Découverte du Big Wall dans le Yosémite

Partie précédente du récit

HaulbagLa fin de la journée est consacrée à la préparation du lendemain… l’objectif de la semaine approchait: notre premier big wall ! Notre choix s’était porté sur la Face Sud du Washington Column, le Big Wall réputé le plus facile (mais aussi le plus peuplé) de la vallée. Quelques courses plus tard, nous nous retrouvons à paquer notre HaulBag… on prendrait bien une bière ou deux non ? Allez, oui… par contre le PQ, ca va faire trop lourd non ? Hum… prenons le aussi, on sait jamais. Puis arrive le moment de décider de l’heure du réveil: étant donné que la voie semble être prise d’assaut, nous décidons de jouer le coup sur un départ matinal: heure du réveil 4h10 ! Avec pour objectif de quitter le parking vers 5h aux premières lueurs (remarquez en passant que jamais cela me passerait par la tête de me lever si tôt dans la vie courante).

 

 

Départ...Le lever est rude… très rude… le démarage de la marche d’approche aussi! Le haulbag est lourd, très lourd… beaucoup trop lourd en fait! Après 1h30 de marche d’approche interminable et qui nous aura demandé une énergie considérable, nous nous retrouvons au pied de la voie et victoire: on est les premiers!! On prend le temps de récupérer, de s’équiper et puis c’est partie pour la premiere longueur.

Un rapide tirage au sort par courte paille me désigne comme premier leader pour cette voie. J’attaque donc la première longueur que je décide de passer en libre! Arrive le moment fatidique du haulage du sac, on va voir si nos soirées de recherche d’infos sur internet ont servies à quelque chose… la corde du sac se tend… Bernard en bas à cette curieuse impression que ce sac ne décollera jamais! Et puis c’est parti: je mets tout mon poids en contrepoids du sac et celui-ci s’élève! La longueur étant en dalle, le frottement est très important et je dois mettre plus que mon poids plume pour faire monter le sac… conclusion même faire monter le sac peut être fatiguant! La seconde longueur est une longueur d’artif à laquelle je me suis frottée. La longueur suivante étant du libre et ayant été grimpée par Benard.

 

 

Washington Column L2

Aurélien dans la L2 de Washington Column

 

Washington Column L3

Bernard dans la L3 de Washington Column

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LunchNous nous retrouvons plutot rapidement sur la vire qui nous servira d’hôtel pour le soir. La vire est très large et très confortable et elle peut accueillir 6 personnes. Les sacs des gens qui ont dormi là la veille sont nombreux… et de fait, on distingue pas moins de 3 cordées un peu plus haut dans la voie. On décide d’installer notre sac pour le soir et puis de prendre un peu le soleil sans se stresser (ce qui ne sert à rien vu que ca a l’air d’être l’embouteillage devant). On prendra le luxe de faire une petite sieste au soleil, de manger un copieux repas, de lire un peu… Puis une première cordée redescend: verdict: il y a trop de vent et la cordée de devant n’avance pas assez vite, on abandonne et on va boire des verres dans la vallée! Nous commencons à nous rééquiper, notre objectif étant de grimper et de fixer encore 2 longueurs au moins avant la nuit.

 

 

 

 

Sieste

Au moment de redémarrer, une seconde cordée redescend… verdict: trop de vent et ils sont trop lents, ils ne veulent pas finir dans le noir et abandonnent!

Washington Column L4Bernard démarre dans une longueur d’artif qui franchit un toit impressionant. Si sur la vire, la température était fort chaude, une fois que Bernard prend un peu d’altitude, il se retrouve exposé au fameux vent… et de fait, ca souffle! Dans le toit, les étriers se retrouvent à l’horizontale! Ca devient même difficile de communiquer… La longueur traverse ensuite sur la droite dans une grosse fissure! Un bon 50 mètres de long, une longueur longue et exténuante: environ une heure et demi dans la longueur! Je le rejoins et déséquippe la longueur tant bien que mal, me prenant pendule sur pendule dans la traversée!

