Randonnée arctique ouverte à tous (ou presque)
Le récit de Christian.
Sarek, Voyage au pays du peuple du soleil, (de la neige) et du vent.
Au loin, 3 traineaux tirés par des chiens se faufilent entre des bouleaux nains, et disparaissent dans le brouillard. Peut-être des Saamis, qui préparent le terrain pour le pâturage des rennes au printemps, ou alors d’autres aventuriers du froid, qui traversent comme nous le parc naturel du Sarek. Nous ne le saurons pas. Leur apparition est fugace, et nous restons isolés, comme les autres soirs, dans ce décor blanc.
Les trois tentes ancrées dans la neige tassée seront nos abris pour la nuit. 2 réchauds à essence ronronnent et vont nous permettre de faire fondre de la neige pour les lyoph, et les boissons chaudes du soir. Cette intrusion de la technologie a quelque chose d’incongru. Bien enfoncé dans le trou de la « cuisine », creusé à côté des tentes, et plus ou moins à l’abri du vent, mon seul geste est de puiser de la neige et la faire fondre dans la casserole. De tous les côtés : des parois rocheuses ou des pentes de neige. Le soleil troue à l’occasion les nuages, et illumine un pan ou l’autre du décor. Il neige faiblement.
Tout à l’heure, ou était-ce hier, un aigle a survolé notre groupe en file indienne. Les chamans du « peuple du soleil et du vent », pouvaient autrefois habiter les esprits des êtres vivants sur leur territoire. Nous sommes seulement spectateurs de cette nature hostile, et des conditions difficiles qu’il faut oser endurer pour traverser le Sarek. Des lagopèdes, dérangés par notre campement, piaillent et semblent ricaner. Puis c’est la nuit. Enfoncés au plus profond des sacs de couchage, les cordons bien serrés ne laissent dépasser qu’une narine. Par habitude, le vent souffle et secoue la toile et les tendeurs des tentes. A l’intérieur, la vapeur d’eau produite par notre respiration se condense en fines particules de glace sur toute la surface intérieure de la toile, et forme comme une voûte, histoire de nous rappeler que même à l’intérieur, nous somme encore dans le froid.
Le matin, il faut s’extraire de la chaleur du sac, et sortir de l’abri précaire de la nuit. Au bout de quelques jours, les gestes sont routiniers : allumer les réchauds, faire fondre de la neige, dégeler les chaussures, manger sur le pouce, refaire les sacs, démonter les tentes, au besoin en s’entraidant s’il y a trop de vent, et reprendre la route.
Nous sommes à nouveau des migrants pour un jour. Les rivières, les marécages et les lacs sont gelés, mais sous cette couche plus ou moins épaisse, l’eau vive coule. Il faut savoir éviter ses pièges, étirer la file indienne en laissant quelques mètres entre chacun de nous, par sécurité.
Nous restons des intrus dans cette nature extraordinaire. Comment imaginer que cette terre gelée est habitée depuis 10.000 ans par les peuples premiers chasseurs-collecteurs, ancêtres du peuple Sami. Il y a à la fois une fascination et un malaise à troubler un des derniers mondes sauvages d’Europe : Sápmi (laponie en langue Saami), le territoire aux 2 saisons, l’hiver (entre septembre et mai) et l’été. Respecter cette terre, minimiser notre impact provoqué par notre passage, emporter les quelques 80 litres de déchets produits durant cette semaine de rando, et récoltés par la pulka de « Sarek propreté ». Terminer ce voyage avec un brin de conscience amplifiée ?
Christian
Biblio :
Frison-Roche , « La dernière Migration » et «Le Rapt » , Ed Arthaud 1965 et1966 . Le livre de Poche 3560 et 3531
Les Saamis, peuple du soleil et du vent, Ed Àjtte, Musée suédois des montagnes boréales et de laponie, Jokkmokk-Suède 1993.
http://capexpe.org/laponie2012/