhi. Nous arrivons à hauteur des refuges du Toubkal alors que le soleil se couche. Ici, à 3207m, deux refuges se font concurrence. Le premier, Les Mouflons, est privé, et le deuxième appartient au Club Alpin Français de Casablanca. Nous annonçons au premier notre intention de dormir sous tente, et le tenancier Ibrahim à qui nous devions livrer un paquet de cigarettes nous propose de venir nous réchauffer autour du feu une fois le camp dressé. On ne s’est pas fait prier. Une seule pièce du refuge est chauffée au bois. Les dortoirs sont glaciaux. Le salon est effectivement bien chaud, et assez peuplé, on y est une petite quinzaine de tous horizons. Jaloux du plat de pâtes servi par le refuge à nos voisins, on craque, et on commande le même, pour un bon prix d’après Ibrahim qui nous demande de rester discret étant donné que nos voisins auraient payé le triple. En fin de soirée, nous rejoignons nos tentes. Nous sommes aujourd’hui les seuls à dormir sous tente. La température est tombée à -6,9°C la nuit.
[singlepic id=140 w=150 h=150 float=left]Lundi, nous nous levons à 5h, soit une heure plus tôt que prévu à cause du réveil de Pierre qui était resté à l’heure belge. Il nous faudra deux heures pour lever le camp et surtout ajuster nos crampons, ce qui nous a permis malgré nous de partir par temps clair. Nous abandonnons la tente de Vianney avec tout le matériel et la nourriture dont nous n’avons pas besoin. Le ciel est de nouveau entièrement dégagé, mais alors que nous commençons l’ascension du Toubkal par son versant ouest, nous attendrons de voir se pointer le soleil avant de petit-déjeuner, un peu avant 10h. Nous rattrapons Adil et son guide. Il nous reste à peine 50 cl d’eau en bouteille pour tout le groupe. Il n’a plus neigé depuis un certain temps, donc la face n’est pas skiable, et la neige est bien dure. Après cette seule et unique pause, nous continuons notre effort vers le sommet, que nous atteignons chacun à notre tour, à partir de 12h15, Audry et moi en premier. Adil y est déjà avec son guide, mais ils redescendront avant que nous y soyons tous les quatre. Le panorama ici à 4167m est spectaculaire, et l’absence de vent nous conforte dans notre projet un peu fou d’y passer la nuit. On fait immédiatement fondre de la neige pour le thé, que nous prenons en pique-niquant. On s’attèle ensuite à la longue tâche du monter de tente. Le cercle de pierres visiblement prévu à cet effet est en fin de compte trop étroit pour notre North Face VE25, et le déplacement des pierres une par une pour l’élargir se révèle être une tâche particulièrement épuisante à cette altitude avec une acclimatation aussi peu rigoureuse. [singlepic id=197 w=150 h=150 float=right]Une fois le camp monté, nous passons le reste de l’après-midi à nous reposer dans la tente sur laquelle le soleil tape, car le vent aussi faible soit-il et la température extérieure rendent les conditions peu propice à une sieste au soleil. Nous n’en ressortirons que pour cuisiner le couscous et profiter du coucher de soleil le plus spectaculaire du Haut Atlas, alors qu’une mer de nuages est venue recouvrir la plaine de Marrakech. Une fois le soleil couché par contre, c’est le rush, la température descend en flèche, notre seul objectif est maintenant de rejoindre nos sacs de couchage illico, sans prendre le temps de faire une nouvelle fois fondre de la neige pour s’hydrater. Cette longue nuit à quatre dans une tente trois personnes à 4000m, on s’en souviendra, vu que déshydratation et altitude aidant, personne n’a dormi de la nuit. Le vent s’était entre temps levé, mais n’étais pas très inquiétant. La température enregistrée atteignait quant à elle un minimum de -11,3°C.