Puis c’est à mon tour de devoir gérer la longueur suivante… Un petit toit qui passe sur spits, puis 2-3 placements où il a fallu monter très très haut sur l’étrier pour atteindre le placement suivant… on sent la difficulté qui monte! Mais ca passe ! Ensuite, un petit pendule pour rejoindre une petite vire où je peux récuperer une minute. Ensuite, je suis parti pour une longue traversée en dièdre… je ne vois plus ni n’entends plus mon assureur, le vent souffle à plein tubes… on se sent petit, tout petit! Ambiance, ambiance! Et surtout: rester fort dans sa tête! La fissure que je suis devient verticale et devient toute petite, je sors les petits offset… je continue à avancer! J’ai l’impression que je suis parti depuis une éternité et d’avoir grimpé une longueur énorme! Mais toujours pas de vue du relais! Je commence à me demander si j’ai suivi la bonne ligne, le stress monte d’un cran! Ca me semblait assez logique pourtant. Ensuite arrive le choc: plus de place pour mettre la pièce suivante… la fissure s’est rebouchée complètement! Je me souviens que de fait dans le topo, il est question d’un pas en libre… c’est ptet ca! Ya un léger bombée sur la droite, je suppose (et espère de tout coeur) que le relais se trouve là derrière! Je retire mes chaussures et sort les chaussons… je prends ma respiration! Impossible de prévenir mon assureur que je repars en libre… le vent souffle tellement fort que je suis déséquilibré… bon allez, on se prend en main et c’est parti: je quitte mon étrier et commence à traverser sur la droite. L’escalade n’est pas extrême en soi (assez jolie meme) mais le vent, le froid, le tirage et le stress rende la situation difficile et … je sers les prises comme rarement je les aurai serrées! Je franchis le pas et à mon énorme joie, le relais est là! Il était temps, il ne me restait plus qu’un coinceur… une heure trente de grimpe aussi… je me sens juste mauvais! Bernard me rejoint après avoir galéré à retirer quelques pièces que je n’ai pas idéalement placées. La suite consistera à installer 2 cordes fixes qui nous permettront de remonter jusque là le lendemain et à redescendre sur la vire!

Conclusion: si les 3 premières longueurs nous ont parues très faciles, les 2 suivantes nous ont réservé leur lot d’émotions et de difficultés et nous ont ramené les pieds sur terre! Sur la vire, on se payera le luxe de prendre un apéro… bières et cacahouètes en observant le coucher de soleil sur la vallée et sur le Half Dome! Peu de temps après la dernière cordée qui était dans le haut de la voie nous rejoint: ils sont sortis mais n’auront pas le temps de rejoindre la vallée ce soir, ils dormiront un jour de plus que prévu sur la vire!

Half Dome

 

RepasOn attaque le repas: raviolis en conserve! C’est juste parfait après une journée comme celle-là! Puis on s’installe pr dormir, ya assez de place… pas de soucis! Puis tout d’un coup on pense entendre une voie qui vient du bas… On est surpris… et puis un grimpeur surgit du bas de la voie! Il est 22h, il fait complètement noir et une cordée vient nous rejoindre! Il reste heureusement encore de la place sur la vire. Le grimpeur de tête est tout blanc: il ne pensait pas sortir dans le noir et il vient de se prendre 3 vols dans la longueur qui précédait la vire! Nous nous endormons rapidement sous une nuit magnifiquement étoilée avec le Half Dome en toile de fond et quelques lumières qui brillent dans la vallé. Que demander de plus ?

La nuit fut relativement bonne et nous nous réveillons par un soleil magnifique! Le vent ayant l’air d’avoir stoppé! Splendide! Le ptit dej est englouti, le sac est paqué, il restera sur la vire pendant que nous terminons l’ascension. Ensuite commence la remontée sur corde des 2 longueurs que nous avons fixées la veille. Remontée sur corde en fil d’arraignée tout d’abord… remontée sur corde au grigri. Très rapidement, nous nous rendons compte que la technique du grigri n’est pas adaptée du tout a ce genre de remontée et nous demande une consommation en énergie très importante… très très importante, trop importante! Nous nous jurons d’investir chacun dans un second ascendeur. Nous finissons par atteindre le relais complètement exténué et là… une mauvaise surprise nous attend: le vent a recommencé à souffler de façon très importante. Evidemment, vu la chaleur et’absence de vent au matin sur la vire, nous avons laissé nos vestes dans le sac, sur la vire… erreur de débutants que nous allons regretter amèrement! La courte-paille m’a désignée pour attaquer la première longueur ce matin-là: une longue longueur en artif qui suit une toute petite fissure dans un mur parfaitement vertical. Avant de démarrer, je suis déjà certain d’une chose: je n’aurai pas assez de friends pour faire la longueur, va falloir bidouiller.

