Partie précédente du récit

La descente est avalée sur un rythme d’enfer et nous arrivons au parking presqu’en courant (je dois avouer ici que cela fait 2 jours et demi que nous sommes partis et que la présence de toilettes au parking m’a fait accélérer le rythme sur la fin de la descente… je passerai les détails). Arrivé en bas, la surprise est le nombre impressionant de touristes!! C’est le délire (et on n’est pas au bout de nos surprises). Ceux-ci ne peuvent s’empêcher de prendre des photos de nous…. (on se sent presque des animaux) et nous assoment de questions : Vous faites réellement de l’escalade ? Ah non, là on est venu pour faire de la flute de pan et le matériel c’est pour faire des percus (en relisant mon texte, je tiens à préciser que je n’ai absolument rien contre la flute de pan :-))… Vous êtes partis à quelle heure ce matin ? Euh… il y a deux jours! Vous avez dormi là-haut alors ? Bah… oui…

Si ces questions viennent d’une certain façon flatter notre égo, on s’en passerait en fait assez bien! Cela vient un peu casser la magie des instants que nous venons de vivre! Nous venons de vivre des moments assez exceptionnels, loin de la foule, loin du train de vie que notre société tend à adopter, loin de la facilité, … Je ne suis pas certain de vouloir partager cela avec un touriste que je ne connais pas plus que cela… Oui, ce que nous avons réalisé demande de sortir un ptit peu du train train quotidien, oui, nous avons abandonné un confort bien établi… quelques jours sans lit, sans toit, sans toilettes, sans eau courante… sans rien… oui, comme dans tout sport, nous avons dû nous dépasser, parfois aller chercher dans nos réserves mentales et physiques la force d’avancer! Oui, nous nous sommes retrouvés face à des situations parfois inconfortables mentalement où nous avons été impressionné par les éléments qui nous entouraient! Oui, nous avons parfois dû lutter… Ca parait incompréhensible pour certaines personnes mais … on aime ca! Pourquoi ? Je ne sais pas… c’est en nous! Cela nous apporte énormément je pense… des moments magiques, des moments de joie et d’intense satisfactions, du bonheur d’être là tout simplement, des paysages époustouflants, et certainement encore beaucoup d’autres choses qu’il est difficile d’exprimer…

Après un passage obligé aux toilettes, c’est 5 kg plus légers que nous reprenons la voiture pour constater qu’un gigantesque embouteillage a bloqué complètement la vallée!!! On ne nous a pas mentis… le WE de memorial day, le Yosémite est saturé! Il nous faudra 2 heures pour parcourir les 10km qui nous séparent de Curry Village où une bonne douche nous attend… 2 heures bloqués dans la voiture… mais on s’en fout, on vient de réussir notre second Big Wall, on met la musique de la victoire à fond!!! A Curry Village, une douche nous attend… enfin, après 40 minutes de file! La file devant le vendeur de pizza nous dissuade de manger là! On se sent mal à l’aise dans cette horde de touristes, on ne se sent pas à notre place… Je n’ai pas besoin de le demander à Bernard, je sais qu’on va raccourcir notre séjour d’une journée et qu’on rentrera ce soir… je sais qu’il ressent la même chose que moi! Nous retournons aux voitures pour faire le tri du matériel et reprenons le chemin du camping pour aller raconter nos exploits à Dom et Victor. Ils dorment déjà… Dom sort tout de même de la tente et nous avons l’occasion et la joie de partager ce que nous avons vécu! Ce deuxième Big Wall s’est passé sans encombre… pas de vent comme pour le premier! Il nous a paru même plus facile (alors que coté un niveau au-dessus). Nous remercions Dom aussi pour nous avoir prêté du matériel qui nous aura simplifié la vie lors de l’ascension de ce second big wall.

