Rando-packraft de nuit sous la neige à La Roche

Finalement, c’est la « météo de Nicolard », « la météo Denis Collard » ou « la météo de Nico Lard » ? Personnellement je me suis toujours amusé à penser que c’était la troisième proposition. Le mec il s’appelle Nico Lard quand même… C’est comme ça que tout a commencé.

Bref. “Nico Lard” répète toutes les heures depuis ce matin qu’il va neiger en soirée sur les hauteurs, mais que dès demain tout fond. Nous sommes le vendredi 10 décembre, les Ardennes vont bientôt se couvrir d’un beau manteau blanc, il ne faut plus perdre de temps c’est pour ce soir.

Je prépare mon sac : un premier duvet en plume, un deuxième pour mettre par dessus, une pomme, une bière et des pâtes feront l’affaire pour ce petit trip improvisé. Comme il reste de la place dans mon sac de 45 litres, j’y glisse mon packraft. Eh oui. Je glisse un bateau dans un sac où il y a déjà de quoi dormir au chaud et manger. C’est probablement l’une des premières définition de la liberté : moins de 10 kilos sur le dos, et l’aventure à pied et sur les flots s’offre à vous.

1h de route, ça suffit pour vivre une aventure

Le plan est simple : je pars après le boulot direction La Roche en Ardennes. J’ai là bas un très très bon plan : une cabane assez rustique perdue dans un coin secret à deux pas de l’Ourthe (que certains du Capexpe on déjà eu la chance de voir). J’y dormirai ce soir, mais avant cela je compte bien profiter du décors de nuit.

20h, j’arrive à Bérismenil, au hasard. Je n’ai à ce moment là aucune idée du trajet qui m’attend, je calcule la distance au pif. Plus tard en regardant sur une carte j’apprendrai que j’étais parti pour une dizaine de kilomètre, pas de quoi casser trois pattes à un canard.

Je gare la voiture à l’église, et pars comme une flèche à travers la campagne enneigée. Tout est si blanc autour de moi que j’ai l’impression de faire du sur place : le paysage ne semble pas bouger alors que j’avance, je suis dans un désert blanc, sans repères, de nuit.

Après deux kilomètres, je m’aperçois que je me suis trompé : là je me dirige vers les départs de parapentes, donc vers Maboge, donc je m’éloigne… ça m’apprendra à me précipiter, mais j’étais trop impatient que pour ne pas faire de bourde.

Je reviens donc sur mes pas. Je repasse devant la voiture. Un petit ange me dit « prend la voiture pour aller te garer un peu plus loin il est déjà tard c’est dangereux il neige », mais il est vite piqué aux fesses par un petit diable qui enchaîne avec un : « fais pas ton fragile, t’as peur de marcher de nuit ou quoi ah ouais ah ouais ? ».

Je laisse donc la voiture derrière moi et continue la route. Cette erreur m’aura fait perdre environ 4 km mais je m’en fous, je profite du silence, du froid vivifiant et des petits flocons de neige dure qui se fracassent sur ma rétine faisant cligner mes paupières en permanence. J’éteins ma frontale pour mieux profiter de l’ambiance, c’est magique.

L’itinéraire choisi part de Nadrin, descend jusqu’au rocher du Hérou, puis jusqu’à l’Ourthe le long de laquelle je remonte pour atteindre le barrage de Nisramont. Arrivé au niveau du rocher il faut faire gaffe car le chemin est en pente, et couvert de neige. Vision fantastique : les branches se sont pliées vers le milieu du chemin comme autant de mains aux doigts glacés qui me frôlent.

J’arrive bien vite le long de l’Ourthe. Le courant a l’air “correK” pour une fois, et je ressens le débit de l’eau qui défile. J’ai une bonne cadence et vu la faible visibilité à cause de la neige qui me tombe dans la figure, je ne m’aperçois pas toujours que le chemin a été absorbé par la rivière : je me retrouve à marcher dans l’eau, comme si j’allais me baigner.

Première frayeur : un gros poisson m’éclabousse en se tortillant dans tous les sens. Le pauvre, il devait dormir tranquille dans sa flaque lorsqu’un gros spot lumineux est venu le réveiller. Il y a un côté flippant quand même à marcher si près de l’Ourthe de nuit. Ça réveille tous les fantasmes de monstres marins, moi qui n’aime pas trop la flotte parce qu’on ne sait jamais ce qu’il y a dedans… j’imagine plein de choses.

Et PAF ! En plein délire paranoïaque, un énorme PLOF à un mètre de moi. Comme si on avait jeté un pneu dans l’eau. Et ce n’est pas un poisson. C’est quelque chose qui a plongé, quelque chose de bien plus gros. Je balaye l’eau avec ma frontale, et localise l’affaire : un énorme castor ! Il est là, à faire semblant d’être un tronc d’arbre qui flotte… Eh l’ami, je t’ai grillé. Des castors, j’en verrai d’autres tout du long.

Trouve le castor sur cette photo et gagne un magnifique chapeau de gland pour faire un sifflet !

Après un chemin très foireux et assez pénible sur la fin le long de la rivière, j’atteins le barrage de Nisramont. De là, je dois crapahuter encore sur les berges du lac, le long du circuit « tour du lac » qui est magnifique. Je fais de belles rencontres : des dizaines de petits yeux reflètent le faisceau de ma frontale, ce sont des biches, des chevreuils, des cerfs, des crocodiles ou des cracoucass je ne saurai jamais.

Je quitte le chemin « tour du lac » pour remonter dans le bois où m’attendent des genêts tout pliés, pleins de neige. C’est la guerre pour passer. Mais quelques minutes plus tard j’atteins la cabane : bien planquée dans les bois, près d’une source, 15 mètres carrés avec un poêle, une cuisinière et un lit de camp : tout pour être heureux, il est 23h.

Je savoure une soirée en solitaire au coin du feu, j’observe le silence, et je m’endors en slip à moitié hors du sac, je n’aurais pas dû bourrer autant ce poêle.

Réveil à 8h je pense. Un peu rude tout de même puisque je suis trempé : la condensation, ma transpiration dans les sacs… mouillé à l’intérieur, plus ou moins sec à l’extérieur. Pas très agréable, mais j’avais tout prévu : je craque une allumette et le feu reprend de plus belle. Je savoure une mega grasse mat de compétition jusqu’à quasi 10h à 30 cm d’une bonne flambée, pendant que dehors tout est froid, humide et blanc.

Il est temps de redescendre vers l’Ourthe pour la cerise sur le gâteau, le moment que j’attends le plus : le packraft sur une rivière dont le débit ne cesse d’augmenter avec la neige qui fond. Une rivière rien que pour moi de surcroît, le pied !

J’arrive sur la berge, départ un peu plus loin que le barrage, je déroule mon packraft, cette beauté de petit bateau qui dégage des phéromones de liberté, je suis comme un fou. Je regarde la rivière pendant que je gonfle la merveille, hâte d’embarquer pour 2h de descente à travers les décors somptueux du Hérou !

Une minute avant le drame.

Je presse une dernière fois mon sac de gonflage pour insuffler une dernière flopée d’air, avant de placer le bouchon et de finir le reste à la bouche. Le bouchon…

Mais…

Il est où ce bouchon !?

Et oui…

Pas de bouchon mec.

Tout ça pour ça…

Je partais pour faire du packraft, me voici bon pour me retaper 2-3h de marche. Comme quoi, même quand on fuit loin de la circulation, on n’est jamais à l’abri d’un problème de bouchons.