C’est parti, les premiers mouvements s’enchainent pas trop mal et je prends de l’altitude. Le gaz est maximal et le vent souffle maintenant à plein tube. En grimpant, je suis déjà gelé, je n’ose même pas imaginer Bernard qui m’assure en bas… Le froid rend certains de mes mouvements très imprécis… surtout rester concentré et ne pas laisser le moral descendre, concentré sur la grimpe: placer la pièce, l’étrier, tester la pièce et monter dessus le plus haut possible. Ne pas trainer… Je parviens au milieu de la longueur où un pas en libre m’attend. J’hésite à retirer mes chaussures et à enfiler les chaussons… mais finalement dans un but d’efficacité je décide de tenter le pas en bottines! Je quitte mes étriers et c’est parti pour quelques mètres à serrer les prises de façon démesurée! Ca passe tout en force… tout dans les bras! Exactement de la facon dont on explique au débutant comment ne pas grimper! Mais c’est passé. Apres ce mouvement, un relais intermédiaire. J’hésite à faire monter Bernard histoire de me reposer et récupérer… mais très vite le moral revient: les relais intermédiaires, c’est pour les faibles! Je redescends dans ma longueur récupérer quelques coinceurs histoire d’avoir assez de matériel pour continuer et je me lance dans la seconde partie de la longueur! En tous points identiques à la première partie à une exception près: je ne vois plus mon assureur, je suis donc à nouveau seul au monde sur cette face! Mon esprit est uniquement concentré sur la vire qui se trouve au-dessus de moi et où se trouve le relais (du moins, je pensais): plus que 10 mètres, 5, 3… et hops me voilà rétabli sur cette vire: yes! Et là… petite surprise: le relais n’est pas là! Cette maudite fissure se prolonge encore une dizaine de mètres encore et le relais se trouve là-haut. Bon… on récupère ses esprits… on fait le compte du matos qui reste pour finir la longueur (pas grand chose) et puis c’est reparti pour la section finale. Et j’y suis! Ouf! Enfin! 1h30 de grimpe pour un gros 50 mètres de fissure verticale! Peut mieux faire! Bernard me rejoint, il est tout bleu et claque des dents, on dirait qu’il joue des castagnettes! Quelle erreur de n’être équippé que de T-shirts…

La longueur suivante est pour Bernard. Un départ dans une fissure assez large qu’il grimpe en mi-libre mi-artif: très efficace et très rapide! J’apprécie particulièrement vu que je commence déjà à ressentir les effets du vent au relais… La suite de la longueur passe en libre, ca devrait aller plus vite encore! Tout d’abord quelques mètres de traversée sur la droite et puis une quinzaine de mètres en cheminée! La cheminée: notre bête noire parmi tous les styles de grimpe! Il s’agit de fissures tellement larges que le grimpeur entre complètement dedans et grimpe en opposition entre les deux parois en coincant son corps en entier. Un sport en soi. Je ne vois plus Bernou mais j’ai directement su le moment où il est entré dans la cheminée: tout d’un coup la corde n’avance plus… Je sais qu’il doit lutter dans la cheminée et que chaque mouvement doit lui demander un investissement certain… Je mets toutes mes pensées positives vers lui… le seul encouragement que je puisse faire!! Allez, avance, vas-y, ne traine pas! Mes doigts sont frigorifiés, je tente de les réchauffer tant bien que mal avec la chaleur que produit certaines parties de mon corps. Ah la corde avance un peu… puis encore un peu… Je commence à penser qu’on ne va pas pouvoir continuer à lutter contre le froid très longtemps et envisage la possibilité de battre en retraite! Puis tout d’un coup, Bernard a atteint le relais ! Je ne me fais pas prier et commence à nettoyer la longueur très rapidement. Lorsque je le rejoins au relais, une surprise de taille m’attend: le relais est dans la cheminée et est complètement à l’abris du vent! Youpie! Cela permet de se réchauffer avant d’attaquer les trois dernières longueurs. Les trois dernières longueurs furent protégés du vent, la motivation et l’efficacité sont donc remontées en flèche et nous les avons enchainées rapidement pour atteindre le sommet de notre premier Big Wall! Youpie! Une photo sommitale pour immortaliser l’instant et puis il faut se concentrer sur la descente! La ligne de rappels se situe à un peu à droite de la voie et on la trouve sans difficultée.