Puis vient le moment de se décider de ce qu’on fait pour le lendemain… et là comme je m’en doutais, Bernard me dit: il y a trop de monde, on rentrerait bien ce soir, on ne va quand-même pas rester avec tout ce monde! Et moi de répondre… oui mais ce n’est pas super raisonnable de rentrer de nuit! Mais en fait, je sais qu’au fond de moi la décision est prise… on boira une dernière bière et on reprendra chacun notre voiture! Bernard partant vers le Nord pour San Francisco et moi prenant la route du Sud vers Los Angeles.

Avant de quitter le parc, je m’arrête à un point de vue, il est 10:30 PM… j’observe El Capitain et là haut, tout là haut, je vois 2 frontales qui bougent! Je pense qu’il s’agit de Camp V, un bivouac assez haut sur le Nose et je ne peux m’empêcher de sourire en imaginant les grimpeurs là-haut… c’était un peu nous la nuit précédente… et puis surtout… je me dis que un jour peut-être… peut-être… je serai là haut, dans un big wall encore plus grand, plus long que ceux grimpés cette semaine! A croire que je ne serai jamais rassasié… il faut toujours plus! Bref, le projet du Nose prend forme… et ne quittera pas mes pensées pendant les 5 heures de route qui me ramèneront chez moi! Le projet prend forme… se rapproche… qui sait si on aura le temps et l’occasion de le tenter… de le grimper… l’avenir nous l’apprendra!

Arrivé à 4h30 chez moi, retour à la vie quotidienne! Je ne peux m’empêcher de directement mettre les photos sur mon ordi et de les envoyer à Bernard! de lire mes mails que je n’avais pas ouvert pendant 10 jours… d’apprendre deux mauvaises nouvelles… retour à la réalité un peu difficile! Mais avec ce sentiment d’avoir vécu quelque chose d’hors du commun et d’assez exceptionnel durant cette semaine! Je ne me serais jamais imaginé grimper un Big Wall, une sorte de barrière psychologique me faisait dire que ce n’était pas pour moi, que c’était trop difficie, que c’était pour des gens “plus fous”, plus forts, plus expérimentés… c’est maintenant chose faite ! Au final, non, c’est accessible, c’est pour nous aussi ! Au risque de paraître “old school” et de faire de la philosophie de bas niveau, je pense que là-derrière se cache une allégorie du monde moderne: nous avons sans doute tous un ou plusieurs Big Wall dans notre vie, de projets dont on pense qu’ils ne sont pas pour nous, trop… innaccessibles! L’obstacle le plus important se situant souvent dans notre tête!

Le mardi qui suivit, retour au boulot… je recois un mail de Bernard qui a le Blues et qui passe sa journée à lire des comptes rendus de gens qui ont fait le Nose… “On retourne quand pour tenter le Nose ?” Ca y est le projet est lancé… on verra si nos emplois du temps respectifs nous laissent l’occasion d’y retourner (nous avons tous les deux d’autres “Big Walls” que ceux de la grimpe dans notre vie) mais le projet est sur la table! Il nous faudra 2-3 jours pour revenir sur terre et réapprécier les plaisirs de la vie quotidienne.

Voilà, nous sommes heureux d’avoir partagé avec vous notre expérience d’une semaine au Yosémite et  nous espérons que ce  compte rendu vous aura fait rêver voire vibrer (si tel est le cas, n’hésitez pas à laisser un commentaire sur la page de garde, çà nous fera plaisir) et qui sait… peut-être vous aura donné des idées! Cette semaine nous aura permis de nous frotter à nos premières grandes parois! Le résultat est au-delà de nos attentes et la semaine fut fantastique! Il ne me reste plus qu’à remercie Bernard de m’avoir accompagné dans cette aventure! Dans ce genre d’ascensions, la confiance est totale par rapport au compagnon de cordée! Notre cordée a bien roulé, tout s’est très bien passé! Bref, merci à lui d’avoir pu rendre ce rêve possible!

Bernard et Aurélien, juin 2013