Réalisation d’un vieux rêve : la traversée de la Scandinavie en partant avec une Pulka sur roulette de Bruxelles.
L’aventure est arrêtée au milieu par un avalanche. Un incroyable récit de survie : https://capexpe.org/groups/scandinavie2008/gpages/lavalanche

Kilpisjärvi, 23 avril 2008

Me voici en Finlande. Petit retour en arrière sur les deux semaines écoulées.

Ritsem-Abisko

Tout a commencé par une double rencontre: tout d’abord à Gällivare avec Fred, qui venait directement de Belgique par le train. Embarquement immédiat dans le bus pour Ritsem. Après deux heures de route, nous débarquions à l’endroit précis que j’avais quitté une semaine auparavant pour cause d’ennui: une minuscule auberge camping, perdue en cul-de-sac au fond d’une vallée interminable, pourvue d’une échoppe proposant trois boites de conserve et des boulettes de viande surgelées. Ole nous y attendait, à peine arrivé de Sulitjelma en Norvège. Quel plaisir de revoir coup sur coup deux potes, surtout sachant que l’un venait directement de Belgique et que l’autre venait tout droit à skis de l’endroit ou nous avait pris l’avalanche (un millier de kilomètres au sud), d’où il avait tenu à repartir!
L’occasion, donc, de partager avec mon compagnon de galère nos aventures écoulées depuis que nous nous étions séparés à Kongsberg au début du mois de février! Même si nous étions restés régulièrement en contact téléphonique, il y avait assurément beaucoup de choses à se raconter…
Ole a avancé très vite et rattrapé ma progression, bien que j’aie parcouru plusieurs centaines de kilomètres en bus vers le nord. C’est donc une chance que d’avoir pu nous revoir sur nos routes respectives!

La soirée s’est bien évidemment cloturée par un sauna, tandis que nous prenions la décision de marcher tous trois ensemble le lendemain.

Départ bien venteux de Ritsem, tandis qu’Ole marchait déjà cent mètres devant, Fred se prenait des airs de clocheman et nous devions bien vite sortir l’arme fatale, les compeeds…
Nous craignions le pire, mais à grands coups de double peau, nous avons finalement pu préserver les pieds toute la semaine…
L’endroit était absolument charmant, une autoroute à motoneiges digne des pistes vertes de nos stations alpestres, criblée des fameuses croix rouges, et surplombée d’une non moins jolie ligne 20kV.

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Entre Ritsem et Hukejaure, un jour un peu venteux…

L’occasion d’une parenthèse concernant l’horrible croix rouge. Les Suédois et les Norvégiens ont des approches bien différentes quant aux facons de parcourir la montagne.
En Norvège, les motoneiges sont à peine autorisées. On peut se munir d’une autorisation spéciale si on assure l’entretien d’un refuge, pour accéder à son propre chalet de montagne, et bien sûr pour raisons professionnelles (éleveurs de rennes, …). Les rares pistes pour motoneiges sont marquées de facon provisoire, généralement à l’aide de longues branches piquées dans le sol à intervalles réguliers. La montagne se parcout donc en principe à pied ou à skis, selon la saison. Le marquage des sentiers, quant à lui, est réalisé exclusivement à l’aide de pierres levées qui portent l’inscription “T” à la peinture rouge, et de piquets en hiver pour certains itinéraires. La plupart des refuges sont non gardés, à charge de chacun d’en faire bon usage et de s’acquiter du prix de ses nuitées. Seuls les refuges situés dans les endroits les plus populaires sont gardés en haute saison.

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Piste suédoise pour motoneige, la croix a perdu sa couleur…

La politique suédoise concernant la motoneige est à l’extrême opposé: on peut conduire partout hors sentiers, sauf dans les zones protégées (correspondant généralement aux limites des parcs nationaux). Dans ces dernières, il est cependant fréquent que des pistes spécialement aménagées leurs soient autorisées. La plupart des étendues dégagées (lacs, clairières, …) sont donc criblées de traces décrivant des arabesques indescriptibles, dans lesquelles on lit sans peine l’extase des pilotes…
Les refuges sont parfois énormes, systématiquement gardés en saison. Et surtout, tous les itinéraires sont marqués de croix rouges (en bois, en plastique, en métal) disposées à demeure dans les montagnes.

