Avant l’ouverture des refuges une découverte sous tente et avec Pulka au nord d’Abisko

__Intro__

Une conférence du CapExpe a eu lieu fin Octobre 2021, et Dom y était évidemment présent. En arrivant sur place, il m’a demandé de venir le voir à la fin de l’événement. J’avais au début une petite appréhension en me demandant si j’avais fait une connerie ou un truc du genre. Mais en allant le voir, il m’a dit : “Ok Victor, j’ai un truc à te proposer : tu arrêtes les cours pendant une semaine en Février, tu prends 2 potes avec toi, et on part en Laponie !”.

Il m’a semblé naturel de proposer à William et Twan de m’accompagner dans cette aventure. J’ai rencontré William l’année précédente au Kap Azimut. Depuis nous avons été coloc et partenaire pour différentes aventures. Nous avons déjà fait de la grande voie dans les Vosges ensemble, et plusieurs fois de longues distances à vélo(Le verre Duvel et la mini Belgium sur Strava). Twan je le connais depuis le lycée, on a tous les deux débarqué sur Bruxelles pour faire Ingénieur Industriel et nous avons fini colloc dans le même kot à projet avec William. Ca faisait déjà un moment qu’il me parlait de la Laponie, je ne pouvais pas partir sans lui.

 

__Jour 1__

Une gare avant d’arriver à la destination finale, on prend Dom à bord avec le matos commun, dont une pulka. La pulka, c’est une luge/traîneau où l’on peut y mettre beaucoup de matos qu’on ne mettra pas dans les sacs. Dans notre cas, ce sera la tente, les réchauds à essence (qui font le même bruit qu’un réacteur), beaucoup de nourriture, et différents accessoires. Mais en portant son poids avec William pour la mettre dans le train, on s’est vite rendu compte que ce ne sera pas tâche facile de la tirer. Dom avait aussi avec lui les paires de skis/bâtons.

Une fois arrivé sur place vers midi, le temps est venu de chausser les skis et de se mettre en route. Dom se propose pour tirer la pulka en premier, il venait de neiger, on devait tirer la pulka dans de la peuf qui arrivait mi tibia, ce qui n’était pas si évident que ça. Dom n’avait pas non plus l’habitude d’utiliser une pulka. On s’est adapté et on a commencé à trouver des solutions ensembles pour mieux avancer; On mettait deux personnes devant pour damer la neige et avoir moins de résistances, on a essayé de fixer des cordes et avoir deux tireurs en plus en mode chien de traineau..

On a fini la journée avec 7km dans les pattes. Je suis complètement rincé alors que je n’ai même pas tirer la pulka. Le grand froid, la fatigue, les quelques rafales de vent et l’obscurité qui approche font qu’on peut ressentir une tension dans l’air. C’est la première fois qu’on monte la tente dans des conditions pareilles. On finit par monter la tente en suivant les indications de Dom. Dans ces conditions, c’est comme si on avait oublié tout notre bon sens et débrouillardise. Tout est nouveau pour nous, on a aucuns réflexes, aucune habitude, c’est comme si nous devions réapprendre à vivre. Dom fait la majorité du travail en montant la tente, enfonçant les skis dans la neige pour en faire des sardines, prépare le sac à neige Ikéa, pour ensuite plonger dans la tente et préparer la cuisine. Préparer la cuisine consiste à manier le réacteur à essence sans enflammer la tente, faire fondre la neige petit à petit du sac Ikéa, faire énormément d’eau pour les gourdes, le thé, la soupe, réhydrater la sauce, les pâtes, et re-remplir les gourdes.

Le matin pour le déjeuner on faisait une fois du porridge, une fois du muesli, une fois des petits déjeuner. On utilisait du lait en poudre en guise de boisson. On profitait de ce moment pour distribuer à chacun les snacks de la journée. à midi on mangeait des cracottes Suédoises avec du maredsous double crème ou du peanut butter. Le soir on avait du comté, du parmesan, le reste de nos snacks, et  ½ tablettes de chocolat par personne en dessert. On ajoutait du beurre dans notre soupe et nos pâtes pour regagner un maximum d’énergie. On mangeait tout ça dans des bols au design très pratique. Malgré avoir mangé à me faire péter le bide tous les jours, j’ai réussi à perdre 3kg sur la semaine.

