Fin Août 2021, on est partis avec Tonio sur une des plus belles arête des Ecrins : la traversée Rateau-Meije-Pavé-Gapsard, ou comment rallonger la mythique traversée de la Meije pour en faire un parcours de 4 jours à près de 4000m. Au programme : des fous rires, des longues journées, des bivouacs en collé-serré, du caillou très bon à très pourri, un doigt écrabouillé et un lever de soleil magique au sommet de la Meije. En 4 jours on a croisé que 2 humains, bref une belle aventure !

Jour 1 : Râteau W, voie normale.

Montée alors que tout le monde descend, seuls ! Ça déroule. Bivouac au sommet grand luxe.

Jour 2 : Traversée du Râteau par le fil + arête W du grand pic jusqu’au glacier carré.

Traversée du Râteau par le fil : rocher correct sauf en contrebas de la dent éboulée.

Descente par l’arête ENE : Facile mais longue. Puis descente sur le glacier un peu crevassé (attention s’il est tard dans la journée) et remontée à la brèche de la Meije (ça passe bien sur la gauche à la rimaye). Il y a un beau bivouac à la brèche (côté est).

Arête W du grand Pic : itinéraire assez facile à trouver et bon rocher. Le ressaut en dalle en 4c est le passage le plus délicat en grosses : Tonio est tombé en second, je l’assurais d’en haut sur un seul came… Au niveau du piton de ce passage en 4c, on a traversé à droite vers une bonne écaille, et après c’est plus facile. La section de 4c de 70m passe bien en corde tendue (juste un ressaut un peu physique).
On a un peu galéré à trouver l’itinéraire pour éviter la brèche au niveau du Grand Doigt. On a trouvé les vires d’éboulis versant S et puis le couloir pourri, qui est effectivement bien pourri (mais rocher grand luxe comparé à ce qui nous attendait au Pavé). Ensuite on a remonté le mur raide un peu trop bas je pense car c’était pas rando et pas facile à protéger. Penser donc à attaquer ce mur raide plutôt haut dans le couloir pourri.
La vire “facile et expo” pour rejoindre le glacier carré est effectivement facile et bien impressionnante, je serais pas allé dedans s’il n’y avait pas 2 sangles en place. Bivouac bien protégé juste avant et juste après (avec petit filet d’eau accessible qui coule du glacier carré). On voulait bivouaquer au grand pic, mais comme le ciel se couvrait on a opté pour le bivouac juste avant le glacier carré : plus safe en cas d’orage ! En plus, une des deux places est à l’abri de la pluie, sous un surplomb. Au final à part une fine pluie (qui me donnait une excuse pour me coller contre Guillaume 😄) il y a rien eu.

Jour 3 : Grand Pic par voie normale à partir du glacier carré + traversée des arêtes de la Meije + traversée Meije orientale-Pavé.

Grand Pic : Le glacier carré est vite passé (+-25′) le regel était excellent. La suite jusqu’au cheval rouge grimpe un peu mais passe bien sans mettre trop de protections, c’est une chouette section à grimper ! Le cheval rouge et le chapeau du capucin valent plus que du 3 (sans les chaussons en tout cas), on tire une mini longueur là. Quelle ambiance d’être là avant le lever du soleil ! En chevauchant le cheval, on découvre l’aube à l’est, qu’on ne voyait pas jusqu’alors puisqu’on était en face ouest. Après on est quasi direct au sommet. On y reste pour attendre le lever de soleil et prendre des photos.