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Ole déneige sa tente au matin du deuxième jour

En fin d’après midi, nous plantions la tente dans une bonne brise d’E, à l’abri derrière l’une des cabanes d’un village sami. Le vent s’était quelque peu calmé en matinée, et nous reprenions la route. Ole n’était plus qu’un point à l’horizon, bien avant l’arrivée à la cabane Hukejaure, vers midi.
Après le casse-croute, nos routes se sont séparées. Fred et moi suivrions un itinéraire plus à l’est, histoire de faire un détour, car nous disposions de bien trop de temps pour atteindre notre destination, et il n’y avait certainement pas d’intérêt à arriver à Abisko (étape suivante avec bitume, supermarché, douche chaude,…) trop tôt. Autant nous attarder dans le massif, donc.
Ole irait tout droit vers la cabane Alesjaure. Nous avons appris par la suite qu’il y était arrivé le soir même (cela nous a pris 2 jours et demi), et à Abisko le lendemain (5 jours pour nous)!
Et nous nous accordions une après-midi tranquille dans le refuge quasi-désert, couronné en fin de soirée d’une timide aurore boréale.

La journée du lendemain fut digne des conditions les moins agréables: vent dans la gueule, visi médiocre, croix rouges… Nous nous imaginions encore planer en des terres isolées, n’ayant croisé que deux rennes sur la journée. Le choc fut donc brutal en arrivant au refuge Sälka. Il faut préciser que nous venions de faire la jonction avec la “Kungsleden”, itinéraire très populaire parmis les Suédois, et que nous comptions emprunter jusqu’à Abisko.
Tout d’abord, il a bien fallu constater que ce n’était pas un refuge, mais un village. Premier bâtiment: mini-superette garnie de tout ce que le randonneur peut avoir besoin: bières, nourriture deshydratée et compeeds. File à la caisse pour réserver un lit. Tandis que l’un des gardiens avait la caisse pour fonction, l’autre faisait l’hôtesse, dirigeant les clients vers leurs chambres respectives… Nous héritions donc d’une chambre-couloir dans le coin d’une cabane emplie de randonneurs affairés. C’est à peine s’il ne fallait pas se battre pour trouver une place assise à table, une casserole et un bec à gaz. Pour le reste du village: deux autres bâtiments-dortoirs,  bâtiment toilette, bâtiment sauna…. 45 paires de skis plantés dehors dans la neige, 4 attelages de chiens de traineaux. “You´re on the highway now” nous confirme un skieur suédois.

Quel n’était donc pas notre soulagement de quitter l’endroit le lendemain matin, avec le retour du beau temps. Croix rouge après croix rouge, au fil des rencontres avec les groupes cheminant dans le sens opposé, nous avons fait notre cheminement jusqu’au col puis au-delà. Et nous avions pris la décision de ne pas dormir en refuge la nuit suivante.
Nous avons donc entamé la construction d’un igloo. J’en avais déjà monté un avec Rémy le mois précédent; c’est une expérience intéressante, mais qui est tout à fait anecdotique au sein des techniques d’abri en terrain enneigé, en raison du temps, de la précision, et de la qualité de la neige exigées. En cas de nécessité, on creuse une grotte dans une pente, une corniche, une congère.
3h30 de construction et une nuit bien au chaud (-18C dehors et -10C dedans).

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Matin du 5e jour, prêts à reprendre la route

Sur notre chemin vers Abisko le lendemain, nous nous sommes apercus que nous étions à nouveau en avance, et nous avons décidé de prendre un détour, vers l’ouest cette fois, loin de la Kungsleden. Après la cabane Alesjaure, nous avons donc pris à gauche. Seul hic, il fallait monter de 500m pour redescendre de l’autre côté. Mais la vue en valait la peine. Et le cheminement sur carte commencait à ressembler à un accordéon.

