Réalisation d’un vieux rêve : la traversée de la Scandinavie en partant avec une Pulka sur roulette de Bruxelles.
L’aventure est arrêtée au milieu par un avalanche. Un incroyable récit de survie : https://capexpe.org/groups/scandinavie2008/gpages/lavalanche

Gällivare, le 4 avril 2008

Le soleil a continué à briller ici, ce qui n’est pas sans me causer de sérieux problèmes de bronzage: marchant continuellement vers le nord, je ne parviens à prendre un beau teint que dans la nuque…

Je me trouve depuis mardi soir à Gällivare, petite ville minière à l’aspect tristounet. La chaleureuse équipe Sarek a repris son train jeudi soir, me laissant dans cette auberge décrépie sur laquelle s’est abattue une atmosphère sinistre…
Je vais à présent avoir le grand plaisir de revoir Ole, qui arrive à skis après un long chemin depuis le sud de la Norvège, et Fred, qui vient me rejoindre, depuis la Belgique, pour une semaine.
Avant de vous faire l’apologie du chaos, voici quelques éléments de planification.
Les choses se dessinent donc probablement ainsi:
– samedi, je monterai en bus vers Ritsem (3h de route), où j’ai laissé ma pulka. Je devrais y rencontrer Ole.
– dimanche, arrivée de Fred, via Gällivare et bus pour Ritsem
– lundi, départ de Ritsem à skis vers Abisko, où nous serons au plus tard le 14 avril
J’ignore encore si Ole se joindra à nous pour un bout de chemin, nous verrons cela à Ritsem!

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Au départ de Valsjöbyn

Contrairement à mes étapes précédentes, le magnifique massif du Sarek, que nous venons de traverser, attire par sa popularité quantité de skieurs cross country. Strictement parlant, le massif est considéré comme le sanctuaire “wild” du nord de la Scandinavie. Un grand parc national, aucune infrastructure, pas de cabanes, pas de motoneiges, pas de sentiers balisés. Une semaine de marche sans abris ni possibilités de ravitaillement.
Dans les faits, se pose tout le “paradoxe wilderness”. Le massif est encadré, de part et d’autre, par d’imposants refuges de montagne, gérés par le club de trekking suédois. Ces mêmes auberges proposent nourriture lyophilisée, cartes de randonnée, matériel de trekking. Leurs livres d’or regorgent de commentaires enthousiastes narrant l’émerveillement de toutes ces équipes ayant précédemment emprunté le même itinéraire que vous. Quant à chaque skieur rencontré, il semble capable de vous réciter, tel une encyclopédie, la description de tous les itinéraires conseillés à travers le massif. Et lorsque le vent ou la neige n’effacent pas les traces, les équipes successives impriment de véritables autoroutes dans la neige des vallées.

Bien au delà de la problématique de la solitude, se pose la question: quel cheminement reste-t-il encore à inventer?

Au contraire, mes randonnées précédentes dans les montagnes suédoises (Meråker-Kolåsen-Valsjöbyn-Gäddede) ne suivaient aucun cheminement classique. Les collines, jugées trop quelconques sans doute, n’avaient ici aucune raison d’attirer les hordes de randonneurs assoiffés d’aventure encadrée. Il y avait, certes, la présence constante de ces motoneiges, ces routes à traverser tous les cinquante kilomètres, les installations hydroélectriques. Mais le cheminement se construisait au jour le jour, avec une carte et un peu de bon sens, et non par la magie des topo-guides.

Il ne faudrait donc pas se leurrer. Où est la véritable authenticité?

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Ceci est également l’occasion d’une réflexion sur mon mode de voyage. Il y a trois mois exactement, je mettais pour la première fois le pied en Scandinavie. Je n’emportais aucune carte précise, aucune adresse, aucun horaire de bus, seuls quelques conseils glanés ca et là, et la vague idée d’un cheminement sur quelques pages arrachées à un bien généraliste atlas au 1:400 000. Je débarquais après trois jours d’autostop et de ferry à Kristiansand, muni pour seule information, sur un bout de papier, de l’adresse du club de trekking norvégien. J’y ai trouvé mes premières cartes détaillées, j’étais lancé…

Pour pouvoir vivre pleinement la découverte, pour ne me mettre aucune barrière, j’avais volontairement éludé tout un pan d’organisation.

Cela n’a pas été sans poser certaines difficultés. Contraint de passer la première nuit dans les toilettes publiques, de quémander un peu d’électricité aux portes des habitations. Premier refuge fermé…
Mais j’avais définitivement opté pour l’autonomie, en matériel comme en nourriture, et j’ai considéré chaque imprévu comme une nouvelle réjouissance.

Puis, au long de ma route, j’ai rencontré d’autres personnes accomplissant elles aussi de longues randonnées à skis, j’ai découvert d’autres facons de voyager. Certains traversaient leur propre pays, ou des régions qu’ils avaient déjà fréquentées auparavant. La plupart avaient commandé toutes leurs cartes à l’avance, dessiné les cheminements planifiés. Certains suivaient scrupuleusement, jour après jour, les instructions d’un tableau excell minutieusement mis au point. D’autres faisaient envoyer des colis de nourriture sur leur route.
Mille méthodes différentes, et aucune à préférer: elles ne sont que le reflet d’approches différentes.

Pour ma part, j’ai cherché à laisser la plus grande part d’indétermination dans mon voyage. Hormis quelques rendez-vous avec des amis, qui me tiennent à date fixe -mais que ne ferait-on pas pour croiser des amis-, je vagabonde d’une vallée à l’autre, d’un lac à l’autre, dans les forêts, aux courbes des collines. Seuls comptent l’émerveillement et la découverte.

Refus de l’itinéraire établi, refus des chemins tracés, refus de la planification!

Prochain contact à Abisko, à bientôt

Nico