 

__ Jour 4__

Contrairement à mes compagnons, j’ai su reprendre des forces les jours précédents. Aujourd’hui c’est journée chill sans sacs ni pulka, le plan est de faire une reconnaissance pour le lendemain. Une grosse montée à des passages à plus de 20% nous attend, nous devons aller voir si l’état de la neige est suffisamment correct pour pouvoir monter la pulka. Malgré la neige qui n’était pas dans les meilleures conditions, nous sommes parvenus à monter le col sans trop de soucis. La récompense était là, petite pause s’impose avec thé, soupe au beurre et snacks devant un paysage à nouveau magnifique. Des glaciers magnifiques en forme de ballon remplissent le paysage. Une fois la pause finie, l’objectif est maintenant de retourner à la tente sans tarder. Au plus vite, au mieux, Twan est vraiment mal et on aimerait réquisitionner l’abri vent sur place. Dom a profité de la pente du retour pour nous donner un cours de télémark. Ayant des skis nordiques, des chaussures molles et les talons détachés, c’est jamais évident de descendre des pentes enneigées avec grâce.

Une fois arrivé au campement, nous avons commencé par démonter la tente, pour ensuite  nous installer dans l’abri, couper du bois, et faire fondre de la neige sur le poêle. La neige prend une plombe à fondre par rapport au réchaud à essence. En plus de faire fondre notre eau on a fondu celle d’un couple tchèque qui est arrivé un peu après, ils s’étaient installés dans la réserve à bois. Pendant les préparations, Twan s’étendu sur une des couchettes disponibles et commença à trembler de froid. Quand le soleil s’est couché et que la nuit est tombée, un ciel rempli d’étoiles accompagné d’aurores boréales et d’étoiles filantes apparut. Encore une fois, la Laponie nous offrit un paysage à couper le souffle mais toujours très froid. Donc on le contempla par tranche de 5 min avant de retourner près du poêle à bois. Lors des journées les plus froides, les gourdes gelaient petit à petit, on avait d’abord de la granita pour ensuite n’avoir plus qu’un gros glaçon. Il fallait d’ailleurs faire attention à ne jamais forcer le pas de vis et risquer de l’abîmer, mais il fallait plutôt réchauffer le pas de vis pour ensuite l’ouvrir. La nuit fut agitée, le Tchècque s’est réfugié chez nous vers 23h en ayant très froid, en état de panique, et avec un problème de matelas. On comprenait à peine ce qu’il bredouillait mais assez que pour pouvoir l’aider et lui prêter un de nos matelas. On apprit le lendemain qu’il avait cassé le sien en forçant sur la pipette qui avait gelée.

 