La descente fut épique car très très raide, surtout lorsque Fred a laissé échapper sa pulka!! Nous avons suivi des yeux avec effroi la course du bolide, évitant par miracle tous les îlots rocheux sur son passage. 150m plus bas, l’engin a fait un strike avec le seul piquet de marquage disponible, j’ignore comment Fred a pu viser si bien. Une chance, car en cas de collision avec un rocher, cela aurait été la pulvérisation pure et simple…
Fred m’assure qu’il n’a pas fait exprès, mais je le soupconne fortement d’avoir voulu se séparer de son chargement encombrant  pour se permettre une petite godille.
Deux minutes plus tard, c’était à mon tour de faire un tonneau, la pulka s’est ouverte et le thermos de thé a volé dans la pente. Quand Fred m’a crié “He Nico t’as rien compris, c’est la pulka qu’il fallait balancer”, mes doutes étaient définitivement dissipés.

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Coucher de soleil au refuge Unna Allakas

Après cette aventure, nous sommes parvenus au refuge Unna Allakas. Une ambiance autrement plus sereine, deux skieuses et surtout un groupe de cinq Norvégiens venus en motoneige pour le we.

Nous avons recu du vin, de la bière, des assiettes entières de charcuterie Norvégienne: renne, élan, mouton,… Nos amis se livraient à un véritable festin!
Au cours de la conversation, arrosée de cognac et d’aquavit, nous sommes parvenus sur le sujet “avalanche”, et tenez vous bien, car l’histoire est à dormir debout.
Kjell et Regina possèdent un chalet sur le lac Altevatn, cinquante kilomètres au nord. Au début du mois de février, alors que Kjell revenait de la chasse à la perdrix, il a déclenché une avalanche. Il a juste eu le temps de se débarrasser de ses bâtons et d’ôter sa carabine de son torse. Complètement enseveli et oppressé par le poids de la neige, il est néanmoins arrivé, à l’aide de son arme qu’il tenait encore à bout de bras, à percer un petit trou vers la surface. Puis, parvenu à saisir son télephone, il a composé le numéro de Regina, qui a, à son tour, alerté les secours. Au chalet en contrebas, l’un des fils de Kjell avec un ami, ont eté prévenus. Dans la précipitation, ils ont démarré les motoneiges (sans même penser à emporter des pelles), se sont embourbés dans la neige profonde plus haut dans la forêt, ont du continuer à pied, à quatre pattes. Ils sont arrivés les premiers sur le lieu de l’avalanche, et c’est donc le fils qui a dégagé le père. Kjell est resté presque deux heures dans l’avalanche…

Plus tard dans la conversation, nous constatons un autre fait stupéfiant: Kjell et Åge (le père de Ole) sont de vielles connaissances professionnelles!! C’est tout à fait incroyable et l’euphorie est à son comble.

Quand vous saurez en plus que le grand-père et le père de Kjell ont tous deux survécu à une avalanche, et qu’ils ont respectivement étés dégagés par le père et Kjell lui-même, vous serez persuadés que l’histoire n’a rien de banal! Troisième génération à se faire sauver par son fils!!

Surréaliste.

Sur ce, nous décidons de nous revoir à Altevatn, qui est précisément sur ma route d’Abisko à Kilpisjärvi. Persuadés que mon matériel n’est pas approprié, Regina m’apportera de nouveaux skis nordiques et chaussures.

Deux jours plus tard,  Fred et moi parvenons à Abisko. Précisons d’abord qu’il y a deux Abisko: Abisko Turiststation (la seule auberge au monde possédant sa propre gare, paraît-il) et Abisko Östra, à deux kilomètres à l’est.
Nous avions précisément orienté notre itinéraire sur Östra, ou nous dégotons une sympathique auberge ne payant pas de mine. Puis, à la recherche de cartes et d’autre petit matériel, nous décidons de faire rapidement un tour à Turiststation. Seule consigne: revenir pour 20h au plus tard, heure de fermeture du restaurant où nous avons planifié l’orgie!
L’aller est facile: nous arrêtons la dixième voiture, qui nous dépose à l’entrée.
Le centre touristique, bien que propre, net, moderne et confortable, est laid et repoussant. Tout  y respire le prêt à consommer. Le complexe intègre réception-informations, boutique de sport, restaurant, sauna, multitude de chambres, et bien sûr la gare… on y organise des journées d’entreprise, des soirées à thèmes bidons, …
Malgré tout cela, ils n’ont même pas la carte dont j’ai besoin pour rejoindre Altevatn. Tant pis, je me contenterai d’une photo satellite Google-maps, de mon atlas routier et du GPS pour traverser les montagnes: complètement inapproprié…
Nous galèrons un peu pour le retour, personne ne s’arrête et nous craignons même de rater le resto! La pression monte.
Finalement nous arrivons avant la fermeture et méritons bien le festin, même s’il a bien fallu répéter à la serveuse que oui, nous voulons effectivement deux entrées, trois plats et quatre desserts, deux bières et une bouteille de vin, non ce n’est pas une erreur.