Traversée des arêtes de la Meije : J’ai la mémoire un peu courte pour le premier rappel (étant passé là il y a un mois avec Loïc) : on s’arrête d’abord au rappel sur cordelette avant de se rendre compte que le relais sur chaîne est juste en dessous. 2 rappels suffisent pour atteindre la brèche, où on mets les crampons. Tonio fait les câbles en tête et on fait ça bien mieux qu’avec Loïc. Souvent, c’est plus facile d’utiliser le rocher que le câble (qui défonce les biceps). Il y a une section de 6 m un peu raide et un peu glacée (où le câble est enfoui sous la glace) : là il faut un peu s’appliquer. Mais le reste est pas dur, ça passe bien en corde tendue. La suite de l’arête passe sans soucis, on mouline les rappels de la traversée. Cette traversée est vraiment la plus belle section des 4 jours. Le rocher est super bon, l’ambiance est incroyable, la vue est magnifique, d’ici t’es le king des Ecrins ! Ca me semble vraiment plus facile que le reste, sans doute dû à la qualité du rocher et de l’équipement (les relais chaînés sont bien balèzes, et on aperçoit des pitons qui font la taille d’un bras). Bonne pause au Doigt de Dieu et on entame les rappels.

A l’attaque de la Meije Orientale, on tire une longueur pour passer la section en glace juste après la rimaye (on utilise les 4 broches) : 20-30 m en traversant en ascendance vers la gauche jusqu’au fil de l’arête neigeuse (plus facile qu’aller tout droit). La suite déroule avec Tonio qui a déjà fait la montée il y a quelques semaines. On croise une cordée à la descente (la seule qu’on croise de toute la traversée !), ils viennent du Pavé et nous disent qu’il devrait y avoir moyen d’y bivouaquer : cool ! Grosse pause au sommet de la Meije Orientale puis on entame la traversée vers le Pavé.

Traversée vers le Pavé : On commence sur le fil puis on bascule vite sur des vires versant E, il y a de la recherche d’itinéraire. Le rocher se dégrade. Après un premier rappel sur cordelette de 25m, on rejoint le fil. On désescalade une dalle délicate (avec une cordelette récente en amont, peut être plus tranquille d’y faire un mini rappel ?). La remontée vers le Pavé se fait dans du rocher vraiment merdique, mais on arrive toujours à protéger plus ou moins. A l’ouest du sommet, on trouve un emplacement de bivouac décent (à reterrasser un peu pour plus de confort; il vaut mieux récolter de l’eau à l’avance : il y avait des névé pas très loin versant E du sommet mais avec des éboulis pas ouf pour y arriver). Je m’écrase le doigt entre 2 pierres en terrassant, ça fait 2 entaille sur la dernière phalange du majeur mais Tonio a de quoi désinfecter. Malgré la soirée un peu ghetto (doigt niqué et difficulté de choper de la flotte), du Pavé on a la meilleure des vues ! Râteau et toute la trav de la Meije s’étalent sous nos yeux, avec l’impressionnante face S de la Meije. Derrière nous, le Gaspard nous attend, on sait qu’on a pas fini. Mais on est contents d’avoir fait le Pavé aujourd’hui, la journée fut longue mais ça allait encore, et on le sait pas encore mais demain nous attend une grosse journée aussi avec cette looongue descente.

Jour 4 : Traversée Pavé-Gaspard et descente au parking

Attention à la cotation AD qui ne reflète pas la difficulté, l’engagement et le rocher merdique (pareil pour le Pavé).

Descente du Pavé et traversée vers le Gaspard : La descente côté E du pavé est complètement délitée, c’est la pire section de la traversée à mon sens. Heureusement c’est le matin, on est frais et Guillaume fait bien les choses en tête. Il parvient à suivre l’itinéraire (franchement pas facile), et à toujours avoir un came solide entre nous.
Il y a une courte section de neige bien regelée qu’on passe sans crampons puis on rejoint l’arête plus saine (enfin !) qui nous amène à la brèche avant l’Ourson. On y fait un rappel en moulinant de 30m. La traversée de l’Ourson est vite réglée et on fait un autre rappel en moulinant de l’autre côté. D’ici, on a une sacrée vue sur le cirque en face Nord, avec le glacier du Lautaret et tout. Waw, qu’est-ce qu’il est impressionnant ! Y a bien de l’ambiance, fieu.

