En stop jusqu’au fin fond de l’Asie centrale !
Cette aventure est un peu folle peut être, c’est en tout cas ce que voulait me faire croire cette policière kosovar hier soir, au milieu du blizzard blanc de Mitrovice.
Qui est le plus fou d’entre nous ? J’ai l’impression d’en croiser tous les jours des fous, selon vos critères madame… Le plus fou, c’est peut-être Julio, qui croise le regard d’un touriste perdu en quête d’un supermarché dans les rues de Vérone, et l’invite au restaurant du coin pour un brin de causette avec les mains. Ou peut-être Max, l’italien dans son look, ses manières et ses appels téléphoniques à la mama qui passe sa vie au travail, termine ses journées et commence ses nuits au bar ; Max qui accueille dans son appartement un clochard qui l’aborde sur le bord de l’autoroute pour faire un bout de chemin avec lui ? Ou plutôt Jozica, slovène à la cinquantaine que je croise en pleine montagne dans son jogging quotidien, elle qui ne parle pas un mot d’anglais mais qui m’emmène à la rencontre de sa famille… branle-bas de combat pour préparer mon lit, aspirer ma chambre et me préparer un repas dont je me souviendrai, pour moi, le voyageur dont les chaussettes sentent déjà l’aventure… Non, le plus fou ce n’est pas moi, ce sont plutôt ces policiers croates qui s’arrêtent pour contrôler l’identité de cet étranger louche en pull de laine ; ne trouvant pas de drogues dans son sac et partageant le même enthousiasme pour Romelu Lukaku, s’autorisent à l’emmener jusqu’à la frontière du Monténégro. Ils sont fous ces flics, mais pas plus fous que Souma, ce Serbe obsédé sexuel avec qui je marche 3 bornes sous la neige sans que je puisse lui dire à un seul instant que je ne m’intéresse que moyennement à ses exploits “amoureux”. Non madame la policière, je ne suis pas fou, les fous sont ceux-là, ceux qui m’ouvrent leurs portes, ceux qui ne se soucient guère de la saleté que mes bottines crottees pourraient laisser sur leur tapis, et cette folie là, elle est bien belle :).
Madame la policière me rend mon passeport et m’annonce d’une voix certaine : “vous êtes libre.” Je sais madame, je ne me suis jamais senti aussi libre dans ma vie que depuis 20 jours, mais c’est vrai que ça fait toujours du bien à entendre. En quittant le commissariat, je vais dire au revoir à ce nouvel ami qui m’avait interrogé 2 heures durant sur les raisons de ma présence au kosovo. Du haut de son képi, il avait terminé par me lancer : “et comment fait-on pour rentrer dans votre pays?” Je le regarde incrédule. “Ben oui, il faut une invitation pour nous, kosovar…” Je comprends enfin tout le sens de cette discussion avec Monsieur. Il aimerait prendre quelques vacances avec Madame à Bruges. Nous concluons un marché : “Monsieur, tu m’amènes à la gare des bus pour que j’y passe la nuit, et je te fais entrer en Belgique.” Marché conclus.
Je ne dors finalement pas dans la gare des bus, mais dans la maison d’un albanais rencontré au kebab d’à côté. Comme chaque nuit d’ailleurs. Je n’ai pas encore utilisé ma tente. Je suis accueilli là où j’ose frapper à la porte, pour dormir comme pour manger. Comme cette famille en Croatie qui me prépare des spaghetti au pâté pour chat… mélangés aux cristaux de fumée qui s’amassaient dans mon assiette au fur et à mesure que le père, le fils et le saint-esprit consummaient leurs machines à cancer, l’air saturant… cigarettes que tout le monde ici d’ailleurs consomme sans modération. (Le côté croquant rajoutait vraiment quelque chose au pâté…)
Mais voilà, je ne peux pas tout raconter, et j’ai même peur de ne pas pouvoir tout retenir. Je passe aujourd’hui mon premier fuseau horaire. Chaque jour est une surprise de plus en plus grande. Surtout dans ces pays dont une réalité secouée par les guerres et conflits sans fin a laissé, laisse, et laissera des traces sur les visages, des slogans sur les murs, des convois militaires dans les rues… J’apprends, je vois, je rencontre ! 🙂
Mon voyage a pris des tournures de trip architectural et spirituel ! Je m’émerveille devant chaque église, chaque mosquée, comme sur cette photo où Meritah me montre que dans son village, les deux sont bâties sur le même terrain… Quelqu’un doute encore de notre capacité à vivre ensemble ? Moi plus, merci cher ami kosovar 🙂
Je vous embrasse et vous dis “bon vent”, et c’est bien cette expression qui m’a valu l’inspiration de Marlene, cette permanente de taize, pour baptiser mon aventure “La route du vent”…
Bons baisers de Macédoine, pays de la fausse architecture (mais ça, je vous raconterai plus tard…)