A notre arrivée à l’auberge, vlatipa que nous tombons sur deux allemands qui planifient le même parcours que nous, mais dans le sens opposé! Chouette soirée.

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Au village Sami entre Ritsem et Hukejaure

Abisko-Altevatn-Kilpisjärvi

Me voici donc en partance d’Abisko. Dernières courses au supermarché, puis je laisse Fred dont le train pour Kiruna part dans deux heures.

Il est déjà midi et j’ai devant moi la traversée d’un énorme lac, le Törneträsk, sur lequel apparait déjà par endroits de la glace nue, noire, sur laquelle on a aucune accroche. Lorsqu’un bon vent souffle dans le dos, ces conditions sont idéales: il suffit d’écarter les bras, et on avance tout seul… malheureusement aujourd´hui, le vent furieux vient de ma droite… 10km les yeux rivés sur la boussole, aucune visi de l’autre rive.

Après deux heures de traversée, j’atteints la rive opposée, raide et boisée. Il s’agit d’y trouver un cheminement , car il n’y a pas de traces. Je monte trop à l’est, me voici bloqué du mauvais côté de la rivière, c’est un canyon infranchissable. Redescente, ma carte indique un pont, je le franchis. La pente s’accentue encore, je suis bien content lorsque je débouche enfin suant sur le plateau, le temps s’améliore… Plusieurs kilomètres plus loin, dans un paysage blanc à perte de vue, un gros panneau jaune: Riksgränse NORGE/ Riksgrense SVERIGE. Je m’enfonce encore de quelques kilomètres en territoire norvégien, ici s’arrête ma carte au 1: 100 000. Temps de planter la tente.

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Lendemain matin: navigation à la photo satellite. Heureusement que le relief est évident! Treize heures, je m’installe dans le confortable refuge sur le bord du lac Altevatn.
Regina et Kjell arrivent pour l’heure du goûter, quelle belle organisation et quelle joie de se revoir si vite! Dans la remorque les deux motoneiges, nous sanglons ma pulka sur le plateau. Vingt minutes de route sur le lac gelé, nous nous garons devant le chalet. Endroit charmant et retiré, intérieur cosy, le poêle chauffe et le repas mijote tandis que j’essaye mes nouveaux skis, parfait!
Nous passons une chaleureuse mais brève soirée, Kjell a apporté toutes les cartes nécessaires à la poursuite de mon voyage jusqu’en Finlande, et il me briefe de facon détaillée sur l’itinéraire qu’il me conseille. Regina et lui  connaissent parfaitement les montagnes, ce sont de biens occasionnels conducteurs de motoneige, leur moyen  de déplacement est habituellement le ski, et ils ont également des projets de grande traversée!

Avant la tombée de la nuit, mes amis remontent sur leurs engins, nous nous reverrons au mois de mai.
Kjell, Regina, merci! Vous avez été de vrais anges gardiens pour moi!!

Il me reste donc à passer une bonne nuit, mettre au point mon nouvel équipement. Le lendemain midi, je ferme la porte du chalet.
Il ne me faut pas trois heures de marche pour essuyer un brusque changement de temps. Vent, brouillard et chasse-neige, plus de visi. Dans ces conditions, mes résolutions sont claires: monter la tente et ne plus bouger! Je passe finalement l’après-midi, la journée complète du lendemain, et la matinée suivante bloqué sous la tente, aucun changement de temps… soit 45 heures sans mettre un orteil dehors! Dire que je suis à 10km du chalet…

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Dans la tempête, rien d’autre à faire que de manger…