On attaque alors le Gaspard, dont le rocher est pas toujours génial. A deux reprises, la pierre sur laquelle j’avais un pied se détache alors que j’amorce le mouvement vers le haut. Heureusement que j’ai 3 autres membres pour me retenir. Ca ajoute de l’ambiance n’empêche, et faut toujours bien checker si les prises tiennent avant de les employer. Ca ralentit mais better safe than sorry.
On tire une longueur pour la cheminée en IV+ qui est assez exigeante en grosses pour la cotation (avec vue plongeante sur la face N), mais ça se protège bien avec des friends et on a la chance que y ait pas de glace. Cette cheminée se termine par un petit replat/brèche sur le fil qui permet de basculer en face S. Je vous conseille de poser un relais à cette brèche pour changer le lead. En effet, le pas de IV+ d’écaille en dalle vous attend vraiment juste après, et c’est cool que l’assureur voie le grimpeur pour ce pas un peu impressionnant (on avait mis notre relais un peu plus bas, et du coup on était tous les deux bien à vue pour ce mouv). Cette grosse écaille est à prendre en main (à première vue tu pourrais avoir envie de la prendre comme prise de pied, mais mauvaise idée), et te permet de traverser gentiment vers la droite sans te faire peur. Y a pas pléthore de prises de pieds, certes, mais t’es content d’avoir ce giga-bac dans tes grosses paluches. Après ça devient plus facile, mais toujours gare au rocher qui tient pas.
On rejoint le fil de l’arête, joli ! Puis on arrive a un premier sommet où l’on fait une pause, mais le vrai sommet est en fait plus au S (3e pointe sur l’arête, après elle ne fait que redescendre). Autrement dit, le sommet est vraiment le “dernier” par lequel tu passes.
Attention de ne pas se tromper de couloir à la descente, il y en a 2 qui partent à l’E avant le bon qui est vraiment plus large que les 2 précédents avec un emplacement de bivouac bien marqué face E un peu en contrebas (pas moyen de le louper). Pour résumer, ne t’arrête pas au 1e sommet mais bien au 3e/dernier, et de là tu trouveras le bon couloir à désescalader, après en avoir laissé 2 sur ta gauche (qui donnent l’impression d’avoir un chemin dessus, mais en fait non).

Descente : On se désencorde pour désescalader le couloir, plus rapide que tirer des rappels. Ca se désescalade bien : le rocher est pas oufissime mais à ce stade de la course on a tellement vu pire. Puis y a pas de gaz ici. Quand il se sépare en 2, il faut prendre la branche rive droite (il y a un petit ressaut qui passe en zigzag sur la droite plutôt). On rejoint ainsi le dernier rappel avant la rimaye. On prend la bête décision de “skier” le glacier (qui est presque dépourvu de crevasse et qui s’applatit sur le bas), sans crampons. Tonio fait une grosse glissade de 20-30 m mais réussit à s’arrêter en se cramponnant à son piolet non sans s’être fait un peu mal au poignet (il fauche mon piolet par là même, super le copain). Je fais des marches pour aller récupérer mon piolet un peu plus bas et on met tous les 2 nos crampons un peu pénauds et refroidis avant de descendre sans souci le reste (next time : pas faire les cons et mettre ses crampons avant le dernier rappel). La descente du Vallon Clair est longue. Il y a un ressaut qui passe plus rive gauche. La fin du vallon est bien cairnée. On trouve un peu de génépi (on en prend juste quelques brins pour que la plante continue d’avoir la pêche), et y a plein d’edelweiss aussi. La descente avec le câble cassé passe bien sans rappel, y a juste un peu de désescalade mais tranquille comparé à ce d’où on vient.

Matos : 2 x 60m corde à double (2e brin juste utile pour les rappels sur la traversée de la Meije), 6 friends de bleu à jaune (+1 vert trouvé en route), 8 dégaines, 6 sangles, 4 broches, un piolet gully chacun. C’était nickel comme ça, en tout cas faut pas moins de friends.

On a pas mal utilisé ce compte-rendu-ci – merci les gars !

 

Itinéraire publié sur Camp2Camp.org