Sommet

Photo sommitale de Washington Column !

Le premier rappel se passe sans encombre, à l’abris du vent! Le second rappel se termine en plein vent et vient nous rappeler le froid dans lequel nous avons évolué. Nous lancons nos cordes pour le troisième rappel… et là, la surprise: les cordes partent quasiment à l’horizontal vers la droite! Satané vent! Immédiatement, une crainte surgit pour nous: pourvu que cette corde n’aille pas se coincer là-bas tout à droite, à + l’infini… Ce serait le début des gros emmerdements! Je commence à descendre doucement… en faisant suivre la corde qui à chaque fois part de façon démesurée sur la droite! C’est pas possible, elle va finir par se coincer… La descente en rappel avance très lentement, nos cordes ayant fait un sacré paquet de noeuds… Je suis moi-même fortement déporté vers la droite… mon poids plume n’est pas suffisant pour contrer la force du vent! J’appercois mon relais… relais suspendu au milieu d’une face, pas de vire… super… je dois lutter et penduler pour l’atteindre! Ensuite, je rappatrie les cordes et passe près de 20 minutes à défaire tous les noeuds. J’installe le rappel suivant et fait ensuite descendre Bernard. C’est à mon tour d’être tout bleu et de jouer les castagnettes! Pas moyen de s’abriter sur ce maudit relais. Bernard me rejoint… vient le dur moment de tirer les cordes! Elle vient doucement, on doit se pendre de tout notre poids pour la faire venir mais elle vient! Petit stress au moment où elle passe dans le relais précédant: la corde est propulsée sur la droite et elle reste accrochée quelque part! On parvient à la faire venir (ouf!) et le rappel suivant est installé! C’est au tour de Bernard de descendre et j’ai la chance de profiter encore un peu de ce relais inconfortable en plein vent. Le rappel suivant est très très long. Je vois que Bernard est aussi déporté vers la droite! Et je sais que son relais est fort sur la gauche sous un petit toit! Tout d’un coup, il disparait de ma vue… Peu de temps après il me semble que la tension dans la corde se relâche un petit peu… j’entame donc ma descente pour rejoindre Benard! Le cinéma du relais précédent se répète (mais avec l’avantage d’un relais plus confortable!). La corde vient avec une difficulté énorme! On doit se pendre de tout notre poids pour la faire bouger! Elle finit encore une fois par se coincer quelque part mais tout se finit bien, on parvient à la récupérer! Le rappel est rapidement installé et c’est à mon tour d’avoir le privilège de quitter le relais en premier… pour rejoindre la vire où nous attend notre sac!! Bonheur! Vite, un pull et une veste! Il est 4:00 PM et nous pouvons nous poser pour apprécier un bon diner! Cette descente nous aura fait quelques frayeurs mais au final, tout est bien qui finit bien: la voie est sortie et nous sommes de retour sur la vire! La cordée qui nous suivait et qui est arrivée tard dans la nuit a déjà quitté les lieux, ils ont dû abandonner! Une nouvelle cordée est présente avec l’objectif de faire la voie dans la journée: de fait, ils sont très très efficaces, on observe et on en prend de la graine (on apprendra le soir-même qu’ils auront également abandonné à cause du vent…)!

Après un repas bien mérité, nous attaquonRappels les trois derniers rappels. Ils sont protégés du vent, donc ils ne poseront aucun problème. La nouveauté étant qu’on doit maintenant descendre avec le haulbag… on n’est pas habitué de descendre avec des kilos qui pendent entre nos jambes… S’en suit la descente à pied qui nous prendra une grosse demi-heure avant de retrouver la voiture! Ca y est, cette fois on y est! On l’a fait et tout s’est bien passé! Notre premier Big Wall a été grimpé! Avec pas mal d’enseignements à la clef, de l’expérience qui entre doucement… Définitivement, on doit être plus rapide sur les longueurs d’artif et surtout… revoir notre technique de remontée sur corde qui fait vraiment pitié!

Ce soir-là, la douche fut plus que méritée, de même que la bière (de la victoire) et l’énorme pizza que nous avons engloutie en discutant avec d’autres grimpeurs, partageant nos expériences… Inutile de préciser que ce soir-là, nous avons été dormir tôt et que la nuit fut longue!

 

La suite du récit

 

 

Washington Column

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