En début d’après-midi, le temps s’est remis, saturé d’ennui je replie rapidement les affaires, j’ai besoin de bouger! Le col n’est plus loin et j’y croise un couple norvégien avec deux chiens, qui arrivent en sens inverse. Un heure après, je rencontre deux éleveurs et leurs motoneiges. Ils me demandent si je n’ai pas vu leurs rennes… ben non, pas encore. Je fais une petite pause à la cabane Vuoma, s’y trouve un papa et son fils qui viennent chaque année pêcher quelques jours ici. Un peu plus loin, j’échange quelques mots avec une autre pêcheuse, ca mord mais les poissons sont un peu petits! Inutile de préciser qu’en cette saison, le matériel du pêcheur comprend toujours une pelle et un énorme forêt pour pratiquer les trous dans la glace!! En Suède on va pêcher en motoneige, et les forêts sont souvent équipés d’un moteur de tronconneuse, mais ici tout se porte sur le dos ou en pulka!!

La descente suivante dans la forêt est ce que j’ai fait de plus scabreux jusqu’à présent. La neige est verglacée/croutée, mes nouveaux skis glissent du tonnerre et je manque à plusieurs reprises de me prendre des arbres, pas bien gros sous ces latitudes, mais suffisament pour que ca fasse assez mal.
Quant à la pulka, elle progresse de collision frontale en collision frontale, ce qui a l’avantage de la freiner assez bien… Le problème est qu’elle choisit bien souvent l’autre côté des arbres que moi, ce qui se termine invariablement par un arrêt très brutal…
Je termine donc le tout à pied, plus prudent.

Alors que je commence à trouver la journée longue (il est 21h30), je croise une cabane forestière gérée par le service des forêts (Statskog), qui est accessible librement. C’est une cabane de rondins, sombre et assez basse de plafond, munie d’un poêle à bois, de deux couchettes, d’une table, et qui daterait de 1930, m’a-t-on dit.. L’endroit a un charme fou. Dividalen est l’une des vallées les plus charmantes que j’aie croisées sur ma route.
Loin des foules de la Kungsleden, l’endroit respire l’authenticité.

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Un nouveau jour se lève et je quitte ma cabane de trappeurs pour remonter dans la forêt, toujours aussi verglacée. Au-dessus de la limite des arbres, je croise mes premiers rennes. Grattant la neige avec leurs sabots, ils s’alimentent là où la couche est la plus faible, au sommet des monticules. Leur odorat leur permet de trouver le lichen même sous une bonne couche de neige. J’ai essayé, je trouve que ca ne sent rien du tout…
Particularité chez les cervidés, la femelle porte des bois et les garde pendant l’hiver, lorsque les bois du mâle tombent, ce qui lui assure une certaine supériorité sur le pâturage. Heureusement que Samuel m’a expliqué ca, je crois que je me serais laissé avoir…

J’avance et il y a de plus en plus de rennes, il y en a partout, des dizaines! Mais aucune trace humaine et aucun skieur… pas même à la cabane (Daerta).

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Dimanche, petite journée, temps magnifique, Daerta -> Rosta et des vues magiques sur les montagnes au nord! Passé le col au nord de la cabane, plus de rennes, mais je croise par contre un groupe de quatre skieurs qui se rendent à Dividalen depuis Kilpisjärvi.
Il est 15h, j’hésite à m’arrêter à la cabane Rosta, mais le temps commence à changer. Bien m’en prends, je vais rester bloqué une après-midi, et quasi toute la journée du lendemain. Le vent se lève et souffle bien fort, il neige, la vallée que je dois emprunter (Isdalen) est perdue dans les nuages.

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Lundi 17h00, belle amélioration! Le vent tombe, les nuages dégagent la vallée. Les journées sont déjà très longues, autant en profiter! Je quitte donc le refuge, prêt à passer la nuit suivante en tente (la cabane suivante est distante de 20km). La remontée de la vallée Isdalen est magnifique, mais oppressante. La vallée est bordée à la manière d’un fjord d’impressionnantes pentes et parois à pic. La vallée semble se boucher, comme si le fond était occupé par une muraille. Mais où est donc ce col qui semble si évident sur la carte? Je me sens anxieux, je dois me calmer… le temps est ok, les pentes sont douces, la visi est bonne, il n’y a plus de vent. Mais cette lumière déclinante, ces nuages accrochés aux sommets donnent à l’endroit un caractère sinistre. De nombreuses sensations désagréables me reviennent en mémoire, je scrute les pentes. J’ai bien du mal à laisser l’objectivité prendre le dessus. Enfin, je trouve un balisage, je suis les bâtons plantés dans la neige, qui m’indiquent la route. Le cheminement est aisé et sûr. J’arrive au col immensément soulagé.

