Découverte du Big Wall dans le Yosémite
Le lendemain: réveil à 5h avec pour objectif: obtenir une place à Camp 4, un camping qui fonctionne sur le principe universellement connu du “First come, first served” et qui possède un nombre relativement limité de places. Le lendemain, nous arrivons donc vers 5h30 devant “Camp 4” pour faire la file et constater que la file est déjà longue… nous sommes en position 21 et 22… mais normalement, le dimanche matin, le camping se vide assez bien. Camp 4 est aussi le camping réputé pour les grimpeurs… c’est là que l’escalade est né dans la vallée et s’est développé! Un lieu mythique en tant que tel! Dans la file pour le camping, on voit directement que les gens sont plutot sportifs… pas de traces de l’américain typique avec un petit peu d’embonpoint (ceci étant, pour se lever à 5h pour obtenir une place, il faut déjà faire preuve d’une certaine motivation). Les gens commencent à discuter entre eux… certains en profitant pour étaler tous leurs exploits dans la vallée : “ouais, j’ai fait le Nose en 3 jours l’an passé, …”. Personnellement, je dois avouer que je suis pris dans les derniers chapitres d’un roman et que je laisse donc les gens raconter leurs exploits loin de moi!
Vers 10h, le verdict tombe: nous avons une place au camping! On peut donc décharger les voitures et s’installer et rencontrer les gens avec qui nous allions partager l’emplacement! Des américains typiques, grimpeurs… pour qui tout est “awesooooome”. Ils nous expliquent qu’ils on fait le Nose il y a pas longtemps, que c’était leur premier big wall et qu’ils n’avaient jamais fait d’artif auparavant… Bon, ils ont dû s’y prendre à 2 fois et l’ont réussi au second essai après avoir dû abandonner… à cause de la météo, pas à cause d’eux… On remarquera tout au long de la semaine que les gens ont toujours des excellentes excuses indépendantes de leur bonne volonté pour expliquer leurs échecs… la nature humaine sans doute (et très honnêtement, nous n’aurions probablement pas dérogé à la règle). Néanmoins, cela nous rassure un peu de voir que des gens s’attaquent à ce genre de “gros” projets sans expérience! Au moins, nous venons avec humilité prendre de l’expérience sur des faces un petit peu plus faciles.
Le dimanche après-midi, nous en profitons pour aller nous familiariser avec la grimpe en artif que nous ne connaissons pas. Nous nous dirigeons donc vers la base de El Cap pour grimper une première longueur d’une grande voie réputée. Première expérience en artif très intéressante: c’est beaucoup plus difficile que ce que nous nous attendions autant physiquement que mentalement! Il faut placer les coinceurs, placer l’étrier, monter dessus avec généralement une appréhension de le voir partir (et nous avec). Bref, cette courte longueur nous prendra à tous les 2 un temps démesuré! Mais l’objectif est atteint: on a découvert comment faire de l’artif, on a pris un peu d’expérience et on a déjà pas mal de pistes pour nous améliorer et être plus efficaces!
Au moment de redescendre, un hélicoptère vient trouble le calme de la vallée… après être resté quelques minutes en stationnaire juste au-dessus de El Cap (c’est-à-dire au dessus de nos têtes… quelques 800 mètres plus haut), nous le voyons redescendre vers la vallée avec quelqu’un qui pend à un filin… De retour au camping, nous apprenons qu’un grimpeur est décédé sur la face dans l’après-midi… La raison: le grimpeur de tête est monté sur un friends qui en travaillant a fait partir un bloc qui en chutant a sectionné la corde du grimpeur de tête… Celui-ci avait une seconde corde pour tirer le sac, mais (comme souvent), il s’agit d’une corde statique. Le grimpeur de tête a donc dû faire un vol de la longueur de la corde statique (soit long…). La fin du vol ayant été fatal étant donné qu’une corde statique n’absorbe pas du tout l’énergie… contrairement aux cordes dynamiques qui sont utilisées pour assurer le grimpeur. A Camp 4, les avis vont bon train… chacun essayant de voir à qui attribuer la responsabilité: devait-il vraiment utiliser une statique pour le sac ? Personnellement, je pense que ce grimpeur n’aura vraiment pas eu de chance et que cela fait malheureusement partie de la vie! Tous les jours, nous prenons tous des risques en prenant notre voiture, en sortant de chez nous, … pour moi pratiquer l’escalade est un risque parmi d’autres. Je n’ai jamais l’impression de mettre ma vie considérablement en danger. Je sais qu’il peut arriver un accident, au même titre que je pourrais avoir un accident de voiture… Bref, mes pensées étaient plutôt dirigées vers son compagnon de cordée qui a dû assister en direct à cet événement et à ses proches… Ce soir-là, on a tout de même senti que l’ambiance au camping était nettemment moins joyeuse qu’à l’accoutumée.
Le lendemain, nous planifions une seconde voie d’une journée (en ayant prévu un plan B cette fois). Arrivés au pied de la voie, nous constatons qu’une seule cordée de francais se trouve devant nous. Nous sympatisons avec eux et les suivons dans la voie. Ils grimpent sacrément bien… nous apprendrons par la suite qu’ils sont guides de haute montagne… ceci explique cela. La grimpe est plus difficile que le premier jour… tout en fissure cette fois, il a fallu batailler ferme dans ce style qui nous est tellement peu familier! Bernard aura dû notamment lutter dans une longueur de fissure à doigts magnifique…
moi-même devant enchainer par une fissure relativement large dans laquelle j’ai dû faire mes premiers coincements de poings… et dans laquelle je me serai fait quelques frayeurs étant donné que seul un type de friends ne passait dans la taille de la fissure… et qu’il a donc fallu engager. Bref, l’escalade se passe magnifiquement bien, on se fait distancer par les francais qui avancent comme des avions. Puis arrive le moment critique de la descente… une petite erreur de lecture du topo (ou de conversions des feet en mètres) fait que nous nous retrouvons avec une corde légèrement trop courte pour les rappels… suprise! surprise! mauvaise surprise! Très mauvaise surprise! Le genre de petite erreur qui peut conduire à des situations délicates à gérer! Au final, on parviendra à s’en sortir pas trop mal et à rejoindre le plancher des vaches sain et sauf sans avoir dû laisser de matériel en place. Mais la descente nous aura pris plus de temps que le montée à cause de cette légère erreur.