[singlepic id=204 w=150 h=150 float=left]Après avoir décompté les heures précédant le lever du soleil, il était enfin l’heure de braver le froid pour aller l’admirer. Les couleurs sont de nouveau fantastiques, mais le ciel est plus couvert que la veille. Après avoir démonté la tente, fait fondre de la neige et tenté d’avaler quelques Choco Cribits, nous voilà repartis pour la descente jusqu’au refuge. On profite des derniers rayons de soleil avant sa disparition totale derrière les nuages, et on croise plusieurs groupes qui vont tenter un assaut sommital, dont quatre irlandais que nous retrouverons au refuge et qui sont dans la région pour dix jours d’alpinisme. Tout au long des deux heures de descente, notre santé va se détériorer (à part celle d’Audry). Premier réflexe une fois au refuge : acheter des litres d’eau en bouteille qui nous font le plus grand bien. Pierre, Vianney et moi avons un peu de fièvre, mais Vianney est de loin le plus touché.
[singlepic id=207 w=150 h=150 float=right]Mercredi, comme la santé ne s’est pas franchement améliorée, nous restons au refuge. Nous dormons toujours sous tente et cuisinons dans l’antichambre, tout en profitant de la chaleur du salon le reste du temps. Audry et moi profitons d’un bon rayon de soleil en terrasse, avant que celui-ci ne laisse définitivement place au mauvais temps. Le soir au refuge, il y a comme chaque soir les irlandais ainsi que des anglais et des lithuaniens qui arrivent en masse à 22h30.
Jeudi, bien que cela aille un peu mieux, nous nous résolvons à abandonner nos projets de continuer le trek vers le sud en direction du lac d’Ifni, et décidons de redescendre à Imlil. Nous ne partons que vers 14h, alors qu’il neige encore. Le sentier est cette fois-ci quasiment désert. Nous arrivons à notre endroit de bivouac du premier soir au pied d’Aroumd en même temps que l’obscurité, et qu’une soudaine et terrible averse neigeuse, qui à cette altitude est fondante et nous force à dresser le camp en triple vitesse. Trempés malgré tout, nous cuisinons dans l’auvent, et entendons régulièrement avec effroi des chutes de pierre de l’autre côté du cours d’eau. Nous estimons être à l’abri sur ce versant.
[singlepic id=217 w=150 h=150 float=left]Malgré toutes nos précautions, la disposition de la tente était loin d’être idéale et tout est absolument trempé à l’intérieur. Heureusement, ce malheur vient avec le retour du beau temps, et nous laisserons nos affaires sécher au soleil toute la matinée. Après avoir tout replié, nous redescendons définitivement vers Imlil, que nous voyons enfin à la lumière du jour. Un taxi vers Marrakech nous est immédiatement proposé, pour un prix nettement meilleur que celui payé à l’aller. Après deux petites heures de route, nous voilà de retour à Marrakech. On nous propose un riad bon marché où on passera la nuit : le riad Riba. Une fois installés, nous nous lançons à la découverte de Marrakech, sa mosquée Koutoubia, sa place Jamaâ El Fna, et ses souks. En tentant de résister à l’oppression permanente, nous mangerons dans un stand de la place Jamaâ El Fna. En soirée, on demande au tenancier du riad des idées de plans « bar à chicha ». Aussitôt dit, aussitôt fait, on se retrouve au riad « Les couleurs de l’Orient » à vingt mètres de là, seuls dans la salle centrale du riad autour d’une chicha avec les tenanciers des deux riads et l’un ou l’autre amis à eux qui passaient plus ou moins longtemps.
Après un excellent petit-déjeuner au riad, Audry décide d’aller se faire masser, pendant que nous faisons des tours dans les souks. On se prend un kebab à midi puis Audry et moi faisons une petite promenade aller-retour jusqu’au jardin de la Ménara. La vue depuis le parc vers l’Atlas est magnifique. Ensuite, il est finalement temps de prendre un dernier taxi vers l’aéroport et de décoller vers Charleroi où nous atterrissons un peu avant 23h.
En guise de conclusion, malgré un programme fortement charcuté à cause de la santé et du mauvais temps, notre objectif initial de bivouac hivernal au sommet du Mont Toubkal était totalement accompli, et la météo de ces premiers jours n’aurait pas pu être meilleure. Une réussite donc !