Au-delà du col, la pente redescent doucement vers le coin nord-ouest de la Suède.
Mes nouveaux skis me propulsent droit devant…
Emporté dans mon élan, j’atteinds le refuge vers 22h30. Et dire qu’à 4h, il fera de nouveau tout à fait clair! Des visiteurs ont passé ici la nuit précédente, inutile d’allumer le feu, car la température est tout à fait agréable. Quel plaisir!

Dernière étape vers Kilpisjärvi. Ma première escale sur ma route sera Treriksröset (Treriksroysa en norvégien, kolmen valtakunnan rajapyykki en finnois!), le point ou les trois pays se rencontrent. Aujourd´hui vous pourrez donc facilement situer ma position sur n’importe quelle carte!!
Je pense à Ralf donc ce sera ici la fin de la randonnée. Il marche maintenant depuis presque trois mois, il est à présent à Abisko. Je l’imagine assis ici. Quelles pensées peuvent bien traverser l’esprit lorsqu’on parvient à l’extrémité de son voyage? Parvient-on jamais à destination? Peut-on, de toute facon, exiger réponse à toutes ses questions?

Du reste, Treriksröset est un gros bloc de béton peint en jaune dans une vallée quelconque…. absolument bucolique. On a le sentiment de n’être arrivé à aucune extrémité du tout, ou alors toute artificielle. Terminer sur l’océan est probablement plus élégant et cela met un terme à coup sûr au projet de continuer plus au nord! Si l’esprit n’est pas prêt à s’arrêter, la nature fera le travail.

En arrivant sur le bloc jaune, j’avais donc bien envie de prendre une pause, mais je ne pouvais absolument pas me décider dans quel pays (grimper sur le bloc semblait un peu glissant). Après avoir fait plusieurs fois le tour, je me suis donc décidé à casser la croûte en zone euro…

En quittant l’endroit en direction de Kilpis se posait un autre problème. Je devais skier sur un lac en longeant la frontière sur 10km. Il y avait deux pistes aménagées, parallèles l’une à l’autre de part et d’autre de la frontière. Quelle absurdité. Je me suis décidé pour la piste finlandaise, elle était mieux damée, et marquée de bâtons bleus, moins agressifs aux sens esthétiques que les horribles croix rouges de la piste Suédoise!!

Kilpisjärvi, donc… Je me suis installé dans l’auberge touristique locale. L’endroit n’a pas vraiment d’âme, mais au moins il y a du passage et de l’ambiance, les contacts sont très sympathiques!!

Le planning d’origine était de ne faire escale ici qu’une journée, avant de continuer ma route vers la vallée de Reisadalen à trois jours de marche. J’y aurais rencontré Laurent, qui vient me rejoindre pour cinq jours de marche, et nous aurions progressé jusqu’à Alta.
Mais j’ai consulté plus précisément les cartes détaillées et parlé au téléphone avec un norvégien qui connait les montagnes comme sa poche. Il se fait que cette vallée n’est pas seulement un lieu de rendez pratique (un bus fait la liaison avec la côte), mais surtout un canyon à peine franchissable, bordé bien souvent de falaises. L’altitude du fond est de 100m, contre 600m pour les plateaux alentours. J’ai de plus appris que les glaces venaient de se disloquer et que parcourir le fond du canyon est une très mauvaise idée.
Nous avons donc changé de plans. J’attendrai Laurent ici à Kilpis jusqu’à samedi soir. Nous skierons ensuite ensemble jusqu’à Kautokeino, où nous serons le 1er mai.

Etape suivante: Kautokeino-Alta.

D’ici l’arrivée de Laurent, vous l’aurez constaté, il n’y a pas grand chose d’autre d’intéressant à faire que d’écrire…

Nico