__ Jour 5__

Réveil 6h départ 7h30, je me sentais bien donc j’ai été le premier à tirer la pulka. N’ayant pas encore eu bcp d’expérience avec la pulka, j’ai décidé de mettre mon sac à dos sur celle-ci, pour peut-être me sentir plus léger. Grave erreur, cette luge devenue trop lourde pour les amortisseurs, se transforma en un vrai marteau piqueur pour les épaules. Si je me serais arrêté pour remettre les choses en ordre, j’aurais perdu trop de temps pour moi et pour l’équipe. Je préfère toujours être un peu plus lent que de m’arrêter. Alors j’avance. j’ai dépassé les autres sans m’arrêter au pied de la montée. Pendant qu’il collait leurs peaux de phoques à leurs skis, j’ai directement attaqué le mur. la machine était lancée, j’avançais sans me retourner, j’étais en mode El Tractor! Lorsque les pourcentages ont commencé à être trop importants, la pulka s’est renversée. Je ne pouvais plus continuer comme ça, alors j’ai abandonné mon sac en pensant que j’irai le chercher après avoir déposé la pulka au sommet. J’étais de nouveau en mode El Tractor! Les conversions ne sont jamais faciles avec une luge qui te colle au train. Évidemment les autres ont su me rattraper mais je gardais un bon rythme, et à ma belle surprise, William portait un sac en plus sur son torse (le mien). En arrivant au-dessus du mur. On arriva sur un plateau complètement exposé au vent. William prit le relai et commença à tirer la luge. Pour moi, j’avais fait mon taff pour la journée et je n’aurai plus à tirer cette masse encombrante. Au plus on avance, au plus la vitesse du vent devenu importante. Dom trace à l’avant, nous on essaie de garder ses talons en vue. Nous sommes complètement exposés aux éléments, nous commençons à fatiguer mais aucun abri nous permet de nous poser 2 minutes, c’est une lutte contre le vent qui ne s’arrêtera pas tant que nous arrivons au bout. Je commence à ne plus sentir mes doigts mais je ne veux pas m’arrêter. Si je m’arrêtes pour rechercher des couches dans le sac, je prendrais le risque de me refroidir très vite et de perdre mes affaires dans le vent. ça ne me semble pas être la meilleure des idées. Après plusieurs heures de lutte, nous atteignons la deuxième côte de la journée. La pulka commence à ne plus avancer assez vite. En voyant l’état de Twan, William et Dom, je propose à William de reprendre la pulka. William est vidé, et cette fois-ci, il ne saura plus prendre mon sac. J’attaque la montée. la neige est pour la plus grande partie verglacée, les carres sur mes skis sont inexistants, mes skis n’accroche pas la pente, le vent est toujours bien présent, la pulka me cisaille les épaules et ne veut que se renverser dans la pente, je dois faire des conversions de 4 mètres de rayons, mon sac ballotte dans tous les sens, je transpire comme un boeuf, je ne sens plus mes doigts, les verres de mes lunettes sont embués et gèles, je ne vois quasi plus rien, et toute cette situation commence à m’énerver. J’avance. Lentement mais sûrement. Je me dis que je n’ai qu’à mettre un ski devant l’autre, et j’arriverai bien au sommet. Je ne vois plus les autres, ils sont déjà bien devant. La pulka manque à plusieurs reprises de se renverser. J’avance, mes skis glissent, je commence à gueuler et à m’énerver tout seul. Les injures volent. Je me sens oppressé par toutes ces couches, cette chaleur, ces sangles, ces bretelles, le poids du sac, le poids de la pulka, ces lunettes de merde. Je décide de m’arrêter pour me calmer, respirer un coup, manger un bout, et retirer mes lunettes pour repartir au front. C’est toujours aussi horrible et interminable, mais je continue d’avancer. La pente commence à s’adoucir et je peux voir au-dessus de l’horizon 3 petites têtes qui m’attendent. Ça me rassure, je vois que je suis presque au bout. Mais ce n’est toujours pas fini, il faut continuer de mettre un ski devant l’autre. Je vois que les 3 têtes commencent à bouger et disparaissent petit à petit. Non mais c’est une blague?! Là, j’ai vraiment la haine. J’ai juste envie de lâcher ce traineau, le voir dévaler toute la pente, et qui se démerde pour le remonter! je m’en fou je peux dormir sans tentes! Je fais tout le sale boulot et ils ne sont même pas capable de m’attendre!! J’arrive finalement au sommet, je me dis que je n’adresserai plus la parole à ses couillons. J’ammène la pulka à leur niveau, retire mon sac,et le harnais pour me laisser tomber dans la neige. Vidé, je me promet de ne plus toucher cette pulka de la journée.

On reprend des forces avec quelques cacahuètes et gorgées de soupe chaude. Nous devons encore descendre une longue pente jusqu’au refuge. Cette fois-ci, c’est Dom qui prend le relais. A la vue des skis plantés devant la porte du refuge, on s’imagine déjà devoir monter la tente. Après quelques phrases d’échange en Anglais approximatif, on se rend vite compte de notre rapprochement avec Bruxelles, Louvain la neuve, et finalement Cap Expé! La grosse surprise! Des Belges se retrouvent par hasard dans un refuge en hors saison en plein milieu de la Laponie. On finira la journée autour d’un bon bout de chocolat et d’une goutte de génépi.