Transsibérien et Expédition en vélo dans l’Arkhangaï
En attendant le récit des dernières aventures de Matthias et d’Armand, je me permets ici reflexions sur ces 5 semaines mongoles.
Cinq semaines c’est long mais pas tant que cela pour digérer une des décisions professionnelles les plus difficiles que j’ai eu à prendre depuis des années. Cinq semaines en compagnie de 2 grands adolescents de respectivement 16 et 18 ans c’est aussi un beau challenge. Franchement nous avons réussi de ce côté là même si j’avais complètement oublié qu’à 16 ans tu ne penses vraiment à bouffer en permanence. En fin de compte, nous nous sommes pas mal débrouillés et nous avons tous les trois, je crois, grandi. Gaspard s’est découvert un peu plus et a vraiment pu nouer des trucs solides avec son cousin Rodolphe van Hovell. Celui-ci a encore un peu plus creusé ses peurs et la dynamique positive que cet affrontement crée chez lui. Et moi je pense que j’ai réussi à rester à ma place, aussi bien avec les deux cousins qu’avec les deux copains universitaires, tout en assumant à fond mon rôle de catalyseur. J’y ai en tous les cas puisé des tas d’envies nouvelles et je suis prêt à me relancer dans nouvelles interactions. Le vélo est une grande découverte pour moi et j’aurais bien continuer plus longtemps.
Si à trois (et à quatre avec Quentin), on a vraiment bien fonctionné, à cinq avec Armand et Matthias on ne peut pas en dire autant. Ce n’est pas qu’on se soit taper dessus car c’était même vraiment chouette ensemble mais juste que le contraste était trop grand entre la vraie communication et prise de décision commune à trois et le chacun pour soi à cinq. La chimie humaine est parfois difficile à se mettre en place. Honnêtement, je crois que combiner deux expés ainsi était un peu ambitieux. Il était vraiment difficile pour Matthias et Armand de se raccrocher à notre wagon en route, surtout sans avoir participés à l’ «avant expé ». Je n’ai toujours pas compris pourquoi nous n’avons pas réussi à organiser cette expé ensemble mais cela confirme en tous les cas à mes yeux, l’importance d’une préparation commune : sans elle, aucune expé ne peut espérer atteindre les buts qu’elle se fixe. Nous avons pris la bonne décision et Matthias et Armand ont, semble-t-il, vécu des trucs inouis à deux. Il y a eu deux expés réussies au lieu d’une.
Je suis tombé amoureux de la Mongolie et de son peuple. C’est un pays qui bouge et qui bouge vite. Ces nomades-éléveurs sont vraiment accueillants et curieux. A leur façon, ils sont vraiment modernes et plein d’énergie. Voyager à vélo ouvre les portes immédiatement et nous avons vraiment pu rencontrer des êtres humains attachants et avec qui il y avait moyen de nouer des contacts au delà de la difficulté de la langue. Comme eux, nous campons dans un environnement fragile mais tellement puissant à la fois.
Je retiendrai aussi cette présence spirituelle entre l’animisme et le bouddhisme. Tous les temples que nous avons croisés, vivent et sont remplis de moinillons à la recherche certes d’abord d’éducation mais aussi d’authenticité. C’est aussi la raison pour laquelle nous sommes là, je suis là. Nos démarches spirituelles et nos quêtes de sens se rejoignent même si le point de départ est différent. Je sais que je retournerai en Mongolie.
Les grands espaces que nous avons coytoyés m’ont fait penser à l’Alaska que j’aime tant. Mais ici il y a du monde. L’interaction avec nos semblables en devient aussi naturelle que fortes. Ces grands espaces sont habités et c’est cela le plus intéressant. J’ai découvert que les aborder en vélo permet un vrai échange, plus que la marche où souvent écrasé par un pesant fardeau tu te concentres surtout sur ton prochain pas. A tout moment jailli ici une main pour t’accueillir.
Etonnante rencontre avec ce professeur en calligraphie, tombé de nulle part. Il a ouvert devant nous la porte d’une culture que je ne connais simplement pas mais dont j’ai senti la richesse à travers son enthousiasme. Intellectuellement tu peux appréhender plein de choses par la lecture ou l’étude solitaire mais lorsque deux êtres de chairs se rencontrent et se partagent leurs passions, cela devient beaucoup tout de suite plus puissant. En Mongolie cela arrive juste tout simplement et naturellement au détour d’un simple chemin, où à droite tu évites une tombe de l’âge de bronze et à gauche tu contournes une stupa pour traverser la rivière qui t’oblige à enlever tes chaussure et à retrousser tes pantalons. C’est lorsque tu tatonnes pour trouver le meilleur chemin pour traverser qu’un cavalier te fait signe. Du haut de sa monture il t’indique le chenal optimal pour pousser ta monture à deux roues. Des sourires s’échangent et quelques mots étrangers pour l’un comme pour l’autre passent, tout simplement.
Les retrouvailles avec Quentin qui a épousé ce pays, sa culture et son économie furent aussi très fortes. Il fut notre guide et c’est lui qui nous a permis de vivre ce voyage comme peu de nos semblables débarquant d’Europe peuvent le vivre. Des énormes argalis au vautour moine en passant par les dinosaures et les pierres taillées de la main de l’homme il y plus de 10 milles ans, Quentin non seulement nous a ouvert son grand livre mais il osait aussi nous faire découvrir la haute cuisines sur MSR.
Quentin simplement merci et bonne route dans ton nouveau boulot.