3 jeunes aventuriers vont affronter les vents violents des plaines de Hardangervidda. Il faudra tirer notre matériel et notre nourriture dans des pulkka ainsi que planter notre tente dans le froid absolu. De nombreuses couches thermiques ainsi que d’épais sacs de couchages nous tiendront au chaud. Nous irons en voiture, départ un jeudi soir pour 16h de trajet (hors ferry).
La vie en camping [4/9]
Je me réveille à 7h30 (ancienne heure car nous n’avons pas encore rencontré les Norvégiennes de l’épisode 7, qui nous rappelleront l’existence du changement d’heure). Robert est occupé à racler les parois intérieures de la tente avec un bol. Il récolte deux bols de givre formé par la respiration et la transpiration pendant la nuit. Ces mêmes bols servent ensuite à manger le porridge au Cérélac, notre nouveau pain quotidien. Nous profitons de ce porridge pour tester le sucre de coco, notre trouvaille du marché des tanneurs. Ça ressemble quand même fort à du sucre normal mais avec moins de goût.
Après ce charmant petit-déjeuner et une rapide vaisselle à la neige, vient le moment de passer aux toilettes. Robert et moi découvrons les techniques perfectionnées par des générations d’explorateurs, dont Grégoire est le dernier représentant: le double café, les VBL (sorte de grandes chaussettes imperméables qui permettent de sortir de la tente sans devoir mettre ses bottines de ski), les méthodes pour creuser une toilette abritée du vent et aussi confortable qu’à la maison etc.
Il ne reste plus qu’à aller pêcher de l’eau et à faire les pulkas. Le grand trou 2x2x1m dans lequel je puisais de l’eau hier a été rebouché par le vent… Je trouve cependant un nouveau puits beaucoup plus pratique, 20m plus haut sur la rivière. Avec sa douce pente d’accès à l’eau, il rend la pêche à l’eau facile et agréable. On aurait presque envie de se baigner.
Au moment du départ, il est au moins 10h30, même ancienne heure. Le vent est un peu trop fort pour kiter (ou trop faible, je ne sais plus). On démarre avec les peaux (peaux anti-retour que l’on colle sous les skis et qui permettent d’avancer comme à skis de fond). Cette marche à skis nous amuse pendant 500m, puis nous ennuie pendant 500m. Puis on s’arrête pour lancer les kites. C’est quand même plus marrant!
Il n’y a pas beaucoup de vent jusqu’à la pause de midi.
Après la pause midi, je fais ma première chute. Je découvre qu’il n’est pas si facile de se relever quand on a des skis aux pieds et un cerf-volant en mains. La méthode la plus élégante est certainement d’utiliser la traction de l’aile pour se relever, comme pour un départ de kitesurfeur. Mais pour ma part, je rampe comme une saucisse jusqu’à ma pulka pour m’appuyer dessus pour me relever. Plutôt octogénaire qui sort de sa baignoire que kitesurfeur bronzé mais bon… je suis de nouveau sur les rails.
Le vent commence à souffler un peu plus. On avance vite, sur un plateau avec des belles lumières et de la neige sculptée par le vent. On alterne les nuages, le brouillard et le soleil.
On arrive sur un grand lac. Le vent tombe. Greg nous fait revenir en arrière. Quelle galère.
“Je voulais juste voir ce qu’il y avait à droite.”
Je crois qu’il testait notre capacité à remonter au vent.
On plie les petites voiles. On met de la crème solaire. Robert a une super horloge biologique, qui sonne toutes les deux heures pour lui rappeler de changer de conducteur ou de mettre de la crème solaire, selon les circonstances. (Son horloge biologique ne détecte par contre pas les changements d’heure.) On sort les ailes de 10m². C’est assez différent. Ça tire quand même bien malgré l’absence de vent. On se (me) familiarise avec les grandes voiles pendant une petite heure. Puis on prend les pulkas et on se remet en route. Le vent redémarre lui aussi.
Après 1km sur le lac, on s’est remis à faire des bords sans s’en rendre compte. C’est tellement gai de faire du travers qu’on oublie de descendre au vent. On continue à jouer sur le lac (avec toujours ces stupides pulkas attachées à nous) jusqu’à ce qu’on décide de monter le camp. Au moment de s’arrêter, le vent devient vraiment fort et on galère tous les trois à se poser. Je fais deux tentatives de poser l’aile en douceur, qui se soldent toutes les deux par un violent redémarrage involontaire. Et je n’échappe donc pas à un petit largage de mon aile (largage de certaines lignes, qui fait que l’aile devient un grand drapeau sans aucune traction).
On monte la tente sur le lac et on met de la crème (“ce qui est important ce n’est pas la quantité, c’est la fréquence”). Greg et moi partons chercher de l’eau. Nous partons avec deux pelles et une hache pour casser la glace. J’ai oublié mon pendule dans la voiture mais je fais confiance à mon sixième sens pour nous guider vers un endroit riche en eau (on est tout de même sur un lac donc ça devrait aller). À 50m de la tente, je ressens que l’ endroit est propice.
Après deux coups de pelle, nous trouvons effectivement de l’eau, directement sous 30cm de neige, sans glace à casser. (Je vous rassure, il y a quand même une couche de glace en dessous. On ne dort pas sur de la neige qui flotte sur un lac.)
Comme il fait beau, on prépare ce que Grégoire appelle un barbecue: une soirée où on cuisine et où on mange dehors. Armés de nos pelles, nous entamons la construction d’un mur de protection, d’un espace lounge (sorte de banc avec dossier incliné), d’un espace cuisine et d’un escalier d’accès. À la fin, notre chef d’oeuvre ressemble tout de même fort à un trou.
On passe une super soirée dans notre trou mais il fait en fait assez caillant. On enfile toutes nos couches pour cette nuit qui